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Voulons-nous la refondation ? Un problème national présent au congrès des régions

LIBRE EXPRESSION : JOURNAL DE PAUL HOARAU N° 278 – LUNDI 17 NOVEMBRE 2025

A l’international, l’attention du monde entier était tournée sur la bande de Gaza. Le Président des États-Unis avait réussi à concentrer les chancelleries et les peuples sur son plan en vingt points pour la paix à Gaza. Le premier point étant le retour au pays des otages israéliens, en contre-partie de la libération des prisonniers palestiniens. Pour les otages vivants, les choses ont été accomplies. Il y a eu problème à propos du nombre d’otages morts. A la faveur du cessez-le-feu qui accompagnait ce premier point du plan Trump, des milliers de Palestiniens sont remontés vers Gaza pour retrouver les ruines de leur maison, de leur immeuble, de leur logement. Les bombardements continuent.

Le deuxième point du plan a posé problème. Il s’agit du retrait de l’armée israélienne d’une partie de la bande de Gaza et du désarmement du Hamas. « L’organisation terroriste » réagit, demande de négocier. Mais les principaux pays arabes appuient le plan et font pression sur le Hamas. Le président Trump dit, toujours à sa manière, de son bureau de Washington : « le Hamas se désarmera parce qu’il lui a dit qu’il le fera ; s’il ne se désarme pas, lui et son ami Nétanyahou le désarmeront. » Le contexte géopolitique du Moyen Orient, la lassitude de la guerre tant des peuples palestinien qu’israélien, la détermination du Président américain, feront-ils que le deuxième point du plan s’accomplira ? La contre-partie de ce désarmement sera, selon le plan, le renforcement de « l’autorité palestinienne », prélude probable de la reconnaissance d’un État Palestinien (que le président Trump devra en quelque sorte imposer à son ami Netanyahou).

A l’international encore, un sujet qui devrait nous concerner plus directement, Madagascar. Le mauvais fonctionnement d’un régime, surtout quand il prétend être démocratique, finit toujours mal. En démocratie, l’absence du peuple comme souverain est une carence. A Madagascar, me semble-t-il, le peuple a manifesté son mécontentement, il n’a pas manifesté son pouvoir. Un pouvoir transitoire est passé aux mains des militaires.

Au national, la crise du régime qui ne paralyse pas la vie du pays autant que certains le pensent et le voudraient, est surtout une crise culturelle. Le Peuple Français est en train de sortir de l’uniformité qui pose la solution de la majorité d’un parti comme règle de la gouvernance. Quand aucun parti n’a de majorité, la machine politique s’enraye. En démocratie, la solution de la gouvernance c’est le dialogue entre les composantes diverses du peuple et de ses représentants, pour trouver des solutions collectives. Cette démocratie du dialogue se pratique au niveau de nos Conseils Municipaux. Si au niveau national, la France ne sort pas de la souveraineté de l’uniformité partisane, elle sera toujours déchirée entre la volonté du « profit d’abord » et « la volonté du peuple » selon les alternances. Cela ne se traduira pas seulement par l’instabilité inévitable des gouvernements, mais par l’instabilité plus radicale des Républiques (nous en comptons cinq en moins de trois siècles et l’on nous parle d’une sixième).

Plus que de dissolution, de destitution, d’élection présidentielle anticipée, le Parlement et le Gouvernement devront trouver un budget acceptable pour 2026. En cas de dissolution, aucune élection législative ne donnera la majorité absolue à un parti. En cas de destitution, aucun candidat dans l’improvisation d’une élection présidentielle anticipée ne paraît prêt. En un mot, la situation sera pratiquement la même qu’aujourd’hui. Entre Monsieur Bayerou et Monsieur Lecornu, le problème de la dette et celui des moyens de le régler évoluent. C’est cela qui importe.

Ces préoccupations internationales et nationales ne doivent pas nous faire oublier nos responsabilités locales. Collectivement, pensons-nous qu’il faudrait un PROJET REUNIONNAIS par, avec et pour les Réunionnais ? Pensons-nous que ce projet fait défaut ? Voulons-nous un pouvoir politique local responsable, partenaire du pouvoir politique national ? Est-il important de nous reconnaître nous-mêmes comme peuple (ce que nous sommes), important que nous soyons reconnus par la nation ? On a tellement réussi à nous convaincre que nous ne sommes pas un peuple, que c’est seulement maintenant que les conséquences de ce déni commencent à apparaître.

