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[Sécurité] « Que l’océan réunionnais arrête de rimer avec requins »

Après plusieurs années de crise requin, la toute nouvelle association Ressac, regroupant les vigies requin et la water patrol, veut réconcilier les Réunionnais avec la mer.

Le sous-préfet de Saint-Paul, Philippe Malizard, accompagné de Nathalie Verlinden, Jean Galabert et Nicolas Hoarau, présidente et membres de l’association Ressac (Réseau d’éducation et de sauvetage pour la sécurité des activités côtières ) ont présenté le projet de regroupement des deux dispositifs de prévention des risques requins déjà existants, au sein de cette seule et même structure associative. Ce regroupement s’inscrit dans une volonté générale de redonner aux Réunionnais.e.s le goût de la mer, après plusieurs années de crise requin ayant pris fin avec la dernière attaque en 2019.

Jusqu’à maintenant, les deux associations VRR (Vigies Requin Renforcées ) et la WP ( Water Patrol) avaient en charge la surveillance des spots de surf et ainsi la sécurisation des surfeur.euse.s. sur ces zones.  D’ici au 1er janvier 2025, est prévu le transfert de la gestion de ces dispositifs à l’association Ressac, et allant de pair, le transfert juridique des contrats de leurs salariés respectifs sous l’autorité d’une seule et même structure.

Cette mission de regroupement des deux dispositifs avait été confiée par l’Etat au sous préfet de Saint-Paul en février 2023. Depuis, un travail a été engagé à ce sujet avec la Ligue Réunionnaise de Surf (LRS) et l’association Leu Tropical Surf Team actuellement en charge de ces dispositifs. C’est dans les locaux du Centre de Sécurité Requin, à côté de la salle d’exposition des impressionnantes mâchoires de requins tigres et bouledogue qu’est présenté ce nouveau projet.

Affiliée à la FFSS (Fédération Française de Sauvetage et de Secourisme), l’association Ressac, créée le 5 août dernier, sera aussi agréée pour le secours et l’assistance des usagers au sein du périmètre des zones expérimentales (zonex) actuelles et futures. Progressivement, et sous l’autorité du Cross (Centre régional opérationnel de surveillance et sauvetage), l’association aura aussi en charge de déployer ces actions dans la bande des 300 mètres, en coordination avec les acteurs existants tels que la SNSM (Société nationale de sauvetage en mer). Par ailleurs, Philippe Malizard explique que le travail des employés de la VRR et de la WP ne changera pas dans un premier temps.

Jean Galabert, professeur agréé d’EPS et secrétaire de l’association précise également qu’il ne s’agira pas de « balayer d’un revers de main tout le travail qui a été fait, mais au contraire de créer une synergie entre les acteurs du territoire engagés dans ces dispositifs, et instaurer une dynamique de travail en réseau. »

Surveiller les surfeurs, mais pas que…

Très concrètement, les objectifs fixés derrière ce regroupement étaient d’améliorer les dispositifs de surveillance avec les mêmes moyens humains et financiers, de permettre l’ouverture quotidienne en simultané de trois spots de surf et d’ouvrir des spots identifiés à la pratique encadrée du surf.

En ce qui concerne les moyens financiers, il s’agirait de conserver le budget de 1,8 millions d’euros pour sécuriser non plus deux, mais trois spots de surf, avec la création d’une nouvelle équipe de surveillance à Étang-Salé-les-Bains courant 2025. Si possible, l’association vise à terme la gestion en simultané de quatre spots, élargis sur la côte de Boucan Canot jusqu’à Saint-Pierre mais Philippe Malizard insiste, cette évolution se fera « ti pa ti pa » et en accord avec les parties prenantes politiques des différentes collectivités concernées. 

Les membres de l’association précisent par ailleurs que le fléchage de ces investissements en direction des activités de surf et bodyboard sera  progressivement élargi à une mission plus générale d’assistance et de secours des usagers. 

