[INTRODUCTION DU COMITE DE LECTURE DE PARALLELE SUD]
D’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours adoré les mythes et les légendes. Mes yeux d’enfant portaient dessus toute leur attention, émerveillés devant l’héroïsme, effrayés par l’horreur des monstres et des émotions qu’ils y découvraient. Aujourd’hui et même plus que jamais, ces récits m’accompagnent et m’aident à analyser le réel quand celui-ci paraît sortir du domaine du pensable, ou quand l’actualité ressemble à s’y méprendre aux pires scénarios apocalyptiques des films de science-fiction d’hier.
Ce matin, c’est à la lumière de l’histoire de la Méduse contre Persée que j’aimerais éclairer un article des plus alarmistes parvenu à la rédaction de Parallèle Sud, du Syndicat National des Journalistes, faisant état des maladies multiples dont souffre actuellement le journalisme en France.
Histoire de la Méduse
Laissez-moi vous en raconter brièvement l’intrigue.
Persée, jeune héros, demi-dieu “classique” de la mythologie grecque, se voit imposer, pour pouvoir mettre fin à son exil de tuer Méduse, monstre mortel accablé de tous les maux de l’humanité, ayant le pouvoir de transformer quiconque croise son regard en statue de pierre. On la voit souvent représentée comme une femme à tête couronnée d’une chevelure de serpents, et capable de sidérer ses proies de son cri strident.
Les actualités que nous subissons malheureusement quotidiennement ces derniers temps, guerres, maladies, extrémismes contagieux dans les médias mainstream pourraient avoir, sur moi comme sur nous, ce même pouvoir d’annihilation de notre volonté, de notre capacité à réagir. La Méduse médiatique, fascinante industrie du consentement par soumission aura-t-elle cette fois-ci raison de nous?
C’est sans compter sur la détermination du héros, qui fort de son bouclier en métal réfléchissant, parvient, dans son reflet, à soutenir du regard l’horrible réalité dans les yeux du monstre, pour, d’un coup d’épée lui trancher la tête et faire cesser ces souffrances.
Le journalisme reflète le réel
Le Journalisme indépendant joue exactement le même rôle dans nos vies que le bouclier de Persée dans sa victoire contre l’horreur. Il reflète le réel dans tout ce qu’il peut avoir d’insupportable pour nous permettre d’en soutenir la gravité, et d’entrevoir le moyen de s’en soustraire. Pour celà, il est indispensable.
Aussi, à la lecture amer du bilan dressé par le SNJ de l’état du journalisme en France, il est plus qu’urgent de prendre soin de notre bouclier, de le soutenir corps et âme car sans lui, nous ne serions plus que statues de pierre 😉
Bravo et merci aux journalistes indépendants et courageux qui remplissent tant bien que mal cette mission, vous pourrez compter sur nous.
Christophe,
et tant d’autres…
Un programme pour l’information, des droits nouveaux pour les rédactions
[COMMUNIQUE DE PRESSE]
Syndicat National des Journalistes
Premier syndicat de la profession
Membre fondateur de la Fédération internationale des Journalistes
Membre fondateur de l’Union syndicale Solidaires
Membre fondateur du Conseil de déontologie journalistique et de médiation Membre fondateur de la Maison des lanceurs d’alerte
« Le droit du public à une information de qualité, complète, libre, indépendante et pluraliste, rappelé dans la Déclaration des droits de l’homme et la Constitution française, guide le journaliste dans l’exercice de sa mission. Cette responsabilité vis-à-vis du citoyen prime sur toute autre ». Préambule de la Charte d’éthique professionnelle des journalistes, Syndicat national des journalistes, 1918 – 1938 – 2011.
Parce que tout citoyen a le droit de bénéficier d’une information juste, complète, indépendante et pluraliste. Parce que la démocratie a besoin de médias crédibles. Parce que l’information est un bien public, qui ne peut être confisquée par quelques-uns, ou instrumentalisée à des fins politiques. Parce que la presse, les médias, les journalistes, doivent se remobiliser autour d’une éthique commune, pour restaurer la confiance. Fidèle à ses engagements, le SNJ met à la disposition de la profession, des citoyens et du débat public, son programme pour l’information et le journalisme.
Le contexte
La situation de la liberté de la presse en France peut se résumer à un chiffre : 20. En moins de deux ans, pas moins de vingt alertes ont été déposées par les syndicats de journalistes sur la plateforme du Conseil de l’Europe relative à la sécurité des journalistes pour des cas d’atteintes à la liberté d’informer, ou des violences, visant des journalistes français ou exerçant en France. La vingtième alerte a été déposée ce 27 novembre, par l’intermédiaire de la Fédération européenne des journalistes (FEJ), après les tirs à balles réelles essuyés par plusieurs équipes de médias qui couvraient les événements sociaux en Martinique.
La violence est devenue une constante de l’exercice de la profession en France depuis un peu moins de cinq ans, et on observe une banalisation de ces actes (tribune du SNJ dans Libé ) qui ne suscitent plus aucune réaction de la part des pouvoirs publics. Cette violence est l’illustration concrète de la défiance du public envers la profession, alimentée par certaines paroles de politiques de tous bords
depuis plusieurs années (dont le fameux « On a une presse qui ne recherche plus la vérité » d’Emmanuel Macron, lors de l’affaire Benalla).
Cette haine décomplexée à l’égard des journalistes s’est même déchaînée lors du récent meeting du candidat à l’élection présidentielle Eric Zemmour, dimanche 5 décembre 2021, à Paris-Villepinte. Ces incidents ont suscité de nombreuses réactions dans la profession, très peu dans la classe politique.
Des gilets jaunes aux anti-pass
Depuis cinq ans, les incidents se sont multipliés sur le terrain, provenant de militants dans les manifestations sociales, avec un pic constaté lors du mouvement des gilets jaunes, entre novembre 2018 et février 2019, les agresseurs assimilant l’ensemble des médias à BFM, « BFHaine » pour les uns, « BFMacron » pour les autres, reprochant aux médias en général de donner trop de place aux images spectaculaires des incidents, dans la couverture des événements.
