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[Hôtellerie] L’incroyable résurrection du « Superbe »

LA MAIRIE DE SAINT-PHILIPPE A TROUVÉ UN NOUVEL INVESTISSEUR

Difficile à croire, Billikers, une petite société, au capital de 10 000 €, rachète à la mairie de Saint-Philippe le projet avorté de l’hôtel « le Superbe ». La mairie et la Casud soutiennent la démarche alors que les investisseurs demeurent inconnus.

On pourra reprocher beaucoup de choses à Olivier Rivière sur le projet du « Superbe », hôtel cinq étoiles, dont la construction s’est interrompue en 2016 sur fond de scandale financier. Mais il faut lui reconnaître son opiniâtreté, son acharnement. « Jamais je ne baisserai les bras, s’il faut encore 5, 10, 20 ou 30 ans, on les prendra, mais je suis convaincu que le groupe Billikers mènera ce projet à son terme. »

Le maire de Saint-Philippe présentait ce jeudi 3 octobre le troisième projet en dix ans qui se propose de construire un fleuron de l’hôtellerie dans l’océan Indien sur le site remarquable du Cap Méchant. On parle désormais de 81 villas de grand luxe dominant l’océan, dans un cadre sauvage paradisiaque. Et c’est la société Billikers Holding qui se présente comme le « fédérateur d’un consortium de fonds d’investissements ».

Jean-Pierre Thérincourt, conseiller communautaire de la Casud, Olivier Rivière, maire de Saint-Philippe, et Anthony Martin, dirigeant de Billikers, annonce la résurrection du « Superbe ».
Jean-Pierre Thérincourt, conseiller communautaire de la Casud, Olivier Rivière, maire de Saint-Philippe, et Anthony Martin, dirigeant de Billikers, annoncent la résurrection du « Superbe ».

Mais, après les investisseurs chinois, des années 2010, puis la SAS Cap Intense, dans laquelle figurait le groupe Ravate, la légèreté de Billikers, créée en 2023, présentant un capital de 10 000 €, essentiellement connu dans la conciergerie de locations Airbnb, laisse craindre que ce « Superbe » va de Charybde en Scylla.

Jamais deux sans trois ?

Le conseil municipal de Saint-Philippe a autorisé ce jeudi « la vente du foncier au profit de Billikers Holding pour le financement, la construction complémentaire, la réalisation des travaux, l’exploitation d’un hôtel haut de gamme au prix des domaines, soit 6 620 000 €

En tout cas, Olivier Rivière et Anthony Martin, le dirigeant de Billiker, ne cèdent rien à la superstitieuse formule du « jamais deux sans trois ». Pas question pour eux de renoncer au nom « Superbe », ils disent en assumer l’historique. Et quel historique ! 

Olivier Rivière : « Jamais je ne baisserai les bras, s’il faut encore 5, 10, 20 ou 30 ans, on les prendra, mais je suis convaincu que le groupe Billikers mènera ce projet à son terme. »

Reste dans les mémoires une enquête d’envergure internationale traitée par le Parquet national financier, PNF, après la plainte d’investisseurs chinois pour « escroquerie en bande organisée ». Cette enquête est d’ailleurs toujours instruite. Le premier apporteur d’affaires avait disparu, laissant les investisseurs chinois le bec dans l’eau et un chantier inachevé. La commune avait dû dénoncer le bail à construction qu’elle lui avait accordé après plusieurs annuités non payées.

Elle avait dû lancer un nouvel appel à manifestation d’intérêt. Au début des années 2020, c’est alors un groupe réunionnais dans lequel figurait la famille Ravate, sous le nom de SAS Cap intense qui avait cru pouvoir reprendre l’affaire, mais avait finalement renoncé.

Des ruines ou un « gros oeuvre sain » ?

Comment donc un investisseur plus petit que les deux précédents pourrait relever le défi ?

Olivier Rivière et Anthony Martin déroulent les arguments. L’apporteur d’affaires dit travailler depuis un an pour fédérer des fonds d’investissement métropolitains autour du projet. Il a déjà présenté à Saint-Philippe un projet voisin appelé Aquastraline : « un hôtel de 65 chambres en trois étoiles proposant des services de loisirs et de balnéothérapie ». Selon son promoteur, ce deuxième hôtel ne serait viable que grâce à la résurrection du Superbe à ses côtés.

