Cancer

Le cancer : un syndrome épigénétiquement émergent ?

[LIBRE EXPRESSION]

Frédéric Paulus a consacré de multiples écrits au cancer. Parallèle Sud a décidé de vous faire partager durant plusieurs semaines le regard que porte le scientifique sur ce que l’on appelle communément la « maladie du siècle ». 

Le cancer est un groupe de maladies impliquant une croissance cellulaire anormale avec le potentiel d’envahir ou de se propager à d’autres parties du corps. Ceux-ci contrastent avec les tumeurs bénignes, qui ne se propagent pas à d’autres parties du corps. Les signes et les symptômes possibles comprennent une grosseur, un saignement anormal, une toux prolongée, une perte de poids inexpliquée et un changement des selles.  Bien que ces symptômes puissent indiquer un cancer, ils peuvent avoir d’autres causes. Plus de 100 types de cancers affectent les humains. L’usage du tabac est la cause d’environ 22% des décès par cancer.  Par ailleurs 10% sont dus à l’obésité, à une mauvaise alimentation, au manque d’activité physique et à une consommation excessive d’alcool. D’autres facteurs comprennent certaines infections, l’exposition aux rayonnements ionisants et les polluants environnementaux.

Dans le monde en développement, 15% des cancers sont dus à des infections telles qu’Helicobacter pylori, l’hépatite B, l’hépatite C, l’infection par le papillomavirus humain, le virus d’Epstein-Barr et le virus de l’immunodéficience humaine. Ces facteurs agissent, au moins en partie, en modifiant les gènes d’une cellule. En règle générale, de nombreux changements génétiques sont nécessaires avant que le cancer se développe.

Environ 5 à 10% des cancers sont dus à des anomalies génétiques héréditaires chez les parents. Le cancer peut être détecté par certains signes et symptômes ou tests de dépistage. Il est ensuite généralement étudié plus en profondeur par imagerie médicale et confirmé par biopsie. De nombreux cancers peuvent être évités en ne fumant pas, en maintenant un poids santé, en ne buvant pas trop d’alcool, en mangeant beaucoup de légumes, fruits et grains entiers, en vaccinant contre certaines maladies infectieuses, en ne consommant pas trop de viande transformée et rouge. 

Chacun pour soi ?

L’image qui nous est venue, suite à la conférence de Gilles de la Brière, fondateur et animateur de l’association « Cancer et Métabolisme », que nous avons connu par l’intermédiaire du Dr Laurent Schwartz rencontré à sa consultation à la Salpétrière, sera celle du naufrage d’un paquebot (l’organisme) dont les passagers (les cellules) cherchent désespérément à survivre (jusqu’à devenir des cellules cancéreuses immortelles en culture). 

Bien que Christian de Duve (prix Nobel de médecine en 1974) reconnaisse ne pas avoir la preuve de ce qui amena les cellules eucaryotes (nos fondations biologiques) à se regrouper, il écrit : « des cellules  commencèrent à s’assembler à la suite de mutations fortuites favorables à leur regroupement  et restèrent  ainsi du fait qu’elles se reproduisaient mieux en groupe que seules », in p. 289,  Poussières de vie , (1995).

Le comportement des cellules cancéreuses pourrait s’interpréter comme une désolidarisation de l’organisme où elles trouvèrent, selon une logique évolutionniste, leur raison d’être, en termes biologiques des conditions homéostatiques favorables.  A contrario, vivant dans un environnement non favorable, délétère chimiquement, elles quittent « le navire » en perdition (l’organisme) selon un « mécanisme » qui leur était initialement familier, endosymbiotique, et ce lorsqu’elles se trouvaient comme être des cellules « égoïstes » – telles les bactéries entièrement consacrées à la production d’une descendance aussi nombreuse que possible.

Christian de Duve confirme que des cellules dotées d’attributs eucaryotiques, y compris des endosymbiontes, existent depuis plus d’un milliard d’années.  C’est le botaniste russe Konstantin Mereschkowski  (1855-1921) qui formula l’hypothèse de l’endosymbiose et la preuve fut avancée en 1967 par Lynn Margulis, USA,  (1938-2011).

Le cancer, perçu sous l’angle d’une « régression » au stade pré-symbiotique pré-eucaryote assimilable à un instinct primitif de vie, se désolidariserait de l’organisme qui ne lui fournit pas les conditions de sa vie eucaryote liée à la solidarité intercellulaire. La cellule cancéreuse se désolidarise de l’organisme pour assurer sa survie (en boite de pétri !), devenant endosymbionte. Quand le paquebot sombre, n’est-ce pas chacun pour soi ?