Les agressions régulières ont repris au cours de l’été 2021, à l’occasion des manifestations contre le pass sanitaire : bousculades, insultes, « médias collabos », intrusion dans les locaux, etc… ; un des derniers événements en date étant l’envahissement par une centaine de personnes d’un immeuble abritant les locaux de L’Est Républicain, à Belfort le 6 novembre 2021. Ou plus récemment l’ agression d’une équipe de reportage de l’AFP le 15 janvier 2022, à Paris, lors d’un rassemblement anti-pass vaccinal organisé par le mouvement Les Patriotes.
Une autre forme de violence, extrêmement grave, puisque provenant de représentants de l’Etat, visant principalement les photoreporters, vidéastes, et ce qu’on a appelé les street-journalistes, a accompagné les mouvements sociaux en France depuis fin 2016 et les rassemblements contre la Loi Travail, suivis des manifestations des gilets jaunes, puis contre la réforme des retraites. Ces violences délibérées des forces de l’ordre n’ont donné lieu à aucune sanction, aucune poursuite des parquets, et quasiment aucun retour de l’IGPN en dépit des 91 signalements recensés par le SNJ.
Violences policières et étatiques
Une plainte collective regroupant une quinzaine de photographes avait été déposée en décembre 2018, sans aucun retour des parquets concernés. Le SNJ a comptabilisé au total, entre 2018 et 2020, plus de 200 cas de journalistes blessés et violentés par des représentants de la force publique, ou molestés, ou empêchés de travailler (périmètres interdits, nasses, équipements confisqués), interpellés abusivement, placés en garde-à-vue pour rien ou presque, poursuivis ou menacés de l’être, qui pour avoir pris en photo une mise en scène impliquant Emmanuel Macron, qui d’autre pour avoir suivi une action du groupe d’activistes Extinction Rebellion sur le tarmac d’un aérodrome.
La publication du Schéma national de maintien de l’ordre (SNMO), en septembre 2020, incluant diverses mesures susceptibles d’entraver le travail des journalistes sur la voie publique (assimilation des journalistes aux manifestants lors de l’évacuation, obligation de quitter les lieux à la sommation, possibilités de circuler et de porter des équipements spéciaux réservés aux seuls journalistes titulaires de la carte de presse), a constitué le point d’orgue de la détérioration des relations entre les journalistes et les pouvoirs publics, simultanément aux débats parlementaires autour de la loi Sécurité globale et son très décrié article 24, instaurant une interdiction de filmer les forces de l’ordre en opérations, sous couvert d’une supposée « intention de nuire », très floue juridiquement. Ces deux textes, pour lesquels les syndicats de journalistes n’avaient jamais été auditionnés, bien qu’ils concernent l’exercice du métier de journalisme, ont fait l’objet d’une levée de boucliers de la profession, et de très nombreux citoyens y voyant une nouvelle atteinte aux libertés fondamentales.
Deux textes combattus
Ces deux textes ont été décriés et dénoncés par la Commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU et deux de ses conseillers spéciaux, rencontrés par le SNJ, par la Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, par la Défenseure des droits Claire Hédon, et par la Commission nationale constitutive des droits de l’Homme (CNCDH) qui a rendu également un avis sur le sujet.
Le SNJ a été auditionné sur tous ces sujets le 29 avril 2021 lors de la présentation du deuxième rapport annuel de la Commission européenne sur « l’état de la démocratie en Europe », par Michèle Bachelet, représentante des droits de l’Homme auprès des Nations Unies et Dunja Mijatovic, représentante des droits de l’Homme auprès du Parlement européen.
L’article 24 de la loi sécurité globale a été censuré par le conseil constitutionnel à l’issue d’une porte étroite déposée par le SNJ et d’autres organisations dont la LDH. Un article proche de celui-ci bien que potentiellement moins nocif est cependant réapparu, sous couvert de lutte contre la haine en ligne, sous la forme d’un article 52, dans la loi « confortant les principes de la République » dite loi Séparatisme.
Egalement censuré par le Conseil d’Etat après une saisine du SNJ et de la LDH sur les points relatifs à la liberté de la presse, le Schéma national du maintien de l’ordre a été corrigé après un travail de réécriture engagé à l’issue de la publication des préconisations de la commission Delarue, créée afin de restaurer le dialogue entre représentants des pouvoirs publics, des forces de l’ordre et des journalistes. Le SNJ représentait la profession dans cette commission.
Une précarité exponentielle
Outre les points précédemment évoqués, l’exercice de la profession en France est miné par un triple phénomène : la baisse du nombre de cartes de presse, une précarisation galopante due aux modes de rémunération, qui a atteint un niveau inquiétant (près d’un tiers des journalistes titulaires de la carte de presse sont en CDD ou rémunérés à la pige ou chômeurs, alors même qu’une partie de la profession n’a plus accès à la carte de presse, faute de revenus salariés suffisants), et des revenus en baisse.
Ainsi, en 2009, 37 390 cartes avaient été attribuées dont 7 267 pour des journalistes rémunérés à la pige (19,4 %) et 1 416 pour des chômeurs. En 2020, 34 567 cartes ont été attribuées dont 7 862 pour des journalistes rémunérés à la pige (22,7 %) et 1 582 chômeurs.
La proportion de contrats à durée indéterminée baisse depuis vingt ans :
La profession est totalement sinistrée, par les abus de CDD, le recours massif aux CDDU dans l’audiovisuel, les intermittents ou salariés de boîtes de production, les faux correspondants locaux de presse, les faux employés de presse.
La précarité est devenue la norme pour les premières demandes de cartes de presse :
Les revenus stagnent ou même baissent :
La baisse des revenus va de pair avec la précarisation des premières demandes de cartes :
Cette baisse des niveaux de revenus et la multiplication des modes de rémunération ne correspondant pas à ceux définis par le Code du travail pour les journalistes (auto-entrepreneur, droits d’auteurs…) qui empêchent l’obtention d’une carte d’identité professionnelle ,ont alimenté une « zone grise » constituée de personnes pratiquant le journalisme sans être reconnues comme telles. Cette
« zone grise » est par définition difficile à quantifier. Selon les études, la fourchette se situe entre 6 000 et 10 000 personnes.
