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Plathelminthe Petite Ile sentier Vivier avec la classe de Tiphaine et Raphaelle Pascot spécialiste de ces vers plats. Et Valentin Vaslet médiateur Nature océan indien NOI

[Environnement] La menace des plathelminthes, nouvelle espèce exotique envahissante

Les plathelminthes, qui sont des vers plats, viennent s’ajouter à la liste des espèces exotiques envahissantes de la Réunion. Encore mal connue, cette espèce, dépourvue de prédateurs sur l’île, s’ajoute à la liste des menaces existantes pour les sols. 

La propagation des plathelminthes est inquiétante à la Réunion, et l’hypothèse majoritaire émise par les scientifiques concernant son arrivée sur le territoire, est par l’importation des plantes en pots. De la famille des Geoplanidae, les plathelminthes sont adeptes des milieux humides, et s’adaptent ainsi parfaitement au climat tropical de l’île. Dans le cadre d’une intervention d’éducation aux médias réalisée auprès d’une classe de CM2 de l’école des Platanes à Petite-Ile, les élèves ont été invités à interviewer deux experts de ces espèces exotiques envahissantes, et en particulier des plathelminthes, Raphaëlle Pasco et Valentin Vaslet. 

Raphaëlle Pasco est étudiante en master de biologie spécialisée sur les écosystèmes tropicaux à la Réunion et vient de terminer un stage au sein de l’Agence de Recherche pour la Biodiversité à la Réunion (ARBRE). Valentin Vaslet est chargé de mission sensibilisation au sein de l’association Nature Océan Indien, spécialisée sur l’étude et la protection des reptiles à la Réunion. 

En stage, Raphaëlle Pasco a étudié la présence des plathelminthes et les caractéristiques des milieux dans lesquels ils se développent. L’humidité et la température de l’air font partie des facteurs qu’elle a étudiés et qui lui ont permis d’affirmer : “ Les plathelminthes terrestres aiment les environnements humides, par exemple les pépinières dotées d’un arrosage constant. Pendant mon stage, j’ai visité quatre pépinières dont deux scientifiques et deux commerciales, notamment à Saint-Pierre, à Petite-Ile et au Tévelave. A chaque fois j’y ai trouvé des plathelminthes. “
Difficile de soupçonner pourtant il y a une dizaine d’années que le problème prendrait une telle ampleur, et surtout si vite. Tout commence en 2013, lorsque le Museum National d’Histoire Naturelle (MNHN) fait le premier signalement de l’existence du plathelminthe terrestre. L’établissement créé alors un premier réseau de sciences participatives pour mesurer l’étendue de la présence de ces vers plats. En 2021 est créé un réseau d’observation par les sciences participatives à la Réunion, piloté par l’ARBRE, en lien avec le Parc National de la Réunion et le MNHN. Grâce aux signalements, on a pu identifier les différentes espèces et voir augmenter leur nombre au fil des années. “En 1956, on recensait trois espèces de plathelminthes, en 2016 on en avait quatre, en 2022 cinq et aujourd’hui on en compte une quinzaine”, ajoute Raphaëlle Pasco avec gravité.

La petite bête mange la grosse

Des plathelminthes, il y en a de toutes sortes nous explique la stagiaire d’ARBRE. “ Il existe des plathelminthes terrestres, marins, qui vivent en eau douce, ou encore des espèces parasites. Les plathelminthes sont tous carnivores, mais leur régime alimentaire varie d’une espèce à une autre. Certains s’en prennent aux vers de terre, d’autres à des arthropodes, des mollusques ou encore des vertébrés jusqu’à 50 fois plus lourds qu’eux. 

Une des caractéristiques de ce vers réside aussi dans sa faculté à se reproduire par fission. Quand il est coupé en deux, il donne deux individus. Sans avoir de prédateur à la Réunion, mais beaucoup de proies, la situation devient ainsi selon ces experts, préoccupante. Et le 21 juin dernier, la “chasse aux plathelminthes” menée par les CM2 dans le sentier Vivier à côté de l’école des Platanes se transforme vite en une razzia de ces vers plats. Il suffira aux élèves quelques minutes pour trouver douzes individus de plathelminthes, de cinq espèces différentes. Raphaëlle Pasco émet même l’hypothèse d’avoir parmis eux une nouvelle espèce encore inconnue, après avoir regardé de près un des vers trouvés.

