[Chronique] À en perdre la flamme !

N’AYONS PAS PEUR DES MOTS

« Mais en raison d’un ciel nuageux sur le site des premiers Jeux olympiques de l’Antiquité, l’allumage n’a pas pu se faire avec les rayons du soleil comme le veut la tradition antique. » (clicanoo.re)

« À quatre mois des Jeux Olympiques de Paris 2024, 37% des Français attendent avec impatience la compétition. » (France Bleu)

« Elise Mertens (WTA 30) ne sera pas aux Jeux Olympiques à Paris cet été. » (RTL info)

Ça y est, elle vit. Il ne lui reste plus qu’à rejoindre Paris, portée à bout de bras par les quelque 10 000 heureux relayeurs choisis pour la mener à bon port. Activée mardi par l’actrice grecque Mary Mina, la flamme olympique cheminera d’abord jusqu’à Athènes avant de s’attaquer à un long marathon à travers la France hexagonale et ultramarine. Elle sera à La Réunion le 12 juin, avant de mettre le cap sur la Polynésie française, puis sur les Antilles, dernière étape de son crochet en Outre-mer.  

La compétition n’a beau débuter que le 26 juillet prochain, le match des majuscules bat déjà son plein au sein des rédactions. Doit-on écrire jeux olympiques, Jeux olympiques, jeux Olympiques ou Jeux Olympiques ? Le débat existe depuis plus de 120 ans et gageons qu’il vivra tant que les Jeux vivront. 

Mettons tout de suite hors-jeu la première option, qui ne répond à aucune règle typographique en vigueur et que par bonheur, personne n’a adoptée, y compris le très parisien Le Monde, le plus avare d’entre tous en matière de… capitales. Le journal fondé par Hubert Beuve-Méry a jeté son dévolu pour la graphie « Jeux olympiques », suivant ainsi les recommandations du Lexique des règles typographiques en usage dans l’imprimerie nationale, la référence des références. Ce dernier stipule que « les noms des grandes manifestations, périodiques ou non, d’ordre artistique, commercial, sportif, etc., se composent généralement avec une capitale initiale au premier substantif (et à l’éventuel adjectif antéposé) ». Notez la présence de « généralement », porte ouverte à toutes les infractions. 

Qu’à cela ne tienne, derrière le même drapeau, défile du beau monde : l’Académie française, le Petit Robert, Grevisse, l’Office québécois de la langue française et le gratin de la presse écrite (Le Monde, on l’a dit, Le FigaroLibérationLe ParisienOuest-FranceL’ExpressLa Croix…). Auteur de La majuscule, c’est capital, Jean-Pierre Colignon figure lui aussi dans cette dream team à faire pâlir les linguistes qataris. Le grand maître de l’orthotypographie française opère toutefois un subtil distinguo entre les « Jeux olympiques » de l’ère moderne, avec un « J » majuscule – « ce qui assure l’unification avec l’abréviation courante les Jeux », argumente-t-il –, des « jeux Olympiques » de l’Antiquité grecque pour lesquels il préconise la même graphie que pour les jeux Néméens, les jeux Isthmiques et les jeux Pythiques, modèle dont se sont également inspirés le Petit Larousse, les grammairiens Jean Girodet, André Jouette, Adolphe Thomas ou encore l’Agence France-Presse, partisans minoritaires de la forme « jeux Olympiques ». 

Compte tenu du déséquilibre des forces, la situation aurait presque été simple si le Comité international olympique n’avait lancé son poids dans la mare typographique en revendiquant le tour « Jeux Olympiques ». Peu convaincante, la requête n’est pas pour autant tombée dans l’oreille de sourds : le quotidien spécialisé L’ÉquipeLes Échos ou des publications régionales telles que La Dépêche de Midi et Le Dauphiné Libéré ont accroché la foulée des gros pontes de l’olympisme. 

Entre la règle (moderne), l’esprit (antique) et les caprices graphiques du CIO, pas facile, donc, de s’y retrouver. Et si vous pensiez vous en sortir en vous réfugiant derrière le sigle « JO », ne vous réjouissez pas trop vite. Vous trouverez toujours quelque médaillé d’or du point abréviatif pour vous faire observer qu’il eût été plus académique d’écrire « J.O. ». Avouez qu’il y a de quoi perdre la flamme.

K. Pello

Pour poursuivre le voyage dans le labyrinthe de la langue française, consultez le blog : N’ayons pas peur des mots

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La flamme des JO.

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Kozé libre

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