En clair, et comme nous le rappelle Nathalie Verlinden, président de Ressac, l’objectif est de faire bénéficier toutes les activités nautiques et usagers de la mer de cette sécurisation. Cette évolution reposerait sur la diversité des interventions de sauvetage réalisées durant les précédentes années au sein des zonex, qui sortiraient de la seule pratique du surf : intervention auprès de bateaux, jets ski, kayaks, parapentistes échoués en mer, nageurs, pêcheurs, apnéistes, etc.

Et pour faire évoluer l’image de la sécurisation de la bande côtière, l’association Ressac mise aussi sur la sensibilisation. Les termes « risques requin » et  « sécurisation du surf » viseraient à être progressivement remplacés par ceux de « sécurité », « secours » et « assistance des différents usagers » dans une volonté d’inclure tous les usagers de la mer dans ces nouveaux dispositifs. Changer les mots pour changer la réalité, un pari qui s’accompagne aussi d’un travail de sensibilisation des collectivités à la nécessité de participer au financement pour la sécurisation, l’assistance et le secours de toutes les activités se déroulant dans la bande littorale des 300 mètres. Enfin, il s’agira de fournir une veille environnementale sur ce secteur, avec notamment les alertes aux pollutions, tortues blessées, etc.

Redonner le goût de la mer aux Réunionnais.e.s en changeant son image

Nicolas Hoarau, surfeur, pêcheur,  apnéiste et ancien vigie requin, nouvellement membre de Ressac, explique que l’objectif de ce projet est avant tout de reconnecter les Réunionnais.e.s avec l’océan. 

Pour Nicolas Hoarau, si la crise requin a profondément modifié l’image collective du grand bleu sur l’île, la responsabilisation et la sécurisation des activités nautiques doivent permettre aux habitant.e.s de reprendre goût à la mer. « Rouv la mer a tout domoun. Tout kreol i giny alé bord’mer. »  Pour lui, malgré les évènements marquants de ces dernières années, le lien peut être recréé. « Avant la crise requin, tout était super, le créole allait nager partout, à droite, à gauche, à l’intérieur et en dehors du lagon. Notre pratique du surf a changé, et tout ça a profondément changé notre rapport à l’océan. Je me suis engagé dans cette association pour faire en sorte que tout le monde retourne à l’eau, comme avant, tout en étant conscient du risque. J’aimerais que les nouvelles générations retournent vers l’océan naturellement et sans avoir peur, comme nous on a pu avoir peur. On est sur une île, comment on peut tourner le dos à l’océan ? Ok le requin est dans son élément, mais on peut nous aussi aller dans l’eau, en étant plus responsable. »

Pour faire en sorte que la perception de l’océan change, Nathalie Verlinden, présidente de l’association Ressac,  nous explique que l’association mise aussi sur un volet éducatif de sensibilisation aux risques liés à l’océan, mais aussi aux enjeux liés à sa protection. « L’idée est de reconnecter les Réunionnai.s.e.s à l’océan, faire en sorte que l’océan réunionnais arrête de rimer avec requin, danger, mais sans oublier que l’océan est un milieu naturel qui peut être dangereux. On a de grosses houles australes, on a des animaux dangereux dans le lagon, des oursins, coraux, et pas que des requins. L’idée est vraiment d’éduquer et de montrer que l’océan est un environnement à protéger, mais aussi magnifique et que le lien entre l’homme et la mer et la femme et la mer est assez merveilleux. C’est dommage d’être une île au milieu de l’océan Indien et d’être aussi déconnecté de cet environnement la. »

Le pari est ainsi lancé de renforcer le lien de confiance entre humains et eaux réunionnaises d’ici à 2025, reste à voir comment ces dispositifs s’implanteront d’ici là sur le littoral ouest et sud de l’île.

Sarah Cortier

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Crise requin 974

A propos de l'auteur

Sarah Cortier | Etudiante en journalisme

Issue d’une formation de sciences politiques appliquées à la transition écologique, Sarah souhaite désormais se former au métier de journaliste qui la fait rêver depuis toujours. Persuadée que le journalisme est un moyen de créer de nouveaux récits et d’apporter de nouveaux regards sur le monde pour le faire évoluer, Sarah souhaite participer à ce travail journalistique engagé aux côtés de Parallèle Sud.

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