Plathelminthe Petite Ile sentier Vivier avec la classe de Tiphaine et Raphaelle Pascot spécialiste de ces vers plats. Et Valentin Vaslet médiateur Nature océan indien NOI
Plathelminthe Petite Ile sentier Vivier avec la classe de Tiphaine et Raphaelle Pascot spécialiste de ces vers plats. Et Valentin Vaslet médiateur Nature océan indien NOI
Plathelminthe Petite Ile sentier Vivier avec la classe de Tiphaine et Raphaelle Pascot spécialiste de ces vers plats. Et Valentin Vaslet médiateur Nature océan indien NOI

“ Une situation très préoccupante et très peu étudiée encore”

Dominique Oudin, directeur du Conservatoire Botanique National & Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement de Mascarin atteste qu’il “ n’existe pas encore de système de lutte biologique contre les plathelminthes terrestres. Il y a des techniques d’inventaire qui ont été testées, en utilisant de la moutarde pour faire remonter les plathelminthes à la surface, ou encore en tapant sur le sol, mais pour l’instant cela s’arrete là.” Il ajoute que l’invasion passe inaperçue car les cocons sont relativement petits, de 4 à 5 mm et que chaque cocon porte 5 à 8 vers. 

Les informations, comme nous l’explique Raphaëlle Pasco, sont par ailleurs encore très limitées, sans étude d’impact encore réalisée. Une situation qui est alarmante donc, mais qui ne semble pas particulièrement inquiéter les autorités compétentes en matière d’importation des plantes d’ornement. “ Les pépinières scientifiques ont une réglementation stricte, mais les particuliers peuvent en amener par inadvertance, sans que ce soit contrôlé à l’entrée sur le territoire”, ajoute Raphaëlle Pasco. Les scientifiques s’inquiètent aussi et surtout des importations de plantes vertes et d’ornement.

La préfecture n’a pas souhaité répondre aux sollicitations de Parallèle Sud sur les conditions d’importation des plantes d’ornement sur le territoire réunionnais, en nous renvoyant vers directement vers Raphaëlle Pasco. 

Plathelminthe Petite Ile sentier Vivier avec la classe de Tiphaine et Raphaelle Pascot spécialiste de ces vers plats. Et Valentin Vaslet médiateur Nature océan indien NOI
Plathelminthe Petite Ile sentier Vivier avec la classe de Tiphaine et Raphaelle Pascot spécialiste de ces vers plats. Et Valentin Vaslet médiateur Nature océan indien NOI

Une nouvelle menace pour des sols déja malades

Qui dit prédation des lombrics, dit forcément menace sur la santé des sols. Les lombrics, rappelons-le ont un rôle essentiel dans la dégradation de la matière organique, mais Laurent Dennemont, directeur des Alchimistes Pei, nous explique que cette nouvelle menace ne vient que s’ajouter à une liste de pressions d’origine anthropiques exercées sur les sols. “On voit aujourd’hui que les taux de matière organique dans les sols s’effondrent. Si les lombrics et plus généralement les sols étaient en bonne santée, les plathelminthes ne représenteraient peut être pas tant une menace.” 

Et si la nouvelle menace des plathelminthes nous poussait plus largement à réflechir sur la résilience des sols et des écosystèmes face à l’arrivée de nouvelles espèces exotiques envahissantes? Laurent Dennemont a pour sa part décidé d’accompagner les structures scolaires, ou encore touristiques à la mise en place de systèmes de tri et récupération des déchets organiques, comme la loi Anti-gaspillage et Economie Circulaire (AGEC) l’impose en théorie depuis le 1er janvier 2024. 

Sarah Cortier

A propos de l'auteur

Sarah Cortier | Etudiante en journalisme

Issue d’une formation de sciences politiques appliquées à la transition écologique, Sarah souhaite désormais se former au métier de journaliste qui la fait rêver depuis toujours. Persuadée que le journalisme est un moyen de créer de nouveaux récits et d’apporter de nouveaux regards sur le monde pour le faire évoluer, Sarah souhaite participer à ce travail journalistique engagé aux côtés de Parallèle Sud.

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