Ce phénomène est en grande partie la conséquence de l’apparition, il y a une dizaine d’années, d’une nouvelle forme de précarité, qui a bouleversé le « marché » du travail avec l’émergence du statut d’auto entrepreneur, et du paiement sur factures, deux pratiques illicites pour les journalistes, qui les coupent du salariat, et de tous les droits qui y sont attachés. Cette « ubérisation » est le pire qui pouvait arriver à la profession. Certains actionnaires, en particulier dans la presse magazine (Reworld Média) en ont fait leur modèle économique et une stratégie de développement, érigeant le dumping social interne et le recours à des « fournisseurs de contenus » extérieurs, en mode de fonctionnement, n’hésitant pas à remplacer les journalistes pigistes par des auto-entrepreneurs, moins protégés, et dont le travail, soumis aux directives des donneurs d’ordre, ne relève légalement pas de l’auto-entrepreneuriat. Cette dérive s’est installée dans le paysage de la presse française sans aucune réaction de l’Etat pour limiter la casse sociale, ni de l’Autorité de la Concurrence, ni de la commission paritaire d’attribution des aides à la presse (CPPAP). Malgré les nombreuses alertes et la campagne du SNJ pour combattre ce phénomène.
Cette précarisation exponentielle a évidemment un impact sur les conditions de production de l’information et sa qualité. On affaiblit les capacités des rédactions à réfléchir collectivement, à résister à l’air du temps, à s’opposer au mélange des genres entre contenus rédactionnels et publicitaires (partenariats, publireportages) ou aux choix éditoriaux confisqués par les hiérarchies, parfois sous la pression de l’actionnaire.
Des conditions de travail dégradées
L’émergence des médias numériques depuis une vingtaine d’années a accentué la pression économique sur la presse écrite, qui a tardé à prendre ce virage, voyant une partie de ses ressources (petites annonces, publicité, annonces légales) disparaître, aspirées dans l’univers digital. La concurrence de nouveaux acteurs voire de nouveaux médias, en dehors des règles habituelles du droit du travail (conventions collectives, grilles de salaires, etc.) a bouleversé les pratiques et tiré vers le bas les acquis sociaux de la profession, en même temps qu’elle révolutionnait les usages des consommateurs, accoutumés au principe de la gratuité de l’information. Ce phénomène s’est également étendu au secteur de l’audiovisuel.
Après avoir beaucoup tardé, les employeurs des médias ont imposé un virage numérique aux rédactions, le plus souvent sans négociation collective, sur fond de chantage à l’emploi, sans cursus de formation renforcé malgré la lourdeur des évolutions, sans valorisation de l’acquisition de nouvelles compétences pour les journalistes salariés, sans accompagnement au changement (ou a minima) pour les rédactions. Cette appréhension archaïque de la révolution numérique par les employeurs, couplée à une précarité systémique, est à l’origine d’un mal être grandissant au sein de la profession, documenté notamment par les trois enquêtes en dix ans effectuées par le cabinet Technologia, en lien avec le SNJ, et par le sociologue des médias Jean-Marie Charon, qui a interrogé des dizaines de consœurs et confrères ayant mis prématurément un terme à leur carrière, certains après un burn-out, d’autres dans le cadre d’une reconversion professionnelle motivée par un rejet du métier.
Une information verrouillée
Depuis 30 ans, les conditions d’exercice de la profession se sont compliquées en raison d’un verrouillage progressif de l’information, accentué par la généralisation de la communication institutionnelle. Préfectures, conseils départementaux, grandes administrations, toutes les grandes institutions publiques ou privées ont leur chargé de com’ et leurs propres outils de communication externe, via les réseaux sociaux Facebook ou Twitter.
Il en est de même pour les services de gendarmerie et de police (officiers communication), les services départementaux d’incendie et de secours. Certains de ces services ont parfois cherché à imposer aux équipes de télévision des « conventions de tournage » contraignant la liberté d’informer. Dans le monde de la justice, la communication au niveau des parquets est souvent assurée par un
seul magistrat. L’usage du huis-clos est parfois abusif, notamment pour les audiences du Juge des libertés et de la détention, qui sont pourtant publiques, sur le papier seulement.
Au niveau politique, la pratique de la relecture/réécriture des interviews s’est généralisée dans la presse écrite, à quelques exceptions près. La couverture des déplacements ministériels est « minutée » et soumise aux systèmes de « pools ».
Dans le sport professionnel, les sportifs ne sont plus accessibles qu’au cours des conférences de presse ultra-formalisées, également minutées. Ces restrictions à l’accès direct des journalistes aux professionnels du sport ne font qu’empirer, parfois sous couvert de protocole sanitaire, à l’image de la suppression des « zones mixtes », en novembre, après une décision unilatérale de la Ligue de football professionnel.
Dans le monde de la culture et du spectacle, les artistes protègent leur image en autorisant quelques clichés ou images, ou un temps restreint, aux photographes professionnels, quand une salle de 500 personnes filme en direct sur son téléphone portable…
Le SNJ revendique des mesures permettant le libre accès des journalistes à toutes les sources d’information publiques et/ou d’intérêt général pour leur permettre de tenir leur rôle de « gardiens de la démocratie » et des libertés publiques, en particulier en bénéficiant d’un accès facilité aux centres de rétention administrative, aux centres pénitentiaires, plus globalement à tous les lieux de privation de liberté. Le SNJ dénonce les périmètres de sécurité abusifs, qui permettent de tenir à l’écart les journalistes. C’est le cas actuellement des évacuations de camps de migrants.
Dans ce contexte, la voie publique et la couverture des manifestations en extérieur représentait jusqu’à présent un des derniers espaces de liberté pour les journalistes. A travers le SNMO et la loi Sécurité globale, le ministère de l’Intérieur, sous l’influence des syndicats de police, cherche à réglementer voire contrôler le travail et la circulation des journalistes sur la voie publique. Un système d’attestation employeur et d’auto-attestation, pour les journalistes non titulaires de la carte de presse, est actuellement à l’étude. Le SNJ s’y est opposé.
Des lois contre la liberté d’informer
Outre la controversée loi Sécurité globale, plusieurs lois récentes, ou tentatives parlementaires, s’en sont prises ces dernières années à la liberté de la presse. A plusieurs reprises, des initiatives ont été enrayées, qui risquaient de détricoter la loi sur la presse de 1881, et en rompre l’équilibre, par exemple en sortant la diffamation de son champ d’application, ce qui aurait eu pour effet de faciliter les poursuites pour diffamation.
Une solution doit être trouvée pour punir plus sévèrement les procédures abusives, et empêcher les procédures-bâillons, , spécialité d’un certain Vincent Bolloré, qui en a fait une stratégie de communication, à grand renfort de communiqués, non seulement pour contrecarrer les journalistes qui enquêtent sur ses affaires, mais aussi pour intimider et dissuader ceux qui voudraient s’y risquer.