Deuxième argument, particulièrement important, la formule du bail à construction proposée aux deux précédents promoteurs n’est pas sécurisante pour les investissements futurs. Il a donc été choisi pour le troisième essai de céder les  8 hectares. Après adoption de l’affaire au conseil municipal, Billikers holding pourra donc signer un compromis de vente… et rassurer ses partenaires.

6,6 millions pour le terrain et la cinquantaine de villas déjà construites en partie. Envahies par la végétation, elles sont bien visibles de la route nationale. De plus près elles apparaissent comme des ruines dégradées et vaguement squattées comme le montre le diaporama réalisé en mode « Indiana Jones »

  • Visite des ruines de l'hôtel le Superbe à Saint-Philippe festival de graf
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  • Visite des ruines de l'hôtel le Superbe à Saint-Philippe
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Pourtant une expertise a constaté que le gros œuvre est de qualité. La valeur des construction a même été estimée à près de 3 millions d’euros selon Olivier Rivière. Ce qui lui permet de dire que la commune n’est pas perdante sur la transaction. La valeur des villas aurait en effet été intégrée à la valeur totale évaluée par les domaines. Un rapide calcul montre cependant qu’en retranchant 3 M€ à 6,6 M€, le prix du mètre carré se situe entre 40 et 50 euros. À chacun de juger qui fait la bonne affaire…

Les garanties de la Casud

En tout cas, le prix négocié et le compromis signé seront de nature, selon Anthony Martin, à convaincre les investisseurs d’aller de l’avant. Pour l’instant, il ne cite que « trois fonds d’investissement métropolitains », sans plus de précision… Seront-ils, un jour rejoint par des investisseurs réunionnais, soucieux de défendre « le patriotisme économique » ? L’avenir, le dira…

Anthony Martin, dirigeant de la petite société Billikers, annonce avoir réuni de solides investisseurs métropolitains mais ne les identifie pas.

Troisième argument avancé : un montage financier plus avantageux que précédemment. Le classement de Saint-Philippe en « Petites villes de demain », dans le cadre des Opérations de revitalisation de territoire (ORT), permet de débloquer des fonds européens complémentaires. Sur un investissement total de 68 millions d’euros le Feder atteindra 3,6 M€  millions d’euros. La Banque des Territoires financera, quant à elle, la moitié du prêt demandé. Quatre banques locales financeront l’autre moitié. Les investisseurs s’engagent à apporter une mise de départ de 13 millions d’euros. À noter que la Casud garantit 50 % des sommes à emprunter.

« Le début de la campagne électorale »

Un consortium solide, un terrain cédé à un bon prix et un montage financier sécurisé permettent à Anthony Martin d’annoncer le début des travaux mi-2025 et la livraison de l’hôtel « le Superbe » deux ans plus tard, dans le même timing que l’autre projet d’Aquastraline.

90 emplois pour les Saint-Philippois ont été annoncés, sans compter les retombées économiques apportées par tous ces futurs touristes qui séjourneront à Saint-Philippe… C’est presque trop beau.

C’est en tout cas trop beau pour l’opposant municipal. Wilfrid Bertile qui, lui, ne voit dans ces annonces que le début de la campagne des élections municipales de 2026. Tout comme l’autre opposant Yohan Cervantès qui s’oppose lui aussi à la vente du terrain. Il redoute que l’acheteur transforme sa promesse d’hôtels en un projet immobilier.

A priori, la collectivité se protège en conditionnant la vente de son superbe terrain à la vocation hôtelière du projet, à l’obtention du permis de construire, à un dépôt de garantie de 700 000 € et à la concrétisation du montage financier de l’investissement global. Ce qui n’est pas encore fait. Et c’est sans doute pour cela qu’Olivier Rivière, moins optimiste qu’Anthony Martin, évoque un délai de 5, 10, 20 ou 30 ans…

Franck Cellier

A propos de l'auteur

Franck Cellier | Journaliste

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.