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[L’Eko la Ravine] De Saint Denis à Bordeaux, un geste maladroit

Georges Ah-Tiane est impliqué dans la vie associative depuis 1990. En France où il a vécu de nombreuses années, il s’est investi dans la promotion de la culture réunionnaise au travers de nombreux biais : en créant des associations, en enseignant le créole, en mettant en avant le patrimoine culinaire péi ou encore la musique. Il a créé des ponts entre La Réunion et la diaspora installée en France. Il a participé à une radio associative pendant douze ans avant de créer des fanzines ou petits journaux, « carry créole », « la lettre d’art’s ». De retour à La Réunion, il s’est impliqué dans la langue créole et « la conscientisation », avec l’objectif d’analyser la société réunionnaise, comprendre son fonctionnement. Dans le but de « voir quels sont les freins et comment les contourner pour aller de l’avant ». Cette chronique hebdomadaire fait suite à la gazette “kreo-lutionnaire” imprimée, l’Eko la Ravine, qu’il a tenue entre 2019 et 2020.

Le 24 février dernier, la maire de Saint Denis, Erika Bareigts, hissait le drapeau ukrainien devant l’hôtel de ville, en présence de quelques réfugiées ukrainiennes et d’élus de la commune (Imaz Press). Le lendemain, la ville de Bordeaux le faisait aussi, un an après l’invasion russe en Ukraine.

Cela n’a d’ailleurs suscité que très peu de reportages et de commentaires dans la presse.

Si je compatis à la douleur des ressortissants et réfugiés ukrainiens, parce que la guerre est une horreur, une levée de drapeau est lourde de signification. Au bas mot, cela veut dire solennellement : soutien patriotique envers le pays qui en porte les couleurs. Or, dans le conflit opposant la Russie à l’Ukraine et compte tenu du rôle de l’OTAN (*) dans cette affaire, tout citoyen et à plus forte raison un(e) élu(e), se doit de s’informer, d’analyser toute situation de ce genre, quitte à s’entourer de conseils avisés, avant de s’engager dans une action de portée diplomatique. Un simple témoignage de sympathie envers ces ressortissants aurait suffi à mon sens.

Défense unilatérale

Si les Français en majorité soutiennent le peuple ukrainien, le Président français (qui par ailleurs défraie la chronique par ses tenues incorrectes et indécentes) et son gouvernement sont un peu moins suivis quant à la décision d’y envoyer de l’armement et de l’argent public (400 milliards d’euros). Alors même que l’économie sociale et solidaire en France est à terre et que la réforme des retraites nous agite pour « seulement » 10 milliards d’euros. Tout cela avec la puissante propagande des organes de presse et télévision.

Il n’est pas judicieux de prendre unilatéralement la défense des Russes, ni d’ignorer les actions ethnocides ukrainiennes, comme il serait complaisant de fermer les yeux sur les intentions hégémoniques des USA à travers l’OTAN et ses vassaux européens. La guerre des blocs n’a pas été abandonnée par les Etats-Unis, elle a trouvé un nouveau terrain de jeu : l’Ukraine! Lorsqu’un état (la Russie) est menacé physiquement dans son intégrité et risque de perdre sa souveraineté, une réaction s’impose et si toutes les voies de règlement de conflit sont épuisées, alors il faut ou se résigner ou réagir. C’est la deuxième option qui a été prise.

Deux sortes de narratifs

Je ne suis spécialiste en rien et ce n’est pas à moi d’affirmer quoi que ce soit mais aujourd’hui il y a deux sortes de narratifs : le politiquement correct dicté par la doxa et relayé par les médias mainstream, et celui décrié arbitrairement comme étant complotiste, par la même doxa. Du coup, il n’y a plus de contre-argumentation, de voix dissonante, de liberté d’expression… qui sont le propre de tout pays démocratique.

Sans entrer dans une explication détaillée, il est admis que depuis la Guerre froide « on » cherche à encercler la Russie. Il n’y a qu’à constater l’extension militaire de l’OTAN en Europe et aux portes de cet Etat. L’annexion de la Crimée (entre autres) par les Russes en 2014 a certainement déclenché des dispositions ultra-sécuritaires nord-atlantiques et européennes. Rappelons qu’il y a eu une crise diplomatique internationale suite au référendum « organisé » par les Russes en Crimée, validant son annexion. Quid du référendum organisé par la France à Mayotte qui a excisé ce territoire de la souveraineté comorienne ? Et la demande d’entrée de l’Ukraine dans l’Otan (à laquelle l’Allemagne s’est opposée) n’est pas faite pour calmer les esprits soviétiques.

Guerre froide

Par ailleurs, sur la base de reportages et de témoignages dissonants dits « complotistes » et de propagande russe, l’Ukraine n’est pas vraiment un modèle de démocratie, loin de là. Le coup d’Etat de février 2014 et les exactions qui ont suivi dans le Donbass, ainsi que le non-respect des accords de Minsk (**) le prouvent.

L’OTAN a beau rôle depuis la Guerre froide de vouloir protéger les pays membres du « danger russe » à nos yeux, mais de l’autre côté, les Russes ne se sentent-ils pas en danger eux aussi ? Il y a là des sentiments identiques et partagés certainement.

Pour résumer et sans volonté d’attaque personnelle, dans un conflit qui nous dépasse, un lever de drapeau pour l’un ou l’autre de ces pays me semble a minima maladroit.

Télécommandé ou pas, je ne pense pas que ce geste puisse relever un pays, une région, porteuse de paix comme la nôtre.

Georges Ah-Tiane

L’Eko la Ravine

(*) Organisation du Traité de l’Atlantique Nord
(**) accord signé entre la Russie et l’Ukraine en 2014-2015 avec la médiation de l’Allemagne, de la France et de l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) qui consistait à adopter un règlement dans le Donbass russophone.

A propos de l'auteur

Georges Ah Tiane | Reporter citoyen

Georges Ah-Tiane est impliqué dans la vie associative depuis 1990. En France où il a vécu de nombreuses années, il s’est investi dans la promotion de la culture réunionnaise au travers de nombreux biais : en créant des associations, en enseignant le créole, en mettant en avant le patrimoine culinaire péi ou encore la musique. Il a créé des ponts entre La Réunion et la diaspora installée en France. Il a participé à une radio associative pendant douze ans avant de créer des fanzines ou petits journaux, « carry créole », « la lettre d’art’s ». De retour à La Réunion, il s’est impliqué dans la langue créole et « la conscientisation », avec l’objectif d’analyser la société réunionnaise, comprendre son fonctionnement. Dans le but de « voir quels sont les freins et comment les contourner pour aller de l’avant ». Cette chronique hebdomadaire fait suite à la gazette “kreo-lutionnaire” imprimée, l’Eko la Ravine, qu’il a tenue entre 2019 et 2020.

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