Plongée sur La Nouvelle depuis le col des Bœufs – Et à l’arrière-plan : le Maïdo

[Mafate] Le projet inabouti de la route forestière de La Nouvelle

ÉPISODE 18 : FAUT-IL DÉSENCLAVER LE CIRQUE ?

« C’est quand même le travail de beaucoup d’années, le travail de… » Sociologue, Arnold Jaccoud sourit sans finir sa phrase. Mais c’est bien « le travail d’une vie » qu’il partage avec les lecteurs de Parallèle Sud. Dans ce 18e épisode il raconte comment Mafate a failli se doter d’une route forestière allant du col des Boeufs jusqu’à la Nouvelle.

Les randonneurs qui passent aujourd’hui le col des Bœufs, après avoir garé leur voiture au  parking sécurisé du Petit col, n’ont à l’évidence pas conscience des obstacles auxquels ont été confrontés les promoteurs et les constructeurs de la route forestière du Haut Mafate. De plus, ils ignorent généralement que cette route devait à l’origine les conduire jusqu’à La Nouvelle !

Lors des années précédentes, dès 1970, l’idée de désenclaver le cirque de Mafate, à l’image de ceux de Salazie et de Cilaos, s’était répandue auprès des autorités. Elle correspondait au nécessaire progrès auquel le cirque avait droit, à partir du moment où on avait renoncé à en éliminer les habitants. En 2007, un tel projet est abandonné depuis longtemps, notamment sous la pression des écologistes, mais également en tenant compte des difficultés techniques rencontrées. Et peut-être inconsciemment avec le souci de cette particularité d’un espace précieusement protégé, devenu de ce fait superbement attrayant pour un certain tourisme…

La seule voie d’accès de Mafate, généralement praticable avec les 4×4, demeure le CD2, voie départementale qui emprunte le lit de la rivière des Galets jusqu’à Deux Bras et qui conduisait dans tan lontan jusqu’aux abords de Mafate les Eaux.. 

Les lecteurs ont quelque raison de s’interroger sur l’intérêt du travail présenté ici. En quoi cet épisode, Interminable il est vrai, peut-il représenter autre chose qu’un ensemble de questions techniques et financières ? Mais que serait devenu le cirque de Mafate avec les conséquences de l’établissement d’une voie ouverte aux véhicules individuels et collectifs, voire aux poids lourds ?

Le bon sens et l’expérience se liguent immédiatement pour répondre : Tout commence par la route ! La route, c’était l’ouverture aux transformations accompagnant les progrès techniques et la modernisation de tout : économie, modes de vie, mobilité, circulation et transports des personnes et des marchandises de toute nature, culture et loisirs, prospérité due au tourisme…

Mais d’un autre côté, l’écosystème particulier des hauts du cirque en aurait été profondément touché : fragmentations, atteintes à la biodiversité, pollution ou accélération de l’invasion de la flore exogène… Et que dire de l’écosystème humain sans doute profondément disloqué ?

Après des années de débat (1970 à 1990), après un renoncement sous la pression écologique notamment, que reste-t-il de ces conceptions du développement de Mafate ? Apparemment peu de choses. Ni les 800 habitants de Mafate, ni les 90 000 à 100 000 randonneurs qui franchissent chaque année les « portes d’entrée » du cirque n’ont l’air de regretter ce projet inabouti…

Pour autant, en vue de relater ce qui pourrait s’apparenter à une véritable saga, je me suis appuyé sur quatre documents, retrouvés non pas dans des archives, mais dans un tas de papiers sauvés après la fermeture du centre de documentation de l’APR. 

A • Le premier document, un extrait provenant de la Direction de l’agriculture est daté manuellement « DDA – octobre 1975 ». Joint à une « Demande d’intervention des fonds européens en faveur de l’agriculture réunionnaise » (pour 1976 et 1977), Il expose la situation du cirque avec les intitulés sommaires des opérations programmées, dont la route forestière est partie prenante.

B • Le second est un dossier de 4 pages « Route du Haut Mafate – Bilan au 31 octobre 1982 et options possibles ». Il comporte la succession des dates utiles et présente ainsi la chronologie des travaux entrepris dès la phase initiale, avec leur coût…, ainsi que croquis et cartes IGN de l’itinéraire envisagé jusqu’à La Nouvelle.

C • Le troisième, établi par l’ONF en septembre 1989, expose le budget primitif alloué au projet de programme du « Chemin d’accès à La Nouvelle », partant du col des Bœufs. Il est destiné au Conseil régional et mentionne au passage qu’ « une fraction de l’opinion publique » peut être « opposée à la création de cet accès automobile », mais que « la totalité de la population de La Nouvelle la souhaite et la majorité des élus lui est favorable ».