La loi sur le secret des affaires, transposition de la directive européenne, représente un nouvel outil bâillon à la disposition des lobbys industriels. Encore peu de jurisprudence, mais il est difficile d’évaluer l’impact du dispositif sur une éventuelle autocensure des rédactions sur certains sujets. Dans l’affaire Conforama/Challenges, , le magazine n’a pas été condamné, l’information dévoilée (ouverture d’une procédure de sauvegarde) n’ayant pas été considérée comme un « secret des affaires », estampillé comme tel. Le SNJ est partie civile au côté du quotidien Le Monde, dans l’affaire des « Implant Files ». Une journaliste de cette rédaction s’était vue refuser l’accès à nombre d’informations d’intérêt public, notamment par la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA). Décision attaquée par la consœur avec de nombreux soutiens, dont le SNJ, devant le Tribunal administratif qui leur a donné raison le 15 octobre 2020. Les recours juridiques contre les autres refus sont toujours en cours.
Nos propositions
➢ Pour un statut juridique des rédactions
L’accélération des mouvements de capitaux dans les médias écrits et audiovisuels, privés ou publics (concentration, émiettement du capital, participations croisées, rachat par des fonds d’investissement) fragilise l’indépendance des journalistes et la crédibilité des médias. Drahi, Niel, Arnault, Kretinsky, Dassault, Tapie, Hersant… l’histoire regorge des histoires de ces industriels milliardaires ayant fait main basse sur des journaux ou des médias. L’exemple de l’industriel Vincent Bolloré, qui s’est construit en cinq ans un empire médiatique à des fins politiques, après avoir détruit une chaîne d’information (iTélé), doit plus que jamais nous interroger sur la nécessité de légiférer sur la question de la concentration des médias.
Cependant, s’il est illusoire et peut-être contre-productif, de vouloir écarter les capitaux privés du financement des médias, il est primordial de doter les rédactions d’un statut juridique leur permettant de faire valoir un droit d’opposition collectif, tout particulièrement lorsque l’indépendance du média vient à être gravement mise en cause par le comportement de l’actionnaire éditeur, de la direction et/ou de la hiérarchie de l’entreprise, voire des annonceurs ou « partenaires » du média.
Cette revendication de la profession, qui a déjà fait l’objet de deux propositions de lois, toujours rejetées par le Parlement (PPL Assouline en 2011, PPL Goulet en 2014), ne vise aucunement à priver l’employeur des prérogatives et des responsabilités qui lui incombent en tant que directeur de la publication. Il s’agit de permettre à l’équipe rédactionnelle constituée de jouer un rôle de régulation, en équilibrant les droits et les devoirs de chacun. En protégeant l’intégrité de l’équipe rédactionnelle et son identité éditoriale, c’est avant tout le public et son droit à une information complète, honnête et pluraliste, que cette mesure entend garantir.
Quelle que soit la forme juridique de l’entreprise de média ainsi que la structure de son capital, l’équipe rédactionnelle sera obligatoirement consultée sur les événements mettant en jeu l’identité éditoriale ou l’indépendance rédactionnelle de la publication, sans préjudice des consultations des instances représentatives du personnel, prévues par ailleurs par le Code du travail. Le cas échéant, l’équipe rédactionnelle pourra s’autosaisir de ces problèmes (Proposition issue de la résolution du congrès de Besançon, octobre 2006, et de la plateforme SNJ de 2007).
Un tel dispositif pourrait permettre à tous les médias, y compris ceux qui ont déjà en leur sein des sociétés de journalistes ou sociétés de rédacteurs, de voir harmoniser les objectifs de droits et de devoirs avec des statuts légaux conformes. La reconnaissance juridique des équipes rédactionnelles permettrait par ailleurs de donner une existence légale à la procédure de la « motion de défiance », votée trop souvent en pure perte par les rédactions.
➢ Pour de nouveaux seuils anti-concentrations
Pour mettre fin à la mainmise des industriels milliardaires et des multinationales sur l’information et pour favoriser le pluralisme, il y a nécessité de réformer la loi de 1986, obsolète, afin de créer de nouveaux seuils anti-concentrations incluant tous types de médias, qui prennent en compte l’ensemble des audiences cumulées ,incluant notamment les supports numériques. Au regard des quatre supports principaux de diffusion de l’information (écrit, radio, télévision, numérique), le SNJ réclame la promulgation d’une loi qui permettrait de limiter le contrôle par un même actionnaire d’un ou plusieurs médias ou supports dont l’audience cumulée, départementale et nationale, dépasse un certain seuil (Plateforme SNJ de 2007).
Au vu des enjeux numériques actuels, un critère limitant le cumul de propriété simultanée de fournisseurs d’accès internet et de propriété de médias devrait aussi entrer en ligne de compte.
Le SNJ propose d’interdire que le capital des entreprises de médias soit constitué à hauteur de plus de 30% par un ou des actionnaires dépendant directement de la commande publique, ou dont
l’activité peut nourrir un conflit d’intérêts vis-à-vis d’une information indépendante et d’intérêt public (banque, armement, tourisme, publicité, téléphonie…).
Le SNJ préconise une ouverture obligatoire aux organes de décision des entreprises de presse (conseils d’administration ou/et de surveillance) et/ou aux Comités d’éthique aux représentants des salariés (avec voix consultative).
Il propose de limiter les effets des concentrations économiques en interdisant les concentrations et mutualisations éditoriales. Par principe, une rédaction indépendante doit demeurer dans chacun des titres d’un groupe de presse. En cas de rachat d’un titre, il faut que tout changement de structure obtienne l’accord de l’équipe rédactionnelle concernée.
Les garanties d’indépendance éditoriale et de pluralisme passent également par l’exigence d’une part prépondérante consacrée aux journalistes dans les dépenses éditoriales.
Le SNJ préconise un renforcement et un élargissement des compétences de l’Autorité de la concurrence, qui sera chargée de veiller au respect des seuils, et du maintien de l’indépendance des équipes rédactionnelles. Cette instance administrative devra motiver ses décisions (publiques) et établir chaque année un état des lieux précis des mouvements capitalistiques dans la presse et les médias. Sous peines de poursuites de ses dirigeants en leurs noms propres, chaque groupe de presse devra respecter l’obligation de publier et de communiquer à ses lecteurs, auditeurs et téléspectateurs ses comptes annuels ainsi que la composition de son capital et le nom des principaux porteurs de parts, à partir de 5% (disposition prévue par la loi Bloche).
