LIBRE EXPRESSION : LE JOURNAL DE PAUL HOARAU N°271
L’actualité internationale de la semaine passée est dominée par la mort du Pape le lundi de Pâques après une dernière rencontre la veille avec le Peuple. Cette mort a été, un peu, une surprise. Le monde entier, au-delà des catholiques, a marqué l’événement d’une façon singulière. On retiendra du Pape François son message inlassable pour la paix et la justice qui sont inséparables (ce qui rend la paix si difficile !) Dans cet ordre d’idée, on retiendra la place accordée aux pauvres, aux émigrés, aux victimes des guerres. Et l’on s’interroge sur l’empressement à être présents à ces funérailles, de chefs d’Etats éminents et nombreux, pas forcément porteurs de paix, par forcément sensibles à la doctrine politique de « l’Homme au centre ». Les entretiens improvisés au Vatican à cette occasion, notamment entre le Président Trump et le Président Zelensky, aboutiront-ils à une paix juste en Ukraine ?
Qui remplacera François ? C’est,sans doute, dans le cas d’un consistoire que les forces de l’Esprit et les calculs des Hommes sont à ce point mêlés. L’Esprit nous a fait la grâce de papes à la hauteur des événements à travers les bouleversements du Monde de notre temps.
Avec les prétentions des dirigeants Américains sur le Groëland, Chinois sur TaÏwan, Russes sur la Crimée, on se croit revenu au temps du congrès de Vienne et du traité de Paris (1814-1815).
L’actualité nationale est préoccupante. Des dizaines de prisons sont attaquées presqu’en même temps ; des crimes sont perpétrés jusque dans des collèges, un nombre impressionnant de plaintes sont déposées contre des pratiques injustifiables de la part d’éducateurs ; on assassine dans une mosquée ; on nous parle d’une fronde de cadres de l’armée. Comme si cela ne sufffisait pas , des catastrophes naturelles frappent les pays en France même, à Mayotte, à La Réunion, etc., entraînant des dégâts considérables et financièrement élevés.
Trois milliards sont chiffrés seulement pour Mayotte. Les sinistrés de la Réunion attendent l’exécution de promesses non encore tenues. En face, le Gouvernement doit trouver 40 Milliards d’économies pour éponger la dette, trouver autant de milliards pour participer à l’effort de l’Europe pour se défendre après le départ des Etats-Unis. Par-dessus tout cela, l’instabilité politique menace tous les jours l’existence du Gouvernement, des bruits de couloirs laissent entendre la possibilité d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée Nationale au mois de juillet. Toutes ces difficultés favorisent un mouvement de folie sur les réseaux sociaux, un fait sociétal non négligeable qui permet aux fausses nouvelles, au mensonges, au pire, de circuler en toute impunité, pour troubler les esprits, entretenir les haines, lancer les masses sur des pistes sans issue.
Ce qui est gravement préoccupant, c’est la perte de repères et l’affolement des individus qui s’accrochent à n’importe qui et à n’importe quoi. Nous assistons à une dispersion impressionnante des engagements à des hommes et à des organisations multiples qui se posent en sauveurs. Ce qui ne peut que favoriser la confusion.
Au milieu de cette situation chaotique au plan international et au plan national, quelle est la situation locale ? Nous prenons position sur les problèmes du Monde et de la Nation comme si notre position avait une importance, nous ne comptons pour rien Si nous ne pesons pas dans la Nation et dans le Monde, le pesons-nous dans les affaires de notre pays ? La réponse est nette : nous ne pesons pas davantage. Là, les choses deviennent graves, parce que les conséquences nous concernent directement. Depuis des années maintenant, nous les avons vues ces conséquences, défiler au fil des crises qui ont frappé le pays.
Le fait d’être une population anonyme, prise en charge et irresponsable, a diminué progressivement des filières de productions locales. Seulement cela a exclu de l’activité économique une proportion de la main d’oeuvre disponible (chômage) ; seulement cela a éliminé une classe de chefs locaux d’entreprises ; seulement cela a aggravé notre balance commerciale, augmenté le poids de l’assistance, poussé à l’exil forcé des Réunionnais qui n’avaient pas la vocation de vivre ailleurs. Dans ce contexte, la recherche est relativisée et la culture n‘apporte pas les ressources spirituelles, intellectuelles et manuelle qu’elle devrait et qu’elle peut, à la vie locale, à « la manière réunionnaise ».