D • Le quatrième (en fait deux documents intitulés « Une route desservant La Nouvelle », signé du Chef de district JB Hans et « La route forestière de La Nouvelle », rédigé à Saint-Denis par Jean Amat, le 21 février 1991) porte de façon approfondie sur le débat relatif aux enjeux sociaux, psychologiques et socioculturels du projet envisagé, ainsi que sur les profonds changements qu’il pourrait entraîner. C’est ce document qui, dans le présent travail, suscite le plus haut intérêt.

Les réflexions portent sur les caractéristiques observées de la vie dans le cirque. Elles abordent les questions 

– de l’estimation chiffrée du tourisme pédestre (30 000 personnes) et héliporté (10 000 personnes)

– de l’agriculture

– de l’artisanat

– de l’éducation de la culture et des loisirs

– des modes de vie et des sources de revenus

Le piton Cabri vu depuis Bord Martin
Le piton Cabri vu depuis Bord Martin

A • En 1975, l’état de la situation est indiqué dans cet extrait d’un document de la Direction de l’agriculture, daté d’octobre, envisageant les interventions financières pour les deux années à venir. Les difficultés de la vie dans le cirque ne sont pas niées. Le désenclavement routier fait partie des préoccupations partagées, avec un reboisement rendu indispensable pour réparer les dégâts souvent dénoncés et causés par les habitants eux-mêmes, ainsi qu’un programme d’irrigation grâce auquel on entend favoriser la production agricole, dont il conviendra de moderniser le transport…

Alors que les travaux topographiques étaient lancés dès 1974, c’est en 1976, que débute le chantier de la route forestière n° 13 du Haut Mafate, au départ de Grand-Ilet jusqu’au Bélier, à quelques centaines de mètres. 

Elle n’est alors qu’une piste, qui pourrait être élargie en route carrossable, d’abord jusqu’à Bord Martin, puis jusqu’au Petit col, pour parvenir enfin au col des Bœufs.

Selon les témoins de l’époque rapportés dans le JIR en 2008 par Alain Dupuis, « Il y avait eu une grande discussion entre M. de Montaignac, à l’époque directeur de l’ONF, et Pierre Lagourgue, qui présidait aux destinées du Conseil Général. M. de Montaignac était contre cette route. Pierre Lagourgue lui défendait l’idée que les Mafatais étaient des Réunionnais comme les autres et qu’à ce titre, ils avaient droit comme les autres au désenclavement. Avec la route, on espérait également mieux répartir les richesses de Mafate qui étaient entre les mains de deux ou trois profiteurs. »

Déjà à l’époque, les réactions des écologistes ne se font pas attendre. 

Les forestiers doivent par ailleurs affronter la réalité du terrain. Jean-Pierre Ravelin, un de leurs responsables : « Il valait mieux ne pas avoir le vertige. Le piquetage du tracé avait été fait. Il s’agissait de conduire les travaux après Bord Martin en suivant le piquetage. J’avais un gros chien berger. Il m’accompagnait sur le terrain. Une fois après le parking du Petit Col, j’ai été obligé de le porter dans mes bras pour franchir un passage scabreux. Lors de la traversée des ravines, nous étions obligés de descendre de 10 m et de remonter de l’autre côté. » »

Sentier du Grand Rein vu depuis Bord Martin
Sentier du Grand Rein vu depuis Bord Martin

De fait, la route forestière est très partiellement ouverte à la circulation en 1981. 

L’idée d’origine est bel et bien de la continuer jusqu’à la Nouvelle. « Les plans existaient. Ils doivent toujours se trouver à la direction régionale. Mais nous n’en étions pas encore là. Nous avons été confrontés à des difficultés techniques considérables. On me donnait un plan. On me disait « la route doit passer là ». Il fallait d’abord que les ouvriers défrichent l’emprise avant de lancer les travaux d’aménagement. Nous avions très peu d’instruments. Nous ne pouvions compter que sur le clisimètre (instrument de mesure du degré d’une pente) et le théodolite. Tout le tracé a été fait au bulldozer et à la pelleteuse. Pour ouvrir le Col des Bœufs, nous avons  utilisé d’abord un petit bull puis un plus gros. Mais il ne pouvait pas revenir en arrière. Il a fallu le ravitailler en carburant par hélicoptère. »

Entre-temps, en janvier 1980, le cyclone Hyacinthe fond sur La Réunion. Il n’épargne pas la route forestière. De nombreux ouvrages sont emportés. « Les buses qui avaient été volontairement surdimensionnées restent en place, mais se retrouvent souvent isolées avec le vide de chaque côté »…. rapporte le forestier interviewé dans le JIR par Alain Dupuis.

