JOURNAL DE PAUL HOARAU
La guerre en Ukraine, la situation des Corées, l’affaire de Taiwan et, plus près de nous, la question de Mayotte et celle des Chagos posent le problème de la reconnaissance des Peuples et le problème des nations. Elle nous concerne, nous les Français Réunionnais. Le déni des Peuples et l’uniformité de la nation ont été la cause des guerres de décolonisation indochinoise et algérienne et la cause du non-développement réunionnais. D’une certaine façon, elle explique en partie la situation actuelle de la France en Afrique. L’action menée pour retrouver le Peuple réunionnais ne nous renferme pas sur nous-mêmes, mais s’inscrit dans un contexte qui n’est pas seulement national mais mondial : le Peuple existe-t-il ?
Le Peuple dans nos institutions
Des esprits avertis ne reconnaissent pas la présence du Peuple dans la chaîne du pouvoir. La souveraineté, à leurs yeux, commence avec les élus : les représentants du Peuple. Notre Constitution est pourtant claire à cet égard : « La souveraineté nationale appartient au Peuple. » (art. 3). Les représentants exercent la volonté du souverain : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants » (art. 3)
Les trois formes d’expression de la volonté du Peuple
Le Peuple a trois moyens d’exprimer sa volonté de souverain : la manifestation, le référendum et l’élection.
La manifestation est une réunion organisée dans un lieu public ou sur la voie publique pour exprimer une opinion collective. Le 6 janvier 1995, le Conseil constitutionnel a confirmé que le droit de manifestation se rattache à l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme dans la Constitution : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »
LE référendum est le deuxième moyen pour le Peuple d’exprimer sa volonté de souverain. Dans l’article 3 de la Constitution, il est clairement dit que « La souveraineté nationale appartient au Peuple qui l’exerce… par la voie du référendum. »
L’élection enfin, est le troisième moyen. Les représentants du Peuple, depuis le président de la République jusqu’au maire de la commune la plus modeste en passant par les élus des assemblées locales, de l’Assemblée nationale et du Sénat sont élus par lui.
Dire que le Peuple n’existe pas parce qu’il n’a pas de pouvoir réel, que le pouvoir commence réellement avec les représentants qu’il a élus, ne tient pas.
Aux élections présidentielles et législatives le Peuple a exprimé sa volonté
À la dernière élection présidentielle, il a purement et simplement écarté du pouvoir les partis traditionnels de gouvernement : Valérie Pécresse du Parti républicain n’a eu que 4,78% des suffrages exprimés et Anne Hidalgo du Parti socialiste, 1,75 %. Aux élections législatives, il n’a donné à aucun parti, y compris celui du Président, de majorité absolue.
Aux manifestations contre le projet gouvernemental de la retraite, il s’exprime différemment. Dans le passé, ses « représentants » au pouvoir ont retiré leurs projets à la suite de ses manifestations. Sous la pression et compte tenu de leur ampleur, l’exécutif actuel reverra-t-il sa copie ? En tout état de cause, les grandes mutations qui ont jalonné l’Histoire française ont été provoquées parfois par les manifestations du Peuple.
Que l’on se félicite ou non de leurs résultats, et qu’elles qu’en soient les explications, ils sont l’expression concrète de la volonté du Peuple et de sa présence. Le Peuple a de réels pouvoirs de souverain.
De l’uniformité à la diversité du Peuple Français.
Ce qui est valable au niveau national – manifestation, référendum, élection – comme expressions de la souveraineté du Peuple à ce niveau, l’est tout autant aux niveaux locaux, au niveau des pays (disons des régions) à l’intérieur de la nation. Dans chaque région doit vivre un Peuple responsable, à son niveau, de son développement. L’uniformité nationale pour un ensemble de pays (de régions) aussi disparates que les régions françaises d’Europe, de l’Atlantique, de l’Indianocéanie et du Pacifique, suppose nécessairement la disparition des identités, des présences, des responsabilités régionales et ouvre la voie à la prééminence voire à la domination « métropolitaine » : à une situation « coloniale ». L’unité de la République doit s’enraciner dans la diversité des Peuples qui la composent. Il suffit d’une interprétation différente de « l’unité indivisible » : l’unité n’est pas l’uniformité..
Paul Hoarau
Chaque contribution publiée sur le média nous semble répondre aux critères élémentaires de respect des personnes et des communautés. Elle reflète l’opinion de son ou ses signataires, pas forcément celle du comité de lecture de Parallèle Sud.