Au-delà des possibles réformes des différentes autorités indépendantes liées au monde de l’information, le SNJ demande la création d’un organisme officiel de droit public permettant de contrôler la bonne application de l’ensemble de ces règles et de disposer de toutes les informations nécessaires. Cet organisme sera réellement paritaire, c’est à dire formé de représentants des éditeurs, des journalistes et du public, pour tous les candidats à une fréquence, un numéro de CPPAP, au bénéfice des aides à la presse directes et indirectes. Cette structure aurait vocation à remplacer notamment le CSA et la CPPAP dont elle reprendrait les missions. A l’instar de la loi Bichet, celle-ci veillerait à l’égal accès – au XXIe siècle – de l’ensemble des médias existants ou nouveaux aux moyens de diffusion d’une information pluraliste.
➢ Pour une éthique commune à toute la profession
Hémorragies d’effectifs dans les rédactions, « bollorisation » de l’information, recherche permanente du buzz, suivisme malsain de la presse sur des sujets de société caricaturés… Les exemples de dérapages médiatiques et médiatisés ont été nombreux ces derniers mois. Ils sont la partie visible d’un phénomène massif qui amplifie la rupture avec les lecteurs, les auditeurs, les internautes. Conséquence de cette dérive, une partie du public, qui se considère mal-informée, voire maltraitée, se défie de la presse dite traditionnelle et des médias, pour se tourner vers d’autres sources d’information pas toujours recommandables et parfois complotistes, faisant ainsi peser une menace importante sur la démocratie.
Renforcé lors des dernières élections à la Commission de la carte (CCIJP) comme premier syndicat de la profession (plus de 55% des voix), le SNJ ne peut que constater et déplorer une dégradation de la situation dans la quasi-totalité des médias. Les politiques rédactionnelles imposées par les actionnaires, certains employeurs, et les hiérarchies de certaines rédactions, affectent directement les contenus journalistiques, parfois sous l’influence du sacro-saint référencement Google, et mettent en cause le droit du public à une information honnête et indépendante des pressions politiques et commerciales.
Le SNJ estime qu’il importe de replacer la déontologie au cœur de l’exercice du métier de journaliste, puisque celle-ci est l’unique fondement de sa légitimité. En instaurant un droit d’opposition individuel, conditionné à des chartes d’entreprise, donc des principes éthiques à géométrie variable, la loi du 14 novembre 2016 « visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias » (loi Bloche
dite « loi anti-Bolloré »), n’a pas répondu à ces enjeux.
Pour le SNJ, rien ne sera plus efficace et incontestable qu’un texte unique formalisant notre déontologie commune éventuellement complétée par des ajustements rendus nécessaires par les spécificités éditoriales de chaque média. C’est pourquoi la Charte d’éthique professionnelle des journalistes français (1918-1938-2011) et ses deux déclinaisons internationales que sont la Déclaration européenne des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971), textes déjà en vigueur, adoptés par de nombreux médias et l’ensemble de l’audiovisuel public, ainsi que la Charte d’éthique mondiale de la Fédération internationale des journalistes (FIJ, 2019), doivent être annexées à la Convention collective nationale de travail des journalistes (CCNTJ).
Le SNJ est membre fondateur du Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) créé en décembre 2019 à l’issue d’une très longue réflexion de la profession. Organe professionnel d’autorégulation indépendant de l’Etat, le CDJM a vocation à regrouper l’ensemble des éditeurs et des journalistes, tous médias, confondus, ainsi que des représentants des publics. Cette instance tripartite constituée en trois collèges (journalistes, éditeurs, public) peut être saisie par toute personne estimant que les règles professionnelles journalistiques n’ont pas été respectées dans le traitement d’un sujet. Le CDJM ne se prononce pas sur les choix éditoriaux, qui relèvent de la liberté des rédactions, mais sur les pratiques journalistiques. Il ne prononce pas de sanction mais publie des avis motivés. Depuis sa création, le CDJM a reçu 500 saisines de la part du public, portant sur plus de 240 actes journalistiques distincts. Si environ 150 saisines n’ont pas été retenues, une soixantaine d’avis ont été publiés, et une vingtaine de saisines sont en cours de traitement. En deux ans, le CDJM a fait la démonstration de son utilité et de sa crédibilité. Sa légitimité a été confortée par la justice, dans le jugement rendu contre le magazine Valeurs Actuelles à propos d’un article insultant publié sur la députée Obono. Ce conseil de déontologie journalistique, comme il en existe des dizaines dans le monde, est pourtant toujours boudé par une partie de la profession, des éditeurs et des employeurs des médias, qui refusent toute « ingérence » dans leur politique rédactionnelle.
Le SNJ milite pour un conditionnement des aides à la presse et des conventions signées avec le CSA par les entreprises audiovisuelles, une adhésion de ces médias au CDJM, qui permettrait à la fois de conforter sa légitimité et de contribuer au financement de ses travaux.
Le SNJ réclame dans les programmes des écoles et des centres de formation au journalisme reconnus par la profession que soient spécifiquement prévus dans les enseignements des modules sur les droits et devoirs des journalistes, la déontologie, la convention collective, le Code du travail, mais aussi la carte de presse, en lien avec les organisations syndicales représentatives de la profession et avec les représentants des journalistes et employeurs siégeant à la CCIJP.