La question du désenclavement du cirque par l’intermédiaire de cette route, qui permettait de se détourner du difficile Col de Fourche pédestre, situé à 1 946 mètres d’altitude, s’est ainsi posée avec insistance pendant des années, sans jamais trouver sa résolution. Les avantages et les inconvénients provoquaient de telles hésitations qu’elle n’a de fait pas connu de prise de position véritablement claire. Le Conseil Régional, maître d‘œuvre en la matière, n’a pas pris la décision de ce financement, immensément coûteux pour un enjeu souvent considéré comme mineur, mais peut-être aussi déjà sous l’influence des arguments des scientifiques de l’environnement et de la biodiversité, mêlés à ceux des farouches défenseurs de la nature.

B • Le 31 octobre 1982, le Département publie un bilan des travaux effectués depuis 1976. Les montants engagés sur 6 ans dépassent largement les 7 millions de francs !

La poursuite des travaux est envisagée selon 4 options :

1 • L’accès automobile jusqu’à la Nouvelle, soit 12 kilomètres depuis le col des Bœufs

2 • L’accès limité à la plaine des Tamarins, sur un peu plus de 2 kilomètres

3 • L’arrêt de la route au col des Bœufs 

4 • L’ouverture de la circulation uniquement jusqu’au Petit col

La dernière solution (4) permettrait l’accès carrossable du Bélier au Petit col, sur 6,7 km à la fin de 1984. Et d’un autre côté, la « voie charretière » serait prolongée jusqu’au col des Bœufs ou au Petit col, pour permettre au tracteur de La Nouvelle de véhiculer les marchandises avec une seule rupture de charge.

D’une part limitant l’effort financier à consentir, cette hypothèse offre l’avantage d’ouvrir la route à « tout public » et de voir venir par la suite !

Le croquis proposé ci-dessous synthétise les options examinées.

À tout prendre, le projet de l’amélioration du « chemin charrette » est resté entre temps dans les cartons de l’ONF. Dans les propositions du programme 1985 relatif au Fonds Routier, on retrouve en ce qui le concerne un document accompagnant un courrier, daté du 25 février 1985, provenant de Pierre de Montaignac, directeur régional de l’ONF – adressé au Commissaire à la Rénovation Rurale.

Plongée sur La Nouvelle depuis le col des Bœufs – Et à l’arrière-plan : le Maïdo
Plongée sur La Nouvelle depuis le col des Bœufs – Et à l’arrière-plan : le Maïdo

C • Ce troisième document, établi par l’ONF en septembre 1989, est destiné au Conseil régional. Il reprend l’énoncé de l’ensemble du processus avant d’exposer le montant du budget qu’il entend voir alloué au projet de programme du « Chemin d’accès à La Nouvelle », partant du col des Bœufs. Si « la totalité de la population de La Nouvelle la souhaite et la majorité des élus lui est favorable », le document reconnaît qu’ « une fraction de l’opinion publique » peut être « opposée à la création de cet accès automobile ». Et cette fraction ne cessera pas son opposition. « Tien bo larg pa »

Les points essentiels portent sur

– le prolongement du chemin charrette de 3 m de large, sur les 7 km qui séparent son extrémité du col des Bœufs.

– la création de garages de croisement

– la gestion des déblais

– les mesures de protection de la forêt de tamarins par un tracé qui l’épargne

– et par ailleurs, le bétonnage ( ?) de la route du Haut Mafate jusqu’au Petit Col, y compris son aire de stationnement

– une prévision de la gestion de la circulation sur ces tronçons : le grand public jusqu’au col des Bœufs et les Mafatais bénéficiant, eux seuls, de l’accès jusqu’à La Nouvelle.

Pour 1990, le coût de l’ouverture du tracé du col des Bœufs à La Nouvelle est estimé à 2 350 000 Francs

Le Piton carré depuis Bord Martin. Et au dessous, Îlet à Bourse
Le Piton carré depuis Bord Martin. Et au dessous, Îlet à Bourse

D1 • La première partie de ce quatrième document est signée par le chef de district JB Hans. On peut constater le point de vue extrêmement critique développé, qui souligne le niveau de dépendance global dans lequel vivent les Mafatais : Aucune production agricole en dehors de la simple économie de subsistance, les revenus d’assistance essentiels grâce aux politiques nationales de solidarité, la disparition de tout artisanat malgré les ressources locales…

Une critique sociale sans la moindre compassion à l’égard des habitants, qui de fait, dès les débuts du peuplement du cirque après 1848, ont constamment fait l’objet de critiques acerbes de la part de l’autorité : paresseux, alcooliques, dégénérés du fait de leur consanguinité et de plus déprédateurs de leur propre environnement… Rien que ça !