Être peuple n’est pas une revendication idéologique, mais une réalité. Être peuple signifie, entre autres choses, en économie par exemple, que nous passions du logiciel « assistance » au logiciel « production ». Aujourd’hui, « la solidarité nationale » nous sert de plus en plus à alimenter directement notre pouvoir d’achat pour payer l’importation de ce dont nous avons besoin, que nous ne produisons plus. Dans la refondation, « la solidarité nationale » nous servira davantage à produire localement pour payer ce que nous produirons, à produire localement pour exporter, exporter pour payer ce que nous ne pouvons pas produire et que nous devrons importer. L’uniformité d’un Peuple Français unique à l’échelle de la nation est, en effet, la mort de la diversité des peuples qui composent celle-ci (la situation des Alsaciens n’est pas la situation des Guyanais, encore moins la situation des Mahorais). Économiquement, la situation du négociant « mondialiste » de Paris n’est pas comparable à celle du producteur ou du négociant de la Réunion. Les mettre en concurrence à égalité, dans le cadre d’un « libre échange », au nom de la liberté, c’est mettre le renard parisien dans le poulailler réunionnais, c’est contester le devoir et le droit de subsidiarité du Réunionnais, c’est la marginalisation de l’acteur Réunionnais, la croissance du chômage et de l’assistance, c’est la disparition des filières réunionnaises. Ces effets économiques, mais aussi les effets culturels et politiques, commencent à être ressentis ici et dans l’ensemble de la nation, « hexagonale » et « ultramarine ». Le dernier congrès des Régions, placé sous le signe de « territoires solides pour une France forte » et plus encore les discours prononcés sur la nécessité de la décentralisation, de la responsabilité des politiques locales ont marqué sans doute la puissance de l’ancrage, encore aujourd’hui, dans « l’uniformité », mais aussi l’évolution des esprits vers la reconnaissance des peuples. Les évolutions statutaires des « vieilles colonies » et de Tahiti et ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie et en Corse confirment cette tendance. Il n’est pas vrai que La Réunion est en dehors de ce mouvement. Mais La Réunion est prudente.

Si nous voulons faire peuple, on aura compris que notre premier effort doit porter sur nous-mêmes : nous reconnaître nous-mêmes, peuple ; nous faire reconnaître peuple dans la Nation, dans l’Union Européenne, dans l’Indianocéanie, dans la communauté internationale. Si les Réunionnaises et les Réunionnais ne veulent pas de Refondation, il n’y aura pas de Refondation conduite par eux. Mais il y aura du changement, un changement conduit par des responsables qui ne seront pas eux : un changement parisien (le parisianisme) si les choses restent françaises ou un changement différent. Le schéma est classique.

Mais si les Réunionnaises et les Réunionnais veulent la Refondation (passer de l’anonymat et de l’irresponsabilité d’une population à l’état d’un peuple identifié et responsable), il y a des préalables. Le premier des préalables, on ne le dira jamais assez, c’est l’unité. Comment nous ferons-nous nous reconnaître peuple par les autres, si nous n’affichons pas nous-mêmes que nous en sommes un, si nous n’affichons pas notre unité sur notre identité collective de peuple (kisa nou lé), si nous n’affichons pas ce qui découle de cette reconnaissance : notre responsabilité et notre projet.

Compte tenu de notre Histoire, le contenu de cet affichage serait « Les Fondamentaux » que nous aurons rédigés ensemble, et la forme de cet affichage serait le Référendum local. Depuis sept ans maintenant, catégories de personnes et individus divers ont participé, dans le désordre, au travail pour trouver ensemble des « Fondamentaux » pour notre Peuple. Il est sorti de ce travail trois textes dont le texte des « Fondamentaux ». Le moment est venu d’organiser cette participation, d’organiser un travail démocratique du Peuple, le contraire d’un mouvement de masse conduit avec des slogans (voire des violences). L’organisation de la rédaction des « Fondamentaux » et du référendum local est un préalable du même niveau que l’unité. Elle s’impose. Les Réunionnaises et les Réunionnais la feront. À suivre !

Paul Hoarau

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