[Chronique] Avec ma bénédiction

N’AYONS PAS PEUR DES MOTS

Parallèle Sud accueille dans ses colonnes les critiques d’un dévoreur de phrases qui peut passer pour un sacré pinailleur.

Lu il y a quelques jours dans la presse mauricienne : « Ils se rendent même à Lourdes pendant une semaine et Satwantee Mohur ramène de l’eau bénie de Lourdes pour ses amis à Maurice. » (L’Express)

Quand doit-on écrire « bénit » avec un « t » et quand doit-on s’en passer ? Disons-le tout de suite, la règle traditionnellement prônée n’a pas reçu une onction unanime de la part des grands penseurs de la langue. Sans vouloir jouer les béni-oui-oui, je vous invite toutefois à en faire votre religion tant les principes défendus par le plus grand nombre me semblent frappés au coin du bon sens. 

Pour mieux les comprendre, replongeons-nous dans le temps pas si béni que cela des colonies. Issu de beneit, participe passé de benëir, forme ancienne de bénir, lui-même descendant du latin benedictum, « bénit » fut le premier à être porté sur les fonts baptismaux. Alain Rey (Dictionnaire historique de la langue française) fait remonter ses premières apparitions à la fin du XVe siècle (1493). « Béni » l’a suivi de peu et les deux formes ont longtemps été utilisées indifféremment comme participes passés. Bien qu’élaborée au XVIIsiècle, la répartition des emplois entre les deux termes n’a été effective que deux siècles plus tard. 

Cette distinction n’a pas disparu. Il est ainsi convenu que « bénit » qualifie un objet — et seulement un objet — qui a été rituellement consacré par la bénédiction d’un prêtre et que « béni » s’impose dans tous les autres cas. 

Exemples : de l’eau bénite, du buis bénit, une médaille bénite, mais un homme béni des dieux, une époque bénie ou un jour béni. 

La plupart des grammairiens s’entendent également sur le fait que « bénit » doit être circonscrit à un emploi adjectival. Seul « béni » peut être employé comme participe passé, y compris lorsqu’il s’agit d’une bénédiction rituelle. On écrira donc : « des cierges bénits » mais « les cierges ont été bénis par le prêtre ». Il n’en fallait évidemment pas davantage pour semer la confusion dans l’esprit du commun des usagers que nous sommes. Doit-on s’en étonner ? La langue française n’a jamais été du pain bénit pour qui cherche à en saisir les subtilités.

K. Pello

Pour poursuivre le voyage dans le labyrinthe de la langue française, consultez le blog : N’ayons pas peur des mots

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