LES 40 ANS D’UN GROUPE MYTHIQUE
Les concerts se succèdent dans les quartiers. Baster fête ses 40 ans cette année. Ces vendredi et samedi soirs, le groupe se produit au Téat Plein Air de Saint-Gilles. Tyéri Goliris, du haut de ses 58 ans, revient avec nous sur l’aventure du Mouvman Kiltirel Basse-Terre. A écouter sans modération…
Ça pèse lourd quarante ans ? C’est un Tyéri Goliris détendu qui répond… L’entretien dure une heure pour revenir sur quarante ans d’histoire et au-delà. Le leader de Baster nous replonge dans son quartier d’origine avec le canal de l’eau et la vie populaire comme il l’a chantée et photographiée.
Son récit nous ramène à Alain Joron, son cousin, président du Mouvman Kiltirel Basse-Terre. L’engagement militant transpire à l’évocation de sa maman qui manifestait avec l’Union des Femmes Réunionnaises ou des réunions dans la cour familiale de Paul Vergès ou Huguette Bello…
En 1983, sort la première cassette de Baster. Elle détermine tout le futur du groupe. « 40 ans après, nou pé dir nou lé ankor la », s’exclame le chanteur. Il raconte comment se fabrique une chanson, ce qu’il réitère régulièrement lors de ses interventions dans les écoles. « An Trwa zèr dtan nou ariv a kompozé èn shanson avek rofrin é kouplé »
Il raconte son quartier agricole avec le kanal dolo qui coule au milieu, et les corvées qui vont avec. Et l’ambiance : « nou té naj dan in sort de metling pot kiltirel ». « Nou té vré. Nou lavé bezwin rakonté sak i spas dan nout kartyé. Kom di Alain Joron, nou la fé la révolusyon kiltirel avan lé zot. »
Le concept de photos-chansons
Les concerts de la tournée en cours sont accompagnés d’une exposition de 40 photos de Tyéri qui donnera également lieu à la sortie d’un livre. On tient là l’un des secrets des musiques de Baster, la raison pour laquelle les chansons sont si imagées : « Ces 40 photos ont inspiré les textes de Baster. Nou la retranskri par la mizik dé sèn de vi réel. »
Dès la première cassette Baster s’est fait connaître par des chansons engagées : « Non mec, tout ne va pas bien, je te parle de ton identité, de ta conscience », dit-il à propos du puissant Black Out et de son intro-choc : « Mwin lariv par bato, dan la kal kom zanimo. » La chanson « Oté Kréol » du premier album disait « Nou la pa bezwin touris Zorey larényon, Nou la pa bezwin ban para »… Le pavé est lancé dans la mare et la vague ne s’est jamais arrêtée. « Nou pé pa toujour joué l’autruche ! »
« Dopwi 2012 ma jamé sorti dalbom. Néna pa mal de morso pou fé in ot lalbom et mi koné ki sra de kalité. Mé mi vé ofr lé jan ot shoz, mi vé pa suiv lo troupo », lâche-t-il. Il va donc falloir patienter encore… Thyéri Goliris assure surtout qu’il est en quête d’une qualité musicale toujours supérieure. « I sra a la sos Baster… é enregistré en live. »
La génération i sort pi…
La tournée des 40 ans est loin d’être terminée, elle s’étalera jusqu’à l’année prochaine, et au-delà des côtes de La Réunion, à Maurice, en France, en Suisse, Allemagne, Belgique…
Un autre secret pour tenir : l’hygiène de vie… un régime végétarien. Et quelques réflexions dictées par l’expérience : « in anfan i va pa suiv out konsèy, i va suiv out konportman. Ou lé son modèl. »
Enfin un constat lucide : celui de la génération. Quelle que soit la qualité du futur album de Baster, Tyéri Goliris sait qu’il ne pourra pas conquérir autant de fans que cette génération qui a été marquée à vie. Et c’est pour cette génération-là qu’il a adapté l’horaire de ses concerts de quartier à 15h00 « paske lo swar, sat génération la, zot i sort pi »… Ce qui fait rire Tyéri et tous ceux qui ont pris 40 ans dans les gencives… et c’est bien le plus important.
Ça pèse lourd quarante ans ? Tyéri donne l’impression que ces 40 ans d’histoire ne pèsent pas plus lourd qu’une plume sur ses épaules de jeune homme de 58 balais.
Entretien : Franck Cellier