Nous vivons ici dans un monde qui tient aux « transferts financiers ». Il y a quelques années (les choses se sont aggravées depuis) on comptait 6 milliards de transferts parisiens pour La Réunion et 6 milliards d’importation. Il ne faudrait pas, en montrant ce tableau, ignorer les Réunionnais qui, avec beaucoup de courage et de compétence maintiennent ou introduisent des filières, Ces producteurs Réunionnais se maintiennent par la force d’une volonté qu’il faut saluer, avec des accompagnements qu’il ne faut pas négliger, mais qui, aussi, hélas ! malgré cela, sont menacés.
Sans négliger nos engagements sur les affaires nationales et les affaires du Monde, nous devons prendre conscience de notre responsabilité dans les affaires de notre pays. La maîtrise de nos affaires sera notre contribution à la maîtrise des affaires du Monde en général parce qu’elle sera comme un exemple de ce que l’exercice des responsabilités particulières des peuples locaux peut apporter au changement global du Monde. De tels exemples existent déjà. Nous, Réunionnais, nous devrons, franchement, nous ranger dans leur camp.
Nous devrons sortir du discours selon lequel nous ne pouvons pas produire en biens et services, ce dont nous avons besoin, du discours selon lequel « l’étroitesse du marché local » nous empêche de nourrir cette ambition (alors que nous ne produisons même pas pas ce que nous pourrions). Nous devons sortir du discours selon lequel notre vie est totalement dépendante de la France parce qu’elle paie et que « celui qui paie, c’est celui qui commande ». Cette vision de notre relation avec la France mérite ce qui est à l’ordre du jour : la refondation.
A cet effet, il est capital que les Réunionnais sortent de cet anonymat, de cette prise en charge et de cette irresponsabilité non seulement à l’intérieur de la Nation mais partout. Il nous faut prendre conscience que, de fait, nous sommes un peuple identifiable, présent et responsable de son développement. Nous ne serions plus dépendants du pouvoir central parisien, mais partenaires.
Cette refondation, compte tenu des deux siècles d’uniformité jacobine, doit être formulée par nous, d’où les FONDAMENTAUX. Cette formulation des FONDAMENTAUX doit être l’affaire des Réunionnais autour d’une même table : des Réunionnais de toutes les origines, de toutes les religions, de toutes les classes sociales, de tous les partis politiques, de toutes les organisations professionnelles, de toutes les associations, de toutes les familles, de tous les acteurs de terrain. Cette formulation des FONDAMENTAUX, on le comprendra, devra être validée par un référendum local, un acte politique institutionnel, constitutionnel du « peuple souverain Réunionnais » s’agissant de La Réunion, au sein de la Nation..
Lorsque, au-delà des différences et des oppositions, les Réunionnais auront validé par un référendum local leurs FONDAMENTAUX, ils pourront dialoguer mieux qu’aujourd’hui. La tendance actuelle d’un Réunionnais qui veut avoir de l’audience est de chercher un parrain « métropolitain » (parti, organisation, personnalité). La voie de la refondation sera de pouvoir s’appuyer sur les FONDAMENTAUX réunionnais pour apporter à la relation « métropolitaine » une introduction dans le monde local. Un mouvement national à La Réunion doit être Réunionnais.
Le Projet des FONDAMENTAUX va circuler bientôt pour que chacun puisse apporter ses observations, sa pierre, ses corrections à l’occasion de rencontres, de « réunions-café » (cinq à dix personnes). Le texte définitif, revu par des spécialistes (pour la forme), sera présenté à la prochaine « réunion locale » (dans un lieu public où le peuple est chez lui). Ce texte arrêté à la prochaine « réunion locale » sera signé (en même temps que le texte demandant la tenue du référendum) par au moins mille personnes, à l’occasion d’une ultime réunion publique avant le référendum.
L’heure est venue pour les publics des colloques de l’Université, des états généraux des collectivités, des associations particulières, de se retrouver ensemble – comme membres d’un même peuple – pour rédiger, signer et voter LES FONDAMENTAUX. A la vitesse qu’il faudra, sans folle précipitation, occupons-nous de nous sérieusement, faisons appel à nos ressources, nous en avons, soyons ensemble pour faire ensemble..
Paul Hoarau
Refondation : un appel à la responsabilité réunionnaise
Face aux crises mondiales, nationales et locales, Paul Hoarau plaide pour une refondation réunionnaise. Il appelle les citoyens à sortir de l’anonymat, à s’unir autour de principes communs – les FONDAMENTAUX – et à reprendre collectivement en main leur avenir, dans une démarche responsable et démocratique.
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