Expédition botanique et maronage dans les hauts de Salazie avec Rémi-Paul Grondin

Expédition sur les traces des plantes rares et des marons dans les hauts de Salazie

Première journée d’une expédition de trois jours avec Rémi‑Paul Grondin, botaniste et passionné de maronage au coeur d’une forêt inexplorée dans les hauts de Salazie.

« A priori, c’est un endroit où personne n’a jamais mis le pied »… Rémi-Paul Grondin fait pourtant partie de ces botanistes farfouilleurs de forêt, découvreurs de plantes rares censés avoir tout exploré. Sur sa carte professionnelle, le territoire de La Réunion est quadrillé en mailles d’un kilomètre sur un kilomètre. Et l’une d’entre elles se trouve vierge de toute donnée. 

C’est celle-ci qu’il nous a proposé de visiter en sa compagnie et celle d’un ami. Tous trois, nous sommes partis à sa découverte. Il est 5 h du matin, ce vendredi 11 juillet et nous voilà partis sur le sentier de la source Manouilh dans les hauts de Salazie. Le but ? Évaluer la biodiversité dans des zones quasi inaccessibles et réveiller la mémoire du maronage.

Expédition botanique et maronage dans les hauts de Salazie avec Rémi-Paul Grondin
Vue sur le royaume des marons de Salazie. Photo : Rémi-Paul Grondin

Il nous explique qu’il va falloir franchir quelques crêtes, traverser des pierriers et des ravines encaissées pour atteindre un affluent de la Rivière du Mât, où l’on posera le camp. Il a comme nous en tête la carte du maronage dressée par Charlotte Rabesahala et Jean-Cyrille Notter sur laquelle se dessine le « royaume des marons ». Le secteur que nous approchons y est marqué d’un pictogramme en forme d’épis de maïs et dénommé « bemaho ».

Sur la trace d’un pêcheur d’anguille

Expédition botanique et maronage dans les hauts de Salazie avec Rémi-Paul Grondin
Pluie sur les pierriers.
Expédition botanique et maronage dans les hauts de Salazie avec Rémi-Paul Grondin
Le beau temps réapparaît lorsque nous traçons au coeur de la forêt vierge.

Justement là-haut, après les pierriers, les ravines, les remparts et les percées dans la végétation d’une forêt de bois de nèfles, un plateau est couvert de mahots. Deux siècles avant nous, les marons ont-ils remonté les rivières pour s’y installer ?

S’ils l’ont fait, ils devaient être sacrément forts. Car, nous, nous peinons à tracer notre piste. Pendant les premières heures, nous progressons sous la pluie. Sans le GPS, nous serions perdus bien vite. Et il va nous falloir des cordes pour franchir les obstacles les plus abrupts.

Rémi-Paul pense qu’aujourd’hui, seuls des pêcheurs intrépides d’anguilles et de chevaquines, s’aventurent dans le coin. Sur la première partie du parcours, jusqu’à atteindre la rivière, on remarque quelques coups de sabre qui marquent la piste, et même une ou deux rubalises. Mais personne, selon lui, ne va plus haut, sur le plateau en contrebas des falaises du Piton des Neiges.

Des milieux extraordinaires

D’ailleurs il ne connaît qu’un autre botaniste, travaillant comme lui pour le Conservatoire de Mascarin, qui soit capable et motivé pour exercer ce type de terrain. « C’est un métier qui demande une très bonne condition physique, il faut être à 100% de ses moyens », souligne-t-il.

Le soleil fait son apparition en fin de matinée. Malgré les glissades et la difficulté de la progression, Rémi-Paul observe à 360° autour de lui. Il dégaine son calepin et son stylo. Heureux, il vient de découvrir une fougère en danger critique d’extinction sur la liste rouge de l’UICN. Il lui donne son nom latin, Pteris craesus. Nous retiendrons qu’elle s’appelle Crésus. Rémi‑Paul s’inscrit dans la lignée de Thérésien Cadet — pionnier de la botanique réunionnaise — dont les travaux ont lancé la « phyto-sociologie » sur l’île.

Expédition botanique et maronage dans les hauts de Salazie avec Rémi-Paul Grondin
La fameuse fougère Crésus. Photo : Rémi-Paul Grondin
Expédition botanique et maronage dans les hauts de Salazie avec Rémi-Paul Grondin
Suintement d’eau ferrugineuse. Photo : Rémi-Paul Grondin

« On est arrivé dans des milieux qui sont absolument extraordinaires. Ils n’ont pas été touchés par l’homme », se réjouit-il. Quant à d’éventuelles traces de maronage… nous sortons bredouille du périple. Rémi-Paul a déjà rempli des carnets de traces physiques de maronage au cours de ses explorations. Il a même animé récemment une conférence sur le sujet. Mais, là, il doit convenir que nous nous sommes peut-être aventurés en des lieux trop ingrats pour une occupation humaine. Mais le passage de marons sur les rives de la rivière demeure complètement « plausible ». Mais « même si on trouvait des traces comme des murets de pierres, on ne saura jamais si c’était le marron, le petit blanc, le chasseur, le pêcheur…  C’est toujours un grand mystère. »

Du cresson au dîner

Ce qui ne nous empêchera pas de continuer à chercher demain des signes de maronage, pour le deuxième jour de notre expédition. 

Sur les bords de la rivière, nous tendons les bâches, accrochons les hamacs alors que les derniers rayons du soleil caressent les remparts. Nous tentons de remonter le lit jusqu’à la grande cascade que nous apercevons au loin. Les rochers sont glissants, les versants présentent des dévers infranchissables à pied et il nous faut renoncer.

La nuit tombe, je prépare le feu. Photo : Rémi-Paul Grondin
Expédition botanique et maronage dans les hauts de Salazie avec Rémi-Paul Grondin
Hamacs sous bâches. Photo : Rémi-Paul Grondin
Expédition botanique et maronage dans les hauts de Salazie avec Rémi-Paul Grondin
L’arroseur arrosé. Photo : Rémi-Paul Grondin
Expédition botanique et maronage dans les hauts de Salazie avec Rémi-Paul Grondin
La nuit sera froide. Photo : Rémi-Paul Grondin

Nous avons tout de même rencontré quelques plantes rares et un suintement ocre, typique des sources d’eau chaude de ce secteur. L’eau qui s’en écoule est un peu moins glacée que celle de la rivière. « La couleur est due à l’oxyde de fer mais je ne peux pas en dire plus, c’est le domaine des géologues. Chacun sa spécialité », sourit Rémi-Paul. Il vient de repérer du cresson sauvage au bord de l’eau. Nous nous en régalons, ça égaiera les patates braisées du dîner. La lune est ronde et l’air bien frais.

Franck Cellier

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A propos de l'auteur

Franck Cellier

Journaliste d’investigation, Franck Cellier a passé trente ans de sa carrière au Quotidien de la Réunion après un court passage au journal Témoignages à ses débuts. Ses reportages l’ont amené dans l’ensemble des îles de l’océan Indien ainsi que dans tous les recoins de La Réunion. Il porte un regard critique et pointu sur la politique et la société réunionnaise. Très attaché à la liberté d’expression et à l’indépendance, il entend défendre avec force ces valeurs au sein d’un média engagé et solidaire, Parallèle Sud.

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