➢ Pour une révision de l’attribution des aides publiques
Le SNJ est favorable à la remise à plat de toutes les aides à la presse, afin qu’elles répondent enfin à leur objectif initial : garantir le pluralisme et la qualité de l’information. (Plateforme SNJ de 2012) Sans pour autant remettre en cause l’indépendance des médias vis-à-vis de l’Etat, et parce que la précarité pèse directement sur la qualité et le sérieux des contenus éditoriaux, il est légitime que l’attribution de ces aides soit conditionnée au respect d’un certain nombre d’exigences éthiques et sociales :
– obligation pour les entreprises bénéficiaires d’adopter la Charte d’éthique professionnelle commune à la profession ;
– obligation d’adhérer à une instance d’autorégulation comme le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) ;
– obligation de mise en place de mesures concrètes pour lutter contre la prolifération des commentaires de haine dans les médias : modération obligatoire des commentaires sexistes, racistes, homophobes, très rarement poursuivis bien que tombant sous le coup de la loi, relayés sur les sites d’infos et les réseaux sociaux des médias ;
– respect d’une représentation équilibrée des hommes et des femmes dans le traitement de l’actualité ;
– obligation d’employer des journalistes professionnels, en bannissant tout recours à des faux correspondants locaux/vrais journalistes, auto-entrepreneurs, prestataires journalistes payés sur
factures (portage salarial), journalistes sous convention d’employés de presse, etc. – évaluation du recours aux stagiaires et emplois précaires (CDD et CDDU) dans l’entreprise et attribution des aides inversement proportionnelle au « taux de précarité » constaté ; – respect des obligations légales et conventionnelles à l’égard des journalistes rémunérés à la pige, en matière d’ancienneté, d’application des accords d’entreprise, de maintien du salaire en cas d’arrêt de travail, de rupture de la collaboration, etc. ;
– respect de l’ensemble des obligations légales et conventionnelles, notamment les dispositions relatives à la liberté syndicale et au respect du paritarisme ;
– obligation pour l’éditeur de publier un « quota » de photos réalisées par des photojournalistes professionnels, en pied dans l’entreprise ou rémunérés à la pige ;
– obligation pour l’entreprise de négocier les salaires tous les ans, barèmes de piges et grilles de salaires ;
– obligation de publication annuelle, dans chaque média, de l’affectation des aides et de leur utilisation.
Si la publication par le ministère de la Culture des montants alloués représente une avancée en matière de transparence depuis 2014, le SNJ revendique la possibilité pour les représentants des salariés et des représentants du public de pouvoir siéger dans les instances d’arbitrage et d’attribution de ces fonds.
Le SNJ milite également pour un rééquilibrage de ces aides, pour éviter qu’elles ne soient en majorité accaparées par les plus gros acteurs de la presse écrite, au détriment des plus petites structures et nouveaux médias qui contribuent au pluralisme.
➢ Pour un partage équitable des droits d’auteurs
Depuis la loi du 12 juin 2009 (article 20 de la loi Hadopi), les journalistes de presse écrite bénéficient sans contestation possible de droits d’auteur garantis par un accord d’entreprise obligatoire, sous le contrôle d’une commission des droits d’auteur des journalistes. Mais dans trop d’entreprises, cet accord n’a pas encore vu le jour et dans d’autres, les informations financières sur la réalité des revenus générés et les protections garanties dans le cadre de cessions à des tiers sont trop faibles.
Au niveau européen, les éditeurs font pression pour la création d’un droit voisin à leur bénéfice. A l’instar des autres syndicats de journalistes européens, le SNJ a fait connaître son opposition à ce dispositif lors de son congrès de Nantes (octobre 2016). Mais si la directive devait malgré tout comporter une telle disposition, elle ne serait acceptable qu’à la condition que les revenus issus de ce nouveau droit soient gérés par une société d’auteurs au sein de laquelle éditeurs et journalistes siègeraient à parité et que ces revenus soient partagés à égalité entre ces derniers.
Le SNJ rappelle que le droit moral des journalistes est inaliénable.
➢ Pour un renforcement de la liberté de la presse
Protection des sources des journalistes.- Le SNJ propose de compléter la loi Dati du 4 janvier 2010 sur le respect de la protection des sources des journalistes, avec des mesures qui permettraient de mettre à l’abri , les journalistes et leurs sources ,des intrusions facilitées par la loi Renseignement (2015), loi contre laquelle une instance de recours est introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Il est urgent de renforcer la loi, et la protection du secret des sources, alors que les moyens technologiques utilisables et utilisés (à l’image de l’affaire Pegasus) pour espionner les journalistes et identifier leurs sources, par des lobbys ou des Etats divers, sont quasiment sans limite.
Le SNJ préconise l’interdiction des poursuites judiciaires ou civiles contre des journalistes et/ou lanceurs d’alerte pour les recels de délit ou les délits d’atteinte au secret des affaires, au secret de l’instruction, au secret des correspondances ou de la vie privée de personnalités publiques dans le cadre d’une enquête relevant d’un impératif prépondérant d’intérêt public. Sur ces fondements, et le délit de recel de violation du secret, des journalistes continuent d’être convoqués par des
représentants de la force publique ou des parquets, dans le seul but d’identifier leurs sources, et/ou de dissuader des enquêtes. Le SNJ a écrit au Garde des Sceaux à ce sujet en fin d’année.
Le SNJ réclame également l’élargissement des mesures de protection du secret des sources à l’ensemble des collaborateurs de la rédaction.
Création d’un statut protecteur du lanceur d’alerte.- Le fameux procès Luxleaks, a vu au Luxembourg un journaliste et ses deux sources mis en accusation par le fond financier PricewaterhouseCoopers (PwC). Finalement, le journaliste et un lanceur d’alerte ont été relaxés mais le second a été condamné bien que le tribunal ait reconnu l’intérêt public des révélations. Cette affaire avec bien d’autres scandales : Médiator, utilisation d’amiante, déversement de produits nocifs, recours aux pesticides et insecticides interdits, atteintes aux droits humains et maltraitance des animaux, toutes révélations d’intérêt général, ont mis en avant l’impérieuse nécessité de créer un véritable statut protecteur du lanceur d’alerte. Sans vigie indispensable, sans source protégée, pas de journalisme d’investigation. Si des éléments législatifs protecteurs existent déjà, la France, en phase d’adaptation de la circulaire européenne, s’honorerait de faire bénéficier les lanceurs d’alerte des dispositions complémentaires de la proposition de loi « Waserman. »
Accès aux informations et documents publics.- Face aux obstacles purement administratifs parfois opposés aux enquêtes journalistiques, le SNJ demande que soit reconnu un droit spécifique des journalistes à l’accès aux documents administratifs ou financiers des entreprises, des associations, des services de l’Etat ou des collectivités publiques. Les journalistes se heurtent très souvent à des freins puissants pour obtenir la communication de documents qui sont pourtant, de par la loi, censés être publics. (Projet de loi, plateforme SNJ de 2007)
Libre accès des journalistes.- Le SNJ sollicite le libre accès des journalistes aux lieux de privation des libertés, centres d’éducation fermés pour mineurs, centres de détention, centres de rétention, avec la possibilité de visiter ces lieux sur demande expresse, dans le respect des règles de sécurité, hors le cadre d’une visite parlementaire. Le SNJ revendique également le respect du libre accès des journalistes aux lieux recevant du public, gares, centres commerciaux, salles de spectacles, enceintes sportives, périmètres de maintien de l’ordre, sans avoir à solliciter une autorisation de filmer ou de prendre des photos.
