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[Livre] Sur les berges du lac brûlé

Le  chef-d’œuvre  de  la  Québécoise  Colette  MAJOR-McGRAW ?

Le cadre

C’est une saga, celle de la famille Potvin-Cloutier, entre 1959 et 1986. Soit un peu plus d’une génération !

Nous sommes au Québec, dans les Laurendites, une région de moyennes montagnes, de vastes forêts et de dizaines de lacs. Au nord-ouest de Montréal, à 40 km à vol d’oiseau ! Ce n’est pas la brousse, mais, plutôt la lointaine banlieue de la métropole. La région de Sainte-Agathe-des-Monts est habitée, en majorité, par des paysans qui vivent pratiquement en autarcie, tant bien que mal, de l’agriculture, de l’élevage et de la forêt. Voire de la pêche !

Au début de cette histoire de famille (fin des années 1950), cette société rurale se contente de peu. Ce qui ne les empêche pas d’être heureux. Au contraire !

Le progrès aidant, les choses vont peut-être changer, au cours des décennies suivantes ?

Nous sommes en présence de Français, ou plus exactement de Canadiens français, non seulement de religion catholique, mais fervents pratiquants.

Là-bas, la religion, c’est comme la famille : on ne plaisante pas avec !

Dans la population, il y a certainement des métis, plus nombreux qu’on ne le croit.

Mais, à priori, nous sommes dans un monde de Blancs, de nombreux descendants d’immigrés français des 16ème, 17ème et 18ème siècles.

Pas d’Indiens à l’horizon ! Soit les autochtones (c’est ainsi qu’on les nomme au Québec) ont disparu d’une manière ou d’une autre, soit ils sont complètement assimilés, intégrés à la société. Dans ce récit, ils n’apparaissent nulle part.

Simplement, ce n’est pas le sujet du livre de Colette Major-McGraw :

« Sur les berges du lac Brûlé ».

Dans cette famille Potvin-Cloutier, le patriarche – un vrai chef de clan particulièrement dominateur – et son épouse ont eu sept enfants, dans le cadre de leur ferme, à deux pas de Sainte-Agathe-des-Monts, tout près du lac Brûlé.

Au fil de presque trois décennies, allons découvrir leurs diverses aventures et … mésaventures familiales !

Le style de Colette Major-McGraw :

Dans l’ensemble de son œuvre, madame écrit un français standard, normal.

Sauf que la réalité locale, celle des Laurentides, la rattrape, avec bonheur, dans ses dialogues. Et Dieu sait qu’ils sont nombreux, dans ce bel ouvrage !

De façon plus ou moins accentuée, selon la personnalité des membres de la famille, ceux-ci s’expriment en français québécois familier, une variante linguistique de la langue de Molière. Ce qui donne à son récit une authenticité que l’on rencontre rarement ailleurs. Tant et si bien que, littéralement, nous sommes immergés dans le cadre que Colette MG connait bien, la région de Sainte-Agathe-des-Monts où elle est née.

Nous pouvons être surpris par quelques-unes de ses tournures de phrases (inadmissibles dans notre français académique hexagonal). Ce n’est pas grave, puisque c’est le langage spécifique à un groupe social, culturel donné. Celui des Laurentides !

Inévitablement, vu l’histoire du Québec(1), Colette MG pimente sa prose de mots anglais. Heureusement, ceux-ci font l’objet d’une traduction dans une note en bas de page, pour une bonne compréhension de la part des lecteurs étrangers que nous sommes.

Des noms communs, masculins chez nous, sont employés au féminin. Qu’importe !

Les expressions en français québécois familier – que d’aucuns appellent « joual »(2) – sont riches d’images fleuries, de métaphores, … Un vrai bonheur !

Un peu comme les belles formules du créole réunionnais !

Au fil des innombrables saynètes qu’elle décrit avec sa grande sensibilité, Colette MG nous habitue à entendre parler les différents protagonistes de cette saga, dans leur langage habituel, dans leurs échanges quotidiens. Tout simplement !

Dernier détail qui a son importance : cette version intégrale du livre « Sur les berges du lac Brûlé » est merveilleusement organisée en chapitres titrés (au nombre de 29).

Chapitres eux-mêmes découpés en sous-chapitres.

Au final, la lecture de ce pavé (1286 pages) s’avère non seulement facile, mais très agréable. Pour certains curieux de « la Belle Province », la découverte des mésaventures du clan Potvin-Cloutier pourra – n’en doutons pas ! – constituer un véritable plaisir.

Avec, en prime, l’évolution de la société québécoise, au cours de la seconde partie des Trente Glorieuses !

Notes :

  • L’histoire du Québec – et donc, des Franco-Canadiens – est liée aux conflits quasi continuels entre la France et l’Angleterre, au cours des 17ème et 18ème siècles.

Pour faire court, suite à la défaite française dans les plaines d’Abraham, la ville de Québec est prise en 1759 et Montréal l’année suivante. Trois ans plus tard, le traité de Paris consacre la cession de l’ensemble de la Nouvelle-France à l’Angleterre. C’est la fin du « régime français ».

Désormais, à partir de 1763, les Anglais sont aux commandes.

Mais, la population étant très majoritairement française et catholique, l’Angleterre a l’intelligence de rendre tolérable sa domination, en particulier dans les domaines judiciaires et religieux.

C’est l’Acte de Québec promulgué en 1774. Face au protestantisme anglais, la religion catholique des Franco-Canadiens est reconnue. Pour affirmer leur identité québécoise, il leur faut, maintenant, réaliser « la révolution des berceaux ».

  • Le joual, c’est le français populaire canadien. Il est marqué par des écarts poétiques, lexicaux et des anglicismes, avec le français standard. Page 1284, Colette MG précise que l’un des enfants Potvin « aimait bien le patois de sa belle-mère ». Le joual regroupe l’ensemble des expressions d’un langage spécifique à un groupe social, culturel ou professionnel donné.

Présentement, c’est le sociolecte du français québécois. (Wikipédia)

Remarque non publicitaire :

Dans l’hexagone, ce chef-d’œuvre a été publié par France Loisirs qui, en août 2017, a regroupé, en un seul volume, les trois tomes de la trilogie suivante :

Le vieil ours, Entre la ville et la campagne, L’héritage, le premier étant paru en 2014.

Michel Boussard

Texte achevé le 24 juin 2024, au Tampon

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Lac brûlé

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