LIBRE EXPRESSION
« Il faut travailler plus longtemps pour équilibrer notre système de retraite » ont martelé notre président et son gouvernement pendant des mois. Et de marteler également que dans les autres pays européens on travaille plus longtemps.
Il serait bon, plutôt que de prendre tout pour argent comptant, de comparer ce qui est comparable.
Première constatation. Qu’est devenu le fonds de réserve des retraites créé par JOSPIN en 2001 ? Il devait en 2020 être de 150 milliards ! Mais les gouvernements successifs ont cessé d’approvisionner ce fonds, et ont même largement puisé dans cette tirelire à d’autres fins (merci monsieur WOERTH qui aujourd’hui donne des leçons !). 35 milliards sont ainsi passés en pertes et profits (pertes pour les salariés bien entendu). Première entourloupe !
Deuxième constatation : les retraites complémentaires ont une réserve de 155 milliards d’euros, c’est Pierre-Louis Bras, président du COR, qui l’a rappelé. Mais le gouvernement fait des pieds et des mains d’abord pour éviter qu’on en parle, mais aussi pour essayer de faire main basse sur ce fonds (le Canard enchaîné a sorti plusieurs papiers à ce propos). Deuxième entourloupe !
Troisième constatation : la CADES (caisse d’amortissement de la dette sociale) créée en 1996 dégagera en 2024 un peu plus de 21 milliards de bénéfices, alors que la CNAV (caisse d’assurance vieillesse) dégage, elle, plus de 5 milliards de bénéfices. Cet argent, selon le président de la CADES Jean-Louis Rey, personne n’en a parlé… Cette manne aurait pu servir à équilibrer le régime des retraites… Troisième entourloupe !
Ajoutons à cela que le simple passage de l’âge de la retraite de 60 à 62 ans a fait augmenter de 152% le nombre de seniors bénéficiaires du RSA. En passant cet âge à 64 ans, on imagine aisément ce qu’il va se passer.
Mark Twain disait : « Il y a trois sortes de mensonges. Les mensonges, les gros mensonges et les statistiques ». Notre gouvernement a parfaitement appliqué cette citation ! Mitterand, qui avait sans doute des défauts, disait : « Ils s’en prendront aux retraites, à la santé, à la sécurité sociale, car ceux qui possèdent beaucoup veulent toujours posséder plus et les assurances privées attendent de faire main basse sur le pactole. Vous vous battrez le dos au mur. » Il était sur ce plan plutôt visionnaire…
En France, on travaille moins longtemps qu’ailleurs paraît-il
C’est plutôt vrai mais cela doit être pris avec quelques pincettes. En effet, car c’est en France que le nombre d’annuités pour toucher une retraite pleine est le plus élevé (43 ans). 35 années en Allemagne, 37 en Espagne, et 40 en Grèce, alors que la Grèce a été très sévèrement punie par l’Europe il y a quelques années. En allongeant la durée de travail, on nous inflige un peu une double peine…
On comprend beaucoup mieux quand on voyage en métropole pourquoi il y a des allemands un peu partout. Certes, ils travaillent plus longtemps, mais à 67 ans, ils touchent une retraite à taux plein avec 35 annuités de travail, cela laisse du temps pour vivre !
Parlons maintenant taux de remplacement…
Dans l’Europe des 27, c’est au Danemark que le taux de remplacement, c’est-à- dire le revenu versé aux retraités en remplacement de leur salaire, est le plus élevé. Il s’élève à 80 % du salaire brut en 2020. Suivent le Luxembourg (76,6 %), le Portugal (75 %), l’Italie, l’Autriche et l’Espagne (74 %). En France, une personne perçoit en moyenne 60 % de son salaire brut lorsqu’elle atteint la retraite, ça change quand même bien la donne !
Là encore, les chiffres donnent à réfléchir… Et aucune info sur le net concernant le taux de décote qui serait le plus pénalisant en France.
Aujourd’hui, Monsieur Macron et son gouvernement qui sont passés en force, en ignorant ou presque la représentation nationale, alors que 70% des français y sont opposés et 90% des salariés ont clairement choisi de faire porter aux seuls salariés le redressement d’un pays lourdement endetté, … par qui déjà ?
Monsieur Macron et son gouvernement avaient d’autres pistes. Même en augmentant l’âge de départ à la retraite, s’ils avaient baissé le nombre d’annuités, et revu le système de décote en le rendant moins pénalisant, il y aurait eu matière à discussion. Mais entre la crainte de voir la note française baisser et du coup de faire monter le taux des emprunts, la pression de l’Europe et des milieux financiers, ils ont choisi la pire des solutions, et la pire des méthodes. Et sans jeu de mots, ils vont traîner cette casserole un moment !
Dominique Blumberger