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Pas de brun dans le drapeau rasta

Quand une candidate d’extrême droite à la mairie de Saint-Denis appose sur son affiche la photo, le nom et la participation à son meeting de lancement de campagne du groupe de reggae Natty Dread, les rastas et musiciens voient rouge.

« Peace Love Unity ». Tout spectateur d’un concert de reggae a déjà entendu ce slogan qui représente les valeurs rasta, suivi le plus souvent d’un tonitruant « Rastafari ! ». Paix, amour et unité, l’exact opposé des idées de l’extrême droite. Alors, quand Gaëlle Lebon, candidate d’extrême droite à la mairie de Saint-Denis, appose sur son affiche de meeting le nom du groupe de reggae Natty Dread et la photo de son chanteur Jean-Marc Imira, toute la famille voit rouge, un peu moins jaune et vert, et pas du tout brun. 

Paix, amour, unité : les valeurs rasta.

Sur le réseau social Facebook, les échanges sont d’abord courtois. Natty Dread demande poliment à Gaëlle Lebon de retirer son nom de l’affiche. « Je souhaite rappeler que l’exploitation d’une œuvre musicale ou de l’image d’un artiste dans un cadre politique est strictement encadrée par le droit, et nécessite un accord explicite », indique Natty Dread sur sa page. « Tout a été validé avec la personne concernée présente sur l’affiche », se défend la candidate d’extrême droite. Un mensonge, puisqu’elle n’avait été en contact qu’avec une membre du groupe, une des choristes, qui manque un peu de discernement sinon de culture politique. Gaëlle Lebon affirme avoir un contrat, le bureau de l’association Natty Dread demande à ce qu’elle le présente, elle ne le présente pas.

« Nous avons été en contact avec elle toute la journée, nous avons demandé gentiment que notre nom soit retiré de l’affiche, ça a fini par des menaces », regrette Christine Imira que nous avons contactée. « Nous avons depuis trente ans cultivé une belle image, une image de justice, d’égalité, d’amour et de paix. Les rastas prônent l’humanité, ils acceptent la différence. Nous voulons une Réunion en paix, où les Noirs s’entendent avec les Blancs, où les Réunionnais s’entendent avec les Mahorais… Nous voulons être ensemble pour aller plus loin », poursuit Christine Imira.

Comment une candidate qui s’est présentée aux législatives de 2022 au nom du Rassemblement national, avant de découper sa carte d’adhérent trouvant le parti de Marine Le Pen trop mou, trop à gauche, et de rejoindre Eric Zemmour en 2024 toujours pour les législatives, a-t-elle pu penser que ce serait une bonne idée de programmer un groupe de reggae, notoirement rastafarien, sur la même scène qu’elle-même ? Comment si ce n’est pour attirer un public jeune, amateur de musique et pense-t-elle influençable ? 

Le procédé n’est pas nouveau. Donald Trump lui-même s’était attiré les foudre d’une liste considérable d’artistes (ABBA, Bruce Springsteen, Neil Young, les White Stripes, Céline Dion, les Rolling Stones, Beyoncé…) pour avoir utilisé le même procédé sans autorisation. « Ne pensez même pas à utiliser ma musique, bande de fascistes. Mes avocats vont intenter un procès à ce sujet », avait réagit Jack White des White Stripes. Natty Dread pense à faire de même. Quant à imaginer que Natty Dread réagirait sous influence d’Erika Barreight, faire croire que les gens ne pensent pas par eux-mêmes, la réthorique est habituelle à l’extrême droite.

Philippe Nanpon

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A propos de l'auteur

Philippe Nanpon

Reporter citoyen. Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud en tant que journaliste pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable. Depuis son départ à la retraite, il continue à contribuer bénévolement au média.

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