➢ Pour une refonte des missions du CSA
Afin de favoriser une véritable indépendance du CSA vis-à-vis des pouvoirs politiques, le SNJ préconise une refonte du mode de nomination de ses membres, afin que la moitié d’entre eux soient désignés par les salariés des entreprises placées sous son autorité administrative.
Afin de garantir la réelle indépendance des membres du CSA, et éviter tout soupçon de subordination, le SNJ propose d’interdire clairement le « pantouflage », c’est-à-dire la possibilité pour ses membres de faire des allers-retours entre le CSA et les entreprises de l’audiovisuel public ou privé.
Le SNJ réclame un recadrage des missions du CSA, aujourd’hui intégré à l’Arcom, pour proscrire toute velléité d’intrusion dans la ligne éditoriale des rédactions et la déontologie des journalistes.
➢ Pour un financement public de l’AFP
Pour garantir l’indépendance de l’Agence France-Presse, le SNJ demande la garantie du maintien de la contribution financière de l’Etat au titre de sa mission d’intérêt général.
L’AFP a développé ces dernières années des activités de vérification d’informations (factcheking), notamment en partenariat avec Facebook, et signé un accord sur les droits voisins avec Google. Ces nouvelles ressources sont les bienvenues mais elles ne doivent pas créer une nouvelle dépendance vis-à-vis des géants du numérique, sur les activités desquels l’agence doit pouvoir continuer à porter un regard critique.
La compensation versée par l’Etat au titre de la mission d’intérêt général ne doit donc pas être réduite, afin que l’AFP puisse exercer ses missions d’information des médias et du public en toute indépendance et maintenir son réseau de bureaux à travers le monde.
➢ Pour un service public de l’information
Le SNJ préconise la mise en œuvre d’un financement indépendant du service public de l’information (France Télévisions, Radio France et France Médias Monde) sans lien avec les budgets de l’Etat. Compte tenu des besoins d’investissement, notamment dans le numérique, ses ressources doivent être pérennisées et assurées par une augmentation progressive de la redevance, un élargissement de son assiette. Il s’agira de les mettre au niveau de la moyenne des ressources de ce type dans les pays européens. Le financement du service public de l’information passera également par la création d’une taxe sur la publicité dans les médias.
Le SNJ préconise également une réforme en profondeur de la loi du 5 mars 2009, avec un nouveau mode de désignation des PDG des entreprises de l’audiovisuel public et un renforcement du poids des personnels et des usagers dans les instances décisionnelles. Les dirigeants de l’audiovisuel public seront désignés par des conseils d’administration pluralistes et indépendants où siégeront, avec les mêmes attributions que les autres membres, des représentants de toutes les catégories professionnelles de l’entreprise, et des représentants des auditeurs, internautes et/ou téléspectateurs.
Le SNJ réclame l’abrogation des décrets « Tasca », qui prévoient des quotas obligatoires de productions privées dans les programmes. Cette obligation entraîne le développement artificiel de sociétés de production dont l’activité est assurée par l’argent public au détriment des professionnels des entreprises de ce secteur et sans générer les droits patrimoniaux pour l’audiovisuel public. Il faut garantir à l’audiovisuel public la possibilité d’assurer en interne le financement et la production d’une majorité de ses fictions et documentaires (Propositions issues du projet de la section SNJ de France Télévisions).
Pour assurer le pluralisme de l’information, le SNJ préconise le maintien des rédactions autonomes à France Télévisions comme à Radio France, la pérennisation et le développement du réseau France Bleu, et l’abandon des projets de rapprochement numériques entre France 3 et France Bleu.
Plus globalement, le SNJ redit son opposition à tout projet qui aboutirait à la fusion entre les opérateurs de l’audiovisuel public, dans le seul but de réduire leurs effectifs. Un service public de l’information fort est un ensemble de rédactions diverses, où les journalistes ont le temps de collecter, vérifier et mettre en forme des informations certifiées.
➢ Pour de nouveaux médias
Les médias d’information générale et politique jouent un rôle déterminant pour permettre aux citoyens de connaître, de comprendre les grands enjeux de notre époque… Uniformisés par les rachats successifs, les concentrations et l’omnipotence du marketing et de la communication au détriment de l’ambition éditoriale, nos journaux n’ont plus aujourd’hui les moyens de tenir ce rôle dont se réclament pourtant la majorité des rédactions », rappelle en préambule la proposition de loi conçue par le SNJ en octobre 2014.
Le SNJ considère urgent de créer des moyens législatifs nouveaux pour tenter d’enrayer les aspects les plus négatifs de cette évolution, et aller au-delà des dispositions du statut d’entreprise solidaire de presse, créé par la loi Françaix en avril 2015.
Pour faciliter la création ou la reprise de titres de presse, le SNJ propose que soit créé un nouveau statut juridique pour la presse d’information générale, celui de médias d’information à but non lucratif. Ce statut, que pourraient choisir d’adopter des entreprises reprises par leur salariés ou créées de novo, serait ouvert à tous les médias qui auront pour but de produire une information politique et générale de qualité, qu’il s’agisse de presse écrite, de médias électroniques ou audiovisuels, à
condition qu’elles aient adopté une forme juridique relevant de l’économie sociale et solidaire, SCOP, SCIC, ou demain si cela devient légalement possible, fonds de dotation.
Ce statut de médias d’information à but non lucratif serait accessible par adhésion de la majorité des salariés de l’entreprise en cas de reprise, ou de ses fondateurs s’il s’agit d’un nouveau média. Outre le réinvestissement de la majorité des bénéfices dans le développement de l’entreprise, la proposition prévoit un ensemble de dispositions juridiques favorisant la reprise d’une entreprise de presse en difficulté par ses salariés, dès lors que leur projet est économiquement viable, ou la capitalisation initiale en cas de création d’entreprise, grâce à l’octroi d’aides, en particulier par la redirection d’une fraction des aides à la presse, et de facilités d’emprunts et d’appel à l’investissement public et privé. Ce texte prévoit également certaines obligations pour l’entreprise : la reconnaissance juridique de l’équipe rédactionnelle, le respect rigoureux des dispositions légales et conventionnelles en matière de droit du travail, et l’obligation d’informer loyalement tous ses actionnaires sur la marche de l’entreprise.
