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Chikungunya : le vaccin gratuit pour les plus fragiles

Un vaccin contre le chikungunya existe mais il n’était pas remboursé jusqu’alors. Enfin, la Haute autorité de santé a admis qu’il pourrait servir contre l’épidémie en cours à La Réunion et en a commandé 40 000 doses pour les distribuer gratuitement en priorité pour les personnes les plus fragiles. 

« La semaine du 24 février au 2 mars 2025, marque une augmentation significative du nombre de cas de chikungunya : 1 766 nouveaux cas ont été enregistrés. Ce qui représente une hausse de 18% par rapport à la semaine précédente », indique l’ARS dans son bulletin hebdomadaire. L’épidémie de chikungunya en cours est-elle en train d’échapper au contrôle des autorités sanitaires ? 

C’est en tout cas le moment où, enfin, la Haute autorité de santé (HAS) s’est prononcée pour distribuer le vaccin gratuitement aux personnes à risque. C’est-à-dire « les personnes âgées de 65 ans et plus, notamment celles avec des comorbidités (hypertension artérielle, diabète, maladies cardiovasculaires, respiratoires, rénales, hépatiques et neurovasculaires) ainsi que les personnes âgées de 18 à 64 ans avec comorbidités ». Dans un second temps, les personnels chargés de la lutte antivectorielle seront eux aussi vaccinés. De quoi protéger les plus fragiles, pas encore de quoi enrayer l’épidémie tant qu’on n’envisage pas de proposer le vaccin à l’ensemble de la population. 

Une fois dans sa vie

Plus de 5 000 cas ont été recensés depuis le début de l’année. Dont quelque 3 500 les deux dernières semaines de février. Dix-sept à vingt pour cent de la population jouissent encore de l’immunité d’après l’épidémie de 2006 ; le chik, c’est comme la varicelle, on ne peut l’avoir qu’une fois dans sa vie. On est encore loin de l’immunité collective, même en considérant les dix à quarante pour cent – vingt-cinq selon une autre source – de cas asymptomatiques. Quand bien même peu de malades se font tester et sont donc relativement peu à être comptabilisés. « Le nombre de malades est probablement double ou triple », reconnait Xavier Deparis, directeur de la Veille et de la Sécurité Sanitaires, Santé et Milieux de Vie à l’ARS La Réunion.

De notre côté, nous pensons que c’est encore bien plus, parce qu’il n’existe pas de traitement autre que symptomatique, et donc on ne va pas voir son médecin tant on est persuadé qu’il ne pourra rien pour nous. Et qu’un cas avéré va faire venir les équipes de démoustication dans le quartier, qui ne sont pas toujours bien accueillies à cause des produits insecticides employés. Beaucoup de Réunionnais, en effet, refusent que les biocides soient épandus dans leur jardin et gardent le barreau fermé aux équipes de l’ARS.

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Dans un premier temps, le vaccin est réservé aux plus de 65 ans. (Photo d’illustration)

Il y a un mois et demi, Parallèle Sud recommandait l’usage de ce vaccin, le vaccin Ixchiq développé par le laboratoire Valneva. Un vaccin disponible en petite quantité  dans les pharmacies de l’île – quelques dizaines – et pas remboursé par la Sécurité sociale, qui s’est arraché malgré les 150 à 300 euros à débourser, notamment dans les quartiers les plus touchés au début de l’épidémie. Un vaccin réservé aux plus de 18 ans, déconseillé aux femmes enceintes et aux personnes immunodéprimées mais qui affiche 98,2 % de réponse immunitaire. Un vaccin dit vivant atténué avec peu d’effets secondaires.