Ne pouvant s’individuer en exprimant l’authenticité de leurs potentialités, en fait leur raison d’être dans un organisme « structuré par niveaux d’organisation » dépendants les uns des autres (Henri Laborit), les cellules agressées dans leur environnement s’adapteraient épigénétiquement aux contraintes extérieures, en se métamorphosant en cellules qualifiées de « cancéreuses », endosymbiontes pour survivre. 

Le prix à payer pour survivre ?

Un exemple de métamorphose sur la mouche du vinaigre illustre le principe de transformation phénotypique, processus avancé par Alain Prochiantz, dans son ouvrage  Qu’est-ce que le vivant ? , Seuil, (2012). L’auteur rapporte des expériences (publiées dans la Revue « Nature ») faites sur la mouche drosophile qui ont démontré que « des modifications du phénotype liées à des traitements pharmacologiques au cours du développement (un stress) font apparaître des traits nouveaux, par exemple une modification de la forme des yeux »… « La modification de la forme des yeux n’est pas une adaptation, mais un trait collatéral qui accompagne l’adaptation », p. 28. Certains passagers (de notre paquebot en perdition)  subissent par émergence une modification physique, ils « optent instinctivement », ne pouvant quitter le navire (l’organisme), en ayant recours à une modification cancéreuse radicale de leur expression génomique. Le processus n’est pas encore connu. Les cellules deviennent cancéreuses épigénétiquement, ce serait le prix à payer pour survivre ? 

Dans notre hypothèse, une logique darwinienne serait de rester en vie en se désolidarisant de l’ensemble de l’organisme structuré par niveaux initialement coopératifs d’organisation, du niveau quantique et moléculaire et passant par les autres niveaux de complexité assurant d’ordinaire régulation (par feed-back), reproduction (nous changeons de peau tous les cinq jours) et autopoïèse (nous changeons par exemple d’intestin grêle tous les cinq jours)…  Le cancer serait caractéristique d’un syndrome trans-organique car il touche indifféremment tous les tissus et organes dans des conditions de vie métabolique entropique. De nombreuses publications plaident en faveur de l’existence dans les gliomes, par exemple, d’une glycolyse dite « aérobie » ou effet Warburg (Voir R. La Schiazza F. Lamari M.-J. Foglietti B. Hainque, M. Bernard, J.-L. Beaudeux, Service de biochimie métabolique, Hôpital de la Pitié Salpêtrière, Assistance Publique Hôpitaux de Paris : « Métabolisme énergétique cellulaire du tissu cérébral : spécificités métaboliques des tumeurs gliales », in Ann Biol Clin 2008 ; 66 (2), p. 131-141. (consultable sur : http://www.jle.com/download/abc-277251-metabolisme_energetique_cellulaire_du_tissu_cerebral_specificites_metaboliques_des_tumeurs_gliales–Wp@Xen8AAQEAAEhmjJkAAAAC-a.pdf

La maladie a-t-elle un sens ?

Gilles de la Brière, reprenant les travaux du prix Nobel Otto Warburg (1883-1970), dira que « pour différentes raisons, il se crée dans notre corps une zone d’inflammation, cette zone si elle persiste provoque un gonflement des tissus (exemple la bronchite tabagique). Ce gonflement se durcit, le sang circule moins, les cellules commencent à manquer d’oxygène et de nourriture. D’un côté elles se mettent en régime anaérobique pour survivre avec moins d’oxygène, de l’autre elles courent après toute la nourriture possible, en particulier le glucose. Ce glucose qu’elles ne peuvent pas transformer en énergie par manque d’oxygène, elles le transforment en acide lactique. Ceci va favoriser des divisions (mitoses) anarchiques. Le cancer est alors en marche. » Nous tenons à remercier le conférencier domicilié en Haute-Savoie d’être venu nous faire part de son engagement fraternel, sans aide publique, pour susciter un questionnement. Rappelons que certains médecins, tel le docteur Thierry Janssen, posent la question « La maladie a-t-elle un sens ? » (Pocket 2010).

La discussion avec l’auditoire qui a vite basculé sur les produits ou les traitements  chimiques « miracles »  aura fait l’impasse sur l’histoire du malade. Nous nous permettons de soulever une critique, ayant accompagné un proche durant toutes les étapes du traitement (classique) : opération chirurgicale, « chimio » et rayons… : les praticiens rencontrés cherchaient à « vaincre » le cancer sans s’occuper du malade dans sa singularité.

