photo de la Une du Quotidien du 4 mai 1994 Julien et Léonne Ramsa gros lot loto le port

Les enfants du millionnaire demandent que l’argent et la justice leur soient rendus

Depuis 1994 et le jackpot au loto touché par Julien Ramsa, un Portois aux revenus très modestes, la famille se déchire et la fortune s’est volatilisée. Accusant deux des onze enfants du couple Ramsa, le reste de la famille demande justice et la levée des mesures tutélaires qui visent le patriarche et deux des frères. 

  • Aurélien Nancy Françoise Roselyne Ramsa Julien et Léonne Ramsa gros lot loto le port manifestation enfants et Le Cri du 974
  • Julien et Léonne Ramsa gros lot loto le port manifestation enfants et Le Cri du 974
  • La case de Julien Ramsa après que ses enfants aient nettoyé eux mêmes. Aurélien Nancy Françoise Roselyne Ramsa Julien et Léonne Ramsa gros lot loto le port manifestation enfants et Le Cri du 974

Quand, le 3 mai 1994, Julien Ramsa a gagné au Loto, on a cru au conte de fées. Pensez, un Portois de condition très modeste, père de onze enfants, qui subsistait en ramassant des bouteilles, emporte le gros lot, la deuxième plus grosse somme jamais gagnée au Loto national, 55 millions de francs de l’époque. Dans le même temps, à force d’interviews dans la presse locale et nationale, les moqueries fusent ; il déclare ne rien vouloir changer à son mode de vie, garder sa mobylette, que l’argent va lui permettre de réparer son portail, acheter quelques meubles et, quand il veut reprendre la collecte des chopines, ses anciens collègues lui jettent des pierres. Même Charlie Hebdo y était allé de son dessin humoristique. 

Du conte de fée, beaucoup prophétisent que le gros lot de Julien Ramsa va attiser les convoitises, attirer les margoulins de tout poil, susciter les jalousies mortifères. Et c’est ce qu’il s’est passé.

Comptes en banque à sec

Trente ans plus tard, l’homme n’a plus rien, ou presque. Ses comptes en banque sont vides, il a été placé sous tutelle ainsi que deux de ses enfants, son épouse est décédée après avoir divorcé ; jeudi 13 février, trois de ses enfants convoqués par le juge des tutelles manifestaient avec le collectif Le Cri du 974 (Collectif pour la Réparation des Injustices à la Réunion) devant le tribunal d’instance de Saint-Paul pour dénoncer l’attitude des autorités et de la Croix Rouge, le tuteur désigné.

Le Collectif entendait « dénoncer les manquements de l’organisme tutélaire : manque d’argent au quotidien, maltraitance, opacité de gestion, absence d’inventaire, menace de vente des biens familiaux, soupçons avérés de détournements de fonds, etc. »

Puis, pour le symbole, les manifestants sont allés au Port, faire sauter les cadenas d’une maison achetée par Julien Ramsa, une maison dont il n’a pas la jouissance ni l’usufruit. Une belle maison de standing que nous avions connue il y a quelques années, quand Valérie Aubert, femme politique du Port, en avait fait son QG de campagne. « La maison a été louée pendant 18 ans la somme ridicule de 400 euros par mois », dénonce Josian You-Chak, l’un des porte-parole du Cri du 974. « Elle est inabitée depuis trois ans, les impôts ne sont pas payés », poursuit-il, y voyant, sinon une manœuvre pour déposséder Julien Ramsa, le signe d’une mauvaise gestion de son patrimoine.

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Des affaires de malversations d’organismes tutélaires, la parole populaire en regorge. Certains cas sont avérés, comme celui de la Croix Marine, suspendue pour des soupçons de malversations puis liquidée. Pour Roselyne, Nancy, Françoise et Aurélien, enfants et petite-fille de Julien Ramsa, la gestion de la Croix Rouge aussi est suspecte. « Notre père ne reçoit que 70 euros par semaine pour vivre, notre frère également sous tutelle 50 euros », soulignent les enfants Ramsa. Qui ajoutent qu’il a fallu un an et demi pour obtenir un nouveau dentier, que Julien Ramsa a vécu dans la saleté alors qu’il aurait été facile de payer une aide ménagère, et autres conditions de vie incroyables pour un multi-milionnaire.

Profit des banques et assurances

Le Cri du 974 en appelle aux autorités. « Après la liquidation de la Croix Marine, pourquoi personne n’est poursuivie en justice ? », s’indigne Josian You-Chak. « Deux des sœurs vont s’ingénier à piller la fortune familiale », poursuit le porte-parole. « L’une d’elles devient la maitresse d’un conseiller bancaire et de nombreux comptes en banque et assurances vies sont créés, au profit des banques et assurances. Et c’est quand le reste des enfants s’en inquiètent que Julien Ramsa sera placé sous curatelle puis sous tutelle. » Et de pointer des plaintes restées sans suite et de graves manquements de la justice.

Les règles concernant les majeurs protégés ne seraient pas respectées. « Les décisions doivent être renouvelées tous les cinq ans. Elles l’ont été sans que le reste de la famille soit mise au courant. Nous avons pu voir une pleine page de relevés de compte sur laquelle tous les chèques émis ne portent qu’un seul et même numéro, le 999 999. Nous avons également lu plusieurs courriers d’une compagnie d’assurance qui fait état, à propos d’assurances vie, du décès de Julien Ramsa qui, à 85 ans, est encore aujourd’hui bien vivant. 

Aujourd’hui, la totalité des avoirs du patriarche représente moins de 10 000 euros répartis sur deux comptes en banque. Françoise, Roselyne et Aurélien assurent qu’ils n’ont pas accès aux sommes que leur avait distribué leur père. Ils demandent l’annulation des mesures de protection de tutelle sur Julien, Jean-Marc et Sylvestre et que le dossier soit transféré à la Deets (Direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) et qu’une commission de réparation soit mise en place. Les membres du Cri 974 demandent en outre que la CDAD (Comité départemental d’accès au droit) puisse enfin être dotée de personnel et travailler. « Ici, cet organisme est une coquille vide. Comme en Martinique quand Médiapart l’a dénoncé et remarqué que la situation était un élément propice à la corruption. »

Nous avons sollicité le service des tutelles de la Croix Rouge, sans résultat. Nous vous renvoyons vers le site de nos confrères de Zinfos974 qui, eux, ont eu plus de chance, sans pour autant qu’aucun des points litigieux ne soient expliqués par l’institution tutélaire. 

Philippe Nanpon

Photo de Une du Quotidien du 4 mai 1994

Loto, argent, justice

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.

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