Le chef de district ne dit évidemment pas un mot de la responsabilité des pouvoirs publics à l’égard du maintien de la population de Mafate dans cet assujettissement soft, dont on sait par ailleurs qu’il se prolonge largement encore aujourd’hui.

Oui, l’effort matériel engagé par les collectivités est réel. Mais le sentiment est bien que la conscientisation et la responsabilisation de la population dans la prise en main de son destin n’ont jamais été concrètement établies, ni même envisagées. Comme souvent dans des situations similaires, les pouvoirs publics oscillent entre laisser faire indifférent et sanctions dépourvues de toute mesure de formation et de contribution constructive.

Au delà de la problématique de la simple élaboration d’une desserte routière, les allégations du chef de district font émerger du coup toutes les questions qui touchent une population appelée à changer sa façon de vivre, d’habiter, d’être mise en relation avec l’extérieur, de produire, de consommer, d’éduquer, de concevoir son économie, ses relations et sa culture.. En un mot, si ce terme peut revêtir une réalité tangible : d’entrevoir les conditions de son développement.

JB Hans esquisse ensuite les perspectives projetées. Ses propos dans l’examen des avantages considérés.

Cette option est proposée pour éviter l’invasion des touristes, à l’égard desquels la relation a toujours été quelque peu ambiguë. Le chef de district précise que la route ne sera ouverte qu’aux Mafatais, ainsi qu’aux services publics, à l’exception des voitures de livraison. Et le parking sera situé à près d’un km du centre de l’îlet, sur le chemin charrette.

D2 • Rédigée par Jean Amat, la seconde partie du document prend de la hauteur, tout en confirmant l’analyse précédente.

Jean Amat commence par évoquer le débat farouche qui a opposé et oppose toujours promoteurs et détracteurs du désenclavement par la route. 

Jacques Lougnon, le « vieux tangue », le chroniqueur renommé de l’actualité réunionnaise entre 1960 et 1980, est ainsi appelé à la rescousse.

De plus, en ces circonstances inédites, le vote référendaire des Mafatais est évoqué qui s’est exprimé en faveur de la route, excepté à Aurère et à Malheur où les habitants ne se sont pas sentis concernés par un trajet qui ne passait pas par leurs îlets. 

Le texte de Jean Amat reprend, en l’affinant, son analyse sociologique à propos des aspirations et des réactions humaines au projet de la route.

On ne peut résister à la nécessité de présenter in extenso l’argumentation qui exprime le point de vue des pouvoirs publics sur la socioculture mafataise et les « modes de vie » dans le cirque, ainsi que leur volonté de les faire évoluer…

Jean Amat est conscient des bouleversements sociaux et psychosociaux déterminants qu’apporterait irrémédiablement le désenclavement du cirque par une ouverture sans précaution à la circulation automobile.

Innovation exceptionnelle : Il n’hésite pas à en confier la responsabilité aux Mafatais eux-mêmes !

À nouveau, je fais grâce aux lecteurs de toutes les données techniques et financières énoncées dans ce document…

Les caractéristiques étant posées et la nature des travaux à réaliser ayant fait l’objet des décisions appropriées, le maire de La Possession, M. Roland Robert, annonce publiquement sur RFO la décision positive de la municipalité relative à ce projet de désenclavement, avec la mise en circulation de la route pour 1991-1992.

Bien entendu, le coût des diverses opérations réalisées en régie et sur marché n’est pas mince. En 1989, il est évalué au total à 14 millions et 500 000 FF, dans la perspective des investissements jusqu’à fin 1992. On pourrait dire que depuis les débuts de la conception de la route, il a quasiment triplé.

Mais comme souvent, rien n’est jamais vraiment acquis !

Naissance d’une conscience environnementale et écologique pionnière

Le plaidoyer en faveur de l’achèvement de la route forestière n°13 s’est efforcé de traiter avec honnêteté les problèmes évoqués. Les mesures de protection segmentent ainsi les accès : grand public jusqu’au Petit Col (Parking) –  exceptionnel (pour les cars de touristes notamment) jusqu’au col des Bœufs, extrémité du tracé actuel – et depuis le col des Bœuf, accès total réservé aux habitants de Mafate par le tracé définitif, empruntant l’itinéraire du chemin charrette !

