N’AYONS PAS PEUR DES MOTS
Parallèle Sud accueille dans ses colonnes les critiques d’un dévoreur de phrases qui peut passer pour un sacré pinailleur.
Je lisais l’autre jour dans une dépêche de l’Agence France-Presse que des centaines de Géorgiens s’étaient rassemblés vendredi devant leur Parlement à Tbilissi « pour célébrer le retrait, après un mouvement de contestation massif, d’un projet de loi controversé similaire à une législation russe répressive. » Puis, quelques articles plus loin : « Il ne suffit pas de rénover la ville à coups de subventions, telle la remarquable opération Cœur de Ville, si l’on ne travaille pas sur le civisme et le lien social dès le berceau avec un suivi renforcé des familles connues pour poser de longue date leur résidence secondaire à Domenjod et en d’autres lieux semblables. »
L’occasion pour moi de rappeler que « similaire » et « semblable », ce n’est pas du pareil au même ! En gros, « semblable », c’est presque « pareil » et « similaire », c’est presque « semblable ». Ce que l’ancien journaliste et spécialiste de la langue française Michel Voirol traduisait ainsi : « Semblable indique une ressemblance marquée ; similaire, une ressemblance plus sommaire. » Marquée ou plus sommaire ? Encore faut-il savoir où placer le curseur… Évidemment, Voirol ne le dit pas.
Nous ne sommes guère plus éclairés à la lecture de ses semblables : « Le mot « similaire » signifie à peu près semblable » (Girodet) ; « (…) se dit de choses qui sont plus ou moins semblables » (Larousse, Hanse). Est similaire un objet « qui peut être assimilé à un autre », affirme Thomas, repris en chœur par le duo Péchoin-Dauphin et par Robert, lequel en fait un synonyme de « assimilable », « qui est à peu près de même nature, de même ordre ».
Une définition qui, à quelques virgules près, présente de troublantes similitudes avec celles que Thomas, Larousse et l’Académie donnent de… « semblable ». Si ce n’est toi, c’est donc ton frère…
Au milieu de cette dissemblance d’opinions, une certitude toutefois : alors que « semblable » s’emploie au singulier suivi de la préposition « à », « similaire » n’admet pas de complément.
En résumé, nous dirons donc : « un avis semblable au tien », « deux avis semblables » ou encore « des avis similaires ». En revanche, parler d’un « projet de loi controversé similaire à une législation russe répressive » est proscrit.
Par charité chrétienne, je laisserai pour plus tard le cas des adjectifs « analogue, comparable, pareil, équivalent, voisin, parallèle, proche… », j’en passe et des similaires.
K.Pello
Pour poursuivre le voyage dans le labyrinthe de la langue française, consultez le blog : N’ayons pas peur des mots
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