Les souvenirs de Mami Gigi : Tchernobyl (1986) et Le rapport Desgraupes

LIBRE EXPRESSION

Rapidement après son élection en 1981, Mitterrand a commandé une étude assez peu connue dont il a confié la mission à un groupe de scientifiques et médecins. Il s’agissait de faire un état des lieux sur la radioactivité en France. J’ai réussi à me procurer ce rapport par le biais de Michelle Rivasi, vu que j’avais adhéré à la CRIIRAD par dépit, quand j’eus constaté les dégâts que le nuage de Tchernobyl avait fait sur mes rosiers. Ils furent brusquement grillés par l’oïdium, et je n’ai rien pu faire pour les sauver !

J’eus la bonne idée de prendre quelques notes en lisant ce document, dont je vous livre mon résumé :

Première surprise ! La commission n’a pas pu pénétrer sur la plupart des sites de centrales nucléaires pour faire les mesures prévues et a dû se contenter des chiffres que l’on voulait bien lui fournir. « Ce sont des mesures que l’on prend tous les jours ici ! Voici nos tableaux, on vous les offre ! Sympa, non ! »

Mon père, lui, il n’a pas eu de problème pour entrer ! Il a bossé dans une centrale pendant une semaine avec une boite d’intérim. Il a dit qu’il ne voulait pas y retourner. On l’avait fait souder dans des gros tuyaux et comme il est un peu claustrophobe, ça l’a pas fait. 

Surtout, il se prenait des étincelles plein la tronche. Je lui ai demandé s’il y avait eu des précautions particulières, si on lui avait mesuré sa radio activité avant et après le travail, il m’a dit que non. Ce qui l’a le plus frappé, c’est la présence d’un savant qui prenait la navette avec les ouvriers le matin, qui portait toujours un petit arrosoir, et récitait des prières en math. Il était encadré par deux individus qui prenaient des notes. Comme dans une bande dessinée ! avait précisé mon Dady.

Pour ce qui est du rapport Desgraupes, je n’étais pas au bout des surprises ! Concernant Besançon, toutes les boites d’horlogeries qui n’avaient pas encore mis la clé sous la porte se devaient de fabriquer des quadrants lumineux. Montres, horloges, réveils, étaient patiemment marqués de traits et de chiffres fluorescents. J’imagine Anne, ma copine de troisième, qui bosse maintenant dans une fabrique de réveils matin, mouiller de sa salive un petit pinceau et le tremper dans l’encrier de soupe radio active…

Tiens ! Quelque chose comme deux kilos de cette matière s’est volatilisé dans le quartier que j’habite aujourd’hui, justement. Un stock beaucoup plus important a disparu, lui, dans la plaine de Thise, pas loin du Doubs. La commission gouvernementale n’a pas pu faire une liste exhaustive des stocks non utilisés car la plupart des usines avaient déjà fermé quand les enquêteurs sont arrivés sur le terrain. Locaux à l’abandon parfois ou revendu et réaménagés depuis belle lurette. Mais le plus encombrant reste les déchets miniers faiblement radioactifs.

Des millions de tonnes dont on ne sait quoi faire…alors on s’en est servi comme remblais pour des routes et surtout des autoroutes mais aussi des hôpitaux et des écoles. Par acquis de conscience, la commission Desgraupes a fait des prélèvements dans les eaux deruissellement d’une autoroute qui se transformaient en un petit ruisseau à un endroit. Ce n’est vraiment pas de bol ! La radio activité pourtant bien diluée au départ, savamment patassée avec de la terre et des gravas, se reconcentre dans l’eau ! C’est ballot. aussi, ils ont un estomac ! Bon sang de bonsoir ! »

Gigi

NDLR : Ces textes, tendrement ou violemment écologistes, sont extraits d’un livre pour lequel Gigi cherche un éditeur.