Certaines équipes médicales en Allemagne semblent avoir pris conscience de cette posture codifiée culturellement en cherchant l’implication du patient activement sollicité et informé dans le processus de soins. J’en étais arrivé à penser que les oncologues rencontrés en France se désintéressaient de leur malade.  Il serait peut-être plus juste de penser que ces praticiens seraient enfermés dans des représentations occultant la sensibilité quantique et sensorielle et l’histoire de leurs patients. Peut-être le Docteur Luc Perino (Lyon) dirait-il qu’il nous faudrait en venir à « une médecine évolutionniste », (Seuil 2017), engendrant « une  nouvelle vison de la santé » ? 

La biologie de l’émergence, pourtant sous nos yeux, resterait à explorer en considérant le cancer comme un langage et non comme une maladie. Notre équipe en arrive même à envisager la prouesse d’une intelligence subliminale de la personne touchée qui serait renseignée (à son insu), en rêves, de potentialités disponibles prenant la forme d’images oniriques renouant peut-être avec une époque lointaine où l’image devait constituer le vecteur de la communication avec le geste et le cri. Le rêve serait la transduction d’une potentialité bio-électrique ou bio-chimique en une image signifiante. L’irruption de rêves significatifs émergerait selon une forte probabilité lors de l’annonce du diagnostic créant un choc émotionnel potentiellement mobilisable lors du processus de soin.

Un remarquable parallélisme

On considère les rêves comme l’intrusion d’une vitalité imageante cherchant à percer la carapace musculo-caractérielle qui opprime la vie psychique et la physiologie dans son ensemble. Lorsque Gilles de la Brière dit : « pour différentes raisons, il se crée dans notre corps une zone d’inflammation, cette zone si elle persiste provoque un gonflement des tissus (exemple la bronchite tabagique) » , le psychiatre Wilhelm Reich, quant à lui, décrit un ensemble de processus élargissant l’étiologie du cancer non pas liée à un facteur cancérigène, (sans l’exclure), mais à une configuration d’un ensemble de causalités bio-psycho-sociologiques, pouvant même trouver quelques racines lors de l’embryogénèse. Il qualifie de « rétractation biopathique » le processus sous-tendant l’apparition de cancer. Nous sollicitons Roger Dadoun, fin connaisseur de l’œuvre de Reich, pour nous présenter l’hypothèse reichienne de la « stase orgonomique » (entendre énergie sexuelle selon Reich), première phase du processus. Lorsque cette stase se répand dans tout l’organisme dans ses formes de rétractations (vasoconstrictions etc.) elle  engendre  une « carapace-musculo-caractérielle » qui peut créer les conditions d’apparitions de réactions cancéreuses. » 

L’interprétation orgonomique de l’étiologie du cancer conduit Reich à poser un remarquable parallélisme, dit Roger Dadoun, et d’éclairantes articulations entre le fonctionnement cellulaire, au niveau microscopique, et la fonction du système nerveux autonome au niveau de l’organisme global. Il existe une relation d’équilibre de relations dynamiques entre le noyau et le plasma dans la cellule saine : flux d’énergie du plasma, faiblement chargé d’orgone, vers le noyau, orgonotiquement plus puissant (l’énergie d’orgone, rappelons-le, circule du pôle le plus faible vers le pôle le plus fort) : en situation de carence (d’ordre trophique ou respiratoire, par exemple). La carapace musculo-caractérielle s’immisce (se mêler à) par les fibres nerveuses aux organes lors de l’ontogénèse en en constituant comme une sorte de « seconde nature (acquise)» lors des phases importantes du développement. L’embryologiste Nicole Le Douarin dit bien que : «  Il n’est pas un endroit du corps où ne soient présentes, par leurs ramifications les plus ténues, les fibres nerveuses du système nerveux périphérique. La surface de la peau dans son entier renferme les mélanocytes originaires de la crête (neurale). Ces dérivés prennent une part prépondérante dans l’harmonisation des fonctions de l’organisme ainsi que dans ses relations avec le monde extérieur. Ainsi, la vasoconstriction et la vasodilatation, qui interviennent dans la régulation thermique, dépendent de l’innervation des vaisseaux par les fibres du système autonome, (…).

Cette vocation « relationnelle » de la crête neurale s’accorde avec la richesse de ses potentialités qui lui permettent de participer à un grand nombre de processus ontogénétiques et régulateurs : contrôle de divers régulations physiologiques ; participation majeure à la construction du système cardiovasculaire ; contribution indirecte (par la boite crânienne et la vascularisation) au développement du cerveau antérieur et de l’intelligence », p. 319, Des chimères, des clones et des gènes, (2000).  

Frédéric Paulus

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Kozé libre

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