À l’évidence, il a été convenu de tenir compte des habituels conflits d’usagers, des inévitables passe droits, ainsi que du nécessaire système de sanctions et d’amendes qui, tous, risquent bien d’accompagner ce type de décision…

Cependant, en dépit de toutes les précautions et même du fait que les plans de financement discutés en session plénière de la Région semblent aboutir favorablement, le débat demeure animé entre écologistes, habitants, amoureux de la nature et promoteurs de l’aménagement du cirque… Pour une « fraction de la population » plus importante que veulent bien le reconnaître les responsables, et nonobstant l’affluence touristique espérée et les bénéfices économiques qu’elle engendrera, la route est souvent perçue comme risquant d’occasionner plus de nuisances que d’avantages !

Escaliers du col des Bœufs en direction de La Nouvelle
Escaliers du col des Bœufs en direction de La Nouvelle

Jean Amat semble avoir pensé à tout, y compris au respect de l’environnement. Pourtant la rareté de l’existence d’une simple fleur va venir mettre en échec le « projet du siècle » pour Mafate.

La protection de l’espèce Euodia segregis est ainsi dite assurée, malgré la fragmentation de l’écosystème. Le dépôt des déblais sera contrôlé. Et au passage, on assure la régénération de la forêt de tamarins.

Cela étant, les prévisions évoquées par l’ONF n’emportent pas l’adhésion des écologistes de la SREPEN – Société Réunionnaise pour l’Etude et la Protection de l’Environnement. Sa position semble avoir pesé largement dans le débat.

Trois espèces de plantes rares et légalement protégées par un arrêté de 1987 sont menacées, affirme l’association

La SREPEN plaide également pour le respect de l’intérêt paysager de la forêt de tamarins. Cette prise de position semble avoir un effet déterminant dans la chaîne des décisions, notamment financières, qui sont prises à l’époque. Difficile de connaître l’ensemble des raisons qui aboutissent à l’échec de ce projet qui aurait totalement bouleversé le cirque, tel qu’on le connaît aujourd’hui. Peut-être veut-on éviter les conflits dont on craint fort qu’ils se préparent entre groupes pénétrés de leurs convictions propres. Peut-être une conscience écologique acérée est-elle en train de se développer… On ne peut que saluer au passage les propos prémonitoires de Jean Amat : « Si cette route ne se fait pas aujourd’hui, pourra-t-elle se faire un jour ? »

En fin de compte… jusqu’à maintenant, en dépit de la détermination opiniâtre des autorités ou du référendum mafatais, la route n’a jamais dépassé le col des Bœufs. Et apparemment, dans Mafate comme dans le reste de La Réunion, y compris auprès des hiérarchies décisionnelles, plus personne n’aurait aujourd’hui l’idée de plaider en faveur d’un tel projet de désenclavement routier. 

La forêt de tamarins…
La forêt de tamarins…

Les complications du CD2 et de ses taxis touristiques suffisent… L’usage régulier, même coûteux et bruyant, des hélicoptères a résolu pas mal de problèmes. Plus lente qu’ailleurs sans doute, la modernité est en marche, les manières de vivre évoluent et le niveau de vie progresse. Les cinq entrées pédestres dans le cirque semblent apporter satisfaction à tous. L’ébahissement des randonneurs ne faiblit pas. Et le respect de cet environnement fabuleux paraît ainsi durablement assuré.

Arnold Jaccoud

A propos de l'auteur

Arnold Jaccoud | Reporter citoyen

« J’agis généralement dans le domaine de la psychologie sociale. Chercheur, intervenant de terrain, , formateur en matière de communication sociale, de ressources humaines et de processus collectifs, conférencier, j’ai toujours tenté de privilégier une approche systémique et transdisciplinaire du développement humain.

J’écris également des chroniques et des romans dédiés à l’observation des fonctionnements de notre société.

Conscient des frustrations éprouvées, pendant 3 dizaines d’années, dans mes tentatives de collaborer à de réelles transformations sociales, j’ai été contraint d’en prendre mon parti. « Lorsqu’on a la certitude de pouvoir changer les choses par l’engagement et l’action, on agit. Quand vient le moment de la prise de conscience et qu’on s’aperçoit de la vanité de tout ça, alors… on écrit des romans ».

Ce que je fais est évidemment dépourvu de toute prétention ! Les vers de Rostand me guident : » N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît – Et modeste d’ailleurs, se dire : mon petit – Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles – Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles ! » … « Bref, dédaignant d’être le lierre parasite – Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul – Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul ! » (Cyrano de Bergerac – Acte II – scène VIII) »
Arnold Jaccoud