LIBRE EXPRESSION
Darmanin, le premier flic de France, a mobilisé un contingent de près de 2 000 policiers et gendarmes pour une vaste opération de « décasage », destruction d’habitat précaire, et expulsion de Comorien.e.s considéré.e.s comme des clandestins. Dans quel autre territoire français serait-il tolérable, à notre époque, de voir des milliers de familles vivre dans d’insalubres bidonvilles ?
Fatima, originaire des Comores, a 55 ans ; elle habite Majicavo depuis 35 ans et sait très bien qu’elle va être expulsée puisque sur la porte de sa maison figure un numéro d’identification peint en rose par les services sociaux, il y a un mois.
Zenabou, 48 ans, elle aussi originaire des Comores, prépare ses bagages et ses maigres affaires, et ne sait pas où elle va aller avec sept enfants tous français grâce à leur père mahorais né sur l’île.
Les autorités prétendent que les familles concernées par cette opération seront relogées. Mais dans quelles conditions sachant que 29 % des Mahorais eux-mêmes vivent dans des conditions effroyables, sans eau potable, 21% sans électricité !
La préfecture de Mayotte a déjà été assignée en justice en octobre 2022 pour absence de relogement et son arrêté portant sur l’évacuation et la démolition d’un quartier à Doujani, suspendu. Elle vient à nouveau d’être désavouée par la décision du tribunal judiciaire de Kaweni qui a ordonné la suspension de l’opération « Wuambushu » à Majicavo ce lundi 24 avril 2023.
La situation est certes compliquée à gérer : la moitié des 350 000 habitants estimés à Mayotte ne possède pas la nationalité française.
Selon l’INSEE, 39% des étrangers sont nés sur l’île, essentiellement des mineurs susceptibles d’obtenir la nationalité française.
Ces migrants clandestins, ou pas, installés dans des quartiers insalubres, vivent pour la plupart tranquillement sur l’île, occupant de petits emplois souvent. Les mineurs sont la plupart scolarisés mais 48% des 16-18 ans sont illettrés ou en échec scolaire.
« Les étrangers » étant désignés comme responsables de tous les maux que connaissent les Mahorais, une personne sans papiers serait synonyme de source d’insécurité : simpliste et faux.
Le gouvernement de Macron attise la haine entre les Mahorais et leurs frères comoriens et rajoute de la violence à la violence, sans régler les problèmes de fond : 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et 40 % dans des habitations informelles.
Comment, dans ces conditions, ne pas faire le lien entre extrême pauvreté et délinquance notamment chez les jeunes orphelins estimés à 3 000 dans la rue, sans aucune ressource, ils constituent des gangs d’une extrême violence, terrorisant la population et pratiquant entre eux la loi du talion à coups de « chombo » (sorte de coupe-coupe).
L’exaspération des Mahorais, que le gouvernement exploite sans vergogne, est palpable. Beaucoup semblent approuver l’intervention musclée des forces de l’ordre tant la dégradation de la situation sociale au fil des années est devenue explosive. Les gouvernements successifs n’ont pas pris les mesures nécessaires pour renforcer les structures, sécuriser les quartiers en maîtrisant les gangs, réduire les inégalités en développant les services publics, l’école particulièrement, conforter les ressources propres de l’île de Mayotte (productions agricoles spécifiques, pêche, aquaculture, énergies renouvelables, tourisme), instaurer une véritable coopération à la hauteur des enjeux avec la République des Comores est indispensable.
La FGR-FP condamne fermement cette opération violente qui fait honte à la France.
Elle demande au gouvernement de respecter les droits à la dignité humaine complètement bafoués, à arrêter immédiatement cette opération, et appelle à résoudre les problèmes de ce département par un investissement digne de tous les départements de la République, dans le renforcement des services publics du logement et de l’éducation.
Michel Zerwetz, Fédération Générale des Retraités de la Fonction Publique, Section départementale de la Réunion
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