EPISODE 6 DE L’ODYSSEE REUNIONNAISE: A la découverte du métier de pêcheur
Le 23 décembre 2024, Steven Atyasse connait le cauchemar du pêcheur. Alors qu’il est seul sur son bateau, affairé à préparer ses lignes de pêche, une déferlante qu’il ne voit pas arriver soulève soudainement son embarcation. Le bateau tangue et, en l’espace d’une demie seconde, le pêcheur se retrouve projeté en mer, seul. Le peu de bateaux sortis ce jour la ne lui permettra pas de compter sur un sauvetage. Personne ne l’a vu tomber, alors, il ne peut compter que sur lui-même. Dans sa chute, Steven est arrivé à se raccrocher au rebord du bateau. Il lutte, et parvient finalement à rassembler ses forces pour se hisser sur le pont. Il est sain et sauf, et pourra passer Noël en famille. Cette frayeur restera pourtant gravée à jamais dans sa mémoire.
Des histoires de pêcheurs, il en existe des milliers à La Réunion. Des joyeuses et parfois des malheureuses. Ce métier à risque se transmet encore pourtant de génération en génération. Comme la pièce d’un puzzle, la pêche s’inscrit irrémédiablement dans l’identité de cette île de l’océan Indien, tournée vers l’immensité du bleu et de ses ressources. Pour cet épisode de podcast, j’ai voulu comprendre à quoi pouvait ressembler le métier de pêcheur à La Réunion.
Pour cela, il me faut rencontrer un connaisseur. Quelqu’un qui baigne dans ce milieu depuis toujours. C’est le cas de Guylain Moutama, président de l’association des amodiataires du port de Saint-Gilles, qui travaille aussi à la réparation des bateaux. Le port de Saint-Gilles, c’est un peu comme sa deuxième maison. Tout naturellement, il me donne rendez-vous la bas.
La pêche a une place centrale à La Réunion
Historiquement, la pêche locale est organisée selon quatre classifications : la petite pêche, la pêche côtière, la pêche au large et la pêche au grand large. Mais alors, d’une pratique à l’autre, le métier n’a rien à voir. Je demande à Guylain de me faire un état des lieux des pratiques réunionnaises. » En fonction des années, la pêche a changé de catégorie. On parle plus de pêche côtière, c’est-à-dire ceux qui partent moins de vingt-quatre heures, et pêche hauturière, ce sont les palangriers qui partent depuis la Rivière-des-Galets. A Saint-Gilles, on va aussi avoir les pêcheurs professionnels, et ceux qui font du transport de passagers qui emmènent les touristes à la pêche au gros. «
Selon les chiffres de la Direction de la Mer Sud Océan Indien (DMSOI), en 2024, on comptait 1048 marins professionnels à La Réunion, et 240 navires de pêche. Pour comprendre les difficultés, mais aussi les joies du métier, je suis partie une journée en mer à bord de l’Edjaris, ou l’un de ces 240 navires de pêche. Steven et Benoit ont accepté de me montrer une journée type dans leur quotidien de pêcheur. Le départ se fait du port de Saint-Gilles à 7h30.
Après environ une heure de navigation, nous rejoignons le premier DCP (Dispositif de concentration de poissons). Benoit et Steven installent les cannes, puis après quelques minutes d’attente, un jeune marlin de 44 kg mord à l’hameçon. Le combat entre le pêcheur et le poisson commence. Après 45 minutes, le marlin est enfin remonté dans le bateau puis rangé dans la cale, la pêche peut continuer. Plus tard dans la matinée, Benoit et Steven passent à une autre technique, la pêche à la main et à la palangre verticale. Ils finiront la encore, par attraper un thon germon de 24 kg. Deux belles prises qui leur font dire que la pêche a été bonne.
Lorsqu’ils sont plusieurs sur le bateau, la pêche devient aussi un travail d’équipe. Car trouver du poisson ce n’est pas toujours simple. Depuis plusieurs années, de nombreuses associations environnementales alertent sur les pratiques de surpêche exercées dans certains pays. Certaines de ces techniques menacent la survie des espèces halieutiques, puisque ne laissent aucun répit à leur reproduction. Alors, j’ai voulu savoir ce qu’il en était à La Réunion. Guylain Moutama et Steven m’ont donné leur point de vue.
Des aides insuffisantes et inadaptées au quotidien des petits pêcheurs réunionnais
Alors, récupérer les miettes, parfois, ça ne suffit pas, et si la mer ne donne pas de poisson, certains de ces petits pêcheurs doivent mettre la clé sous la porte. C’est le cas de Benoit qui a dû arrêter son activité en 2023, vendre son bateau, et travailler pour Steven. J’ai demandé à Guylain ce qu’il pensait de la décision récente de la Région d’investir dans une entreprise de thonier-senneur, la SAPMER, à hauteur de 5 millions d’euros, alors même que certains petits pêcheurs peinent à joindre les deux bouts. Sa réponse est claire.
Depuis des années, Guylain Moutama a vu évoluer le métier de pêcheur, avec ses avantage, mais aussi ses contraintes. Il fait partie de ces métiers durs, pour lequel on ne compte pas ses heures, et on accepte de se plier aux règles de la nature. Cependant, derrière ces difficultés, c’est aussi une passion qui anime Steven et Benoit et qui les pousse à partir en mer chaque jour.
Sur son bras, Steven s’est tatoué un poème qu’il a lui même écrit pour décrire son lien avec la mer. « La pêche est un métier, mais surtout une passion, un style de vie. Nous sommes en harmonie avec l’océan. Nous apprenons à lire et à écouter. Elle nous berce et nous seconde. Nous lui demandons, lui prenons, et la remercions; L’océan nous permet de manger, et de s’évader. Elle me fait vivre, tout simplement. «
Reportage réalisé par Léa Morineau et Sarah Cortier
Podcast réalisé par Sarah Cortier
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