Ce type de nouvelles sociétés de presse pourrait s’inspirer d’autres modèles alternatifs comme la SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) qui rassemble dans le capital d’une entreprise des personnes physiques ou morales de divers horizons tout en gardant les principes coopératifs ; le modèle des Sofica (sociétés pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle), sociétés de capital-investissement bénéficiant d’avantages fiscaux : créées en 1985 pour permettre l’investissement des particuliers dans l’audiovisuel et le cinéma, elles pourraient tout à fait être adaptées au secteur des médias ; le modèle des Sofirep (société pour le financement des reportages et enquêtes de presse) permettant aux lecteurs-auditeurs-téléspectateurs de participer au financement de projets journalistiques qu’ils souhaitent soutenir sans que le modèle coopératif soit obligatoire. (Plateforme SNJ de 2012).
➢ Pour le rang de la France dans le contexte international
Depuis 2015, 33 journalistes ont été assassinés sur le sol européen, selon les chiffres du Conseil de l’Europe, et une majorité de ces cas sont encore impunis.
Dans le monde, depuis 1990, plus de 2 700 journalistes ont été assassinés et seulement 10% de ces meurtres ont été résolus par l’arrestation des assassins mais pas celle des commanditaires, selon la dernière enquête de l’Unesco, l’agence des Nations Unies en charge notamment de la protection et de la sécurité des journalistes.
C’est l’impunité qui permet que des consœurs et confrères soient abattus par qui veut tenter de stopper leurs enquêtes. La Fédération internationale des journalistes (FIJ), la plus importante instance de représentation des journalistes dans le monde avec quelques 600 000 adhérents dans 150 pays, a publié fin 2018 une Convention pour la protection et la sécurité des journalistes, texte qui permettrait à l’ONU, après un vote de l’Assemblée générale, de mieux protéger les journalistes dans le monde et à travers eux la liberté d’expression et la démocratie in fine. La France, patrie des Droits de l’Homme doit s’engager publiquement à soutenir ce texte.
Le SNJ, depuis la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan le 15 août 2021, a mobilisé ses énergies militantes pour venir en aide aux journalistes, particulièrement visés par ces ennemis des libertés fondamentales. Les femmes journalistes sont doublement en danger. Le président de la République a pris un engagement public. La France doit se mobiliser plus largement pour les exfiltrer quand nécessaire et les accueillir dignement.
➢ Pour un paritarisme rénové
Pour garantir une juste représentation des journalistes dans la vie de leurs entreprises et compte tenu des spécificités de leur statut, le SNJ préconise l’inscription dans la loi des collèges électoraux « journalistes » obligatoires à partir d’un seuil d’effectifs journalistiques de 25 équivalents temps plein.
Le SNJ réclame la négociation de grilles de fonctions et de salaires dans chaque forme de presse, permettant de valoriser les nouvelles compétences liées aux nouveaux outils numériques, dans le
cadre de la création de la commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation (CPPNI) sur le champ de la convention collective nationale de travail des journalistes.
Le SNJ réclame la négociation d’un barème minimal de piges dans chacune des formes de presse, prenant en compte l’ensemble des outils et des supports.
Le SNJ réclame la mise en œuvre rapide des états-généraux de la pige, associant représentants des journalistes, des employeurs, et des pouvoirs publics, afin d’éradiquer certaines pratiques illicites telles que les paiements différés, l’absence de bons de commande pour les photographes, le recours au paiement sur factures, le recours aux CDDU, etc.
Le SNJ revendique la mise en place d’un fonds paritaire abondé par les entreprises de presse permettant un accès facilité des journalistes pigistes aux congés de formation syndicale, et l’indemnisation de leurs heures de délégation et absences autorisées liées à des mandats nationaux.
Le SNJ préconise un alignement dans l’audiovisuel privé des droits des journalistes sur les garanties d’indépendance et les principes professionnels en vigueur dans le Service public.
Pour les journalistes bénéficiaires d’un statut reconnu par la loi, le SNJ demande que celle-ci s’applique dans tous les territoires de la République. Dans les TOM particulièrement, les journalistes ne bénéficient pas des droits reconnus en métropole et dans les DOM. Pour le SNJ, l’élargissement du statut des journalistes à ces territoires est plus que jamais indispensable.
Le SNJ demande que les journalistes travaillant dans les agences de presse bénéficient des mêmes droits que tous leurs autres confrères, en matière de droits d’auteur, de clause de conscience et de cession.
Le SNJ est favorable à une réforme de la procédure d’information/consultation des instances de représentation du personnel , incluant un droit de veto motivé des salariés, pour toute décision stratégique.
Le SNJ réclame des négociations sur les déroulements de carrière des salariés dans toutes les entreprises, incluant une prise en compte des parcours des représentants syndicaux et élus dans les instances représentatives du personnel ;
Le SNJ préconise l’adoption de mesures concrètes dans les entreprises de médias favorisant l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et la diversité sociale.
➢ Pour un investissement dans l’éducation aux médias
Convaincu de l’importance du développement de l’éducation aux médias, auprès des plus jeunes mais aussi dans l’ensemble de la société, le SNJ propose la mise en œuvre d’une sorte de « service civique » dans la profession, financé sur des fonds publics (Etat, collectivités), qui incite les journalistes et leurs employeurs à consacrer une partie de leur temps à cette mission.
Pour ce faire, le principe de la rémunération du journaliste dans ce cadre doit être la règle, soit sur la base de détachements, soit sous la forme d’une rémunération par le biais d’un fonds mutualisé, pour les journalistes rémunérés à la pige.
Le SNJ préconise la mise en œuvre de cursus de formation financés, permettant la construction et diffusion de divers matériels pédagogiques, selon les publics visés.
Le SNJ réclame le fléchage d’un budget spécifique à l’éducation aux médias par le ministère de la Culture.
———————————–
Syndicat national des journalistes, 33 rue du Louvre, 75002 Paris – www.snj.fr – Mail : snj@snj.fr – Tél : 01-42-36-84-23 Facebook : SyndicatNationalJournalistes – Twitter : @SNJ_national – Instagram : snj_national_journalistes –