Niveau 4

Pour en savoir plus, nous avons contacté l’ARS et son directeur de la Veille et de la Sécurité Sanitaires, Xavier Deparis.  A bon nombre de questions, nous sommes resté dans un premier temps sur notre faim. « Un  certain nombre de doses seront disponibles », indique Xavier Deparis. Manifestement, elles sont en quantités peu importantes sur le marché. L’ARS Réunion « préempte » mais ne sait pas encore de combien de doses elle pourra disposer. Il faut dire que le laboratoire Valneva est une petite structure, que l’autorisation de mise sur le marché par l’Union Européenne ne date que de juin 2024, et que le chikungunya est une maladie largement répandue.  D’ailleurs, nous indique Xavier Deparis, la souche en circulation actuellement à La Réunion n’est pas la mutation de 2006. « La souche qui nous intéresse aujourd’hui vient du Cameroun, est arrivée par un voyageur, et est beaucoup moins virulente que celle d’il y a près de vingt ans », rassure-t-il.

A savoir quand arrivera ce vaccin, « ça prendra le temps qu’il faudra » indique le directeur de l’ARS, pointant « des problèmes de logistique, de transport, de douane… »

Deux jours après notre entretien, le vendredi 14, avait lieu une conférence de presse de l’ARS avec des informations toutes récentes. D’après notre confrère Imaz Press, l’île passe au niveau 4 du plan Orsec qui en compte 5. « Ce niveau 4 signifie une mobilisation générale de l’ensemble des acteurs publics, des services de l’État aux communes, dans le but d’endiguer cette épidémie. Le directeur de l’ARS Gérard Cotellon a également annoncé que le lancement d’une campagne de vaccination va débuter à la mi-avril, avec 40.000 doses destinées à des publics cibles », nous apprend Imaz Press.

Entretien motivationnel

Un autre vaccin, le Bavarian Nordik, encore plus récent, a obtenu son autorisation de mise sur le marché le mois dernier, en février. Il pourrait également permettre de vacciner les Réunionnais. « Ce n’est pas un virus atténué, la partie virale est une chimère reconstruite qui permet de fabriquer des anticorps de la même manière. Pour autant, il est mieux toléré et pourrait être administré aux femmes enceintes et aux personnes immunodéprimées », explique le professeur Deparis. 

Par ailleurs, les équipes du CHU et de l’université de La Réunion se mobilisent pour élaborer un protocole de recherche structuré en deux volets :

Une étude d’efficacité et d’immunogénicité du vaccin, menée auprès des populations vulnérables (+ de 60 ans et adultes de plus de 18 ans avec comorbidités). Son objectif est d’évaluer l’efficacité vaccinale (EV) à six mois et de mesurer sa capacité à prévenir l’apparition de cas confirmés de chikungunya en phase épidémique. 

Une étude d’acceptabilité du vaccin, sous forme d’entretiens qualitatifs, visant à suivre l’évolution de l’acceptabilité vaccinale contre le chikungunya à La Réunion durant l’épidémie, à analyser les facteurs influençant l’hésitation vaccinale et à évaluer l’efficacité d’une intervention de type entretien motivationnel pour favoriser la vaccination. 

« Ces projets répondent aux attentes de la communauté médicale et scientifique ainsi que des décideurs publics. Les résultats de ces études pourraient constituer une référence précieuse pour la gestion des futures épidémies », indique de son côté Jean-Pierre Chabriat, conseiller régional. « La collectivité régionale soutient cette démarche. Le CHU a sollicité un fonds d’amorçage du projet de 500 k€ à la Région (250 k€) et à l’ARS (250k€) », ajoute-t-il.

Pourquoi des études quand on sait que le vaccin est efficace à 98,2 % ? « Il faut vérifier le décalage entre les résultats du labo et ceux du terrain », souligne Xavier Deparis. On ne sait si un test sera demandé avant le vaccin pour s’assurer que le patient n’est pas déjà immunisé. « Ça permettrait d’économiser des doses en effet, reconnait le professeur. En tout cas, il n’y a aucun risque à être vacciné quand on a déjà eu la maladie ».

Philippe Nanpon

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.

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