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Grandir à Mayotte : UNICEF alerte sur un territoire où l’enfance vacille après Chido

Un an après le passage du cyclone Chido, puis de la tempête Dikelédi, Mayotte peine encore à se relever. L’archipel, déjà fragilisé par la pauvreté, l’insécurité et des infrastructures sous-dimensionnées, a connu l’une des pires crises humanitaires de son histoire récente. Dans une nouvelle synthèse, l’UNICEF France dresse un constat sévère : les enfants mahorais, qui représentent un habitant sur deux, sont les premières victimes d’un cumul de crises sans précédent.

Un cyclone qui révèle un territoire vulnérable

Les habitants ont directement participé à la reconstruction de leur quartier à Labattoir.
Avant Chido, la vue depuis les hauts de Labattoir n’était pas aussi dégagée.

Lorsque Chido a frappé l’archipel le 14 décembre 2024 avec des rafales atteignant 226 km/h, plus d’un quart des habitations ont été détruites. L’hôpital de Mamoudzou, les stations de traitement de l’eau et des dizaines d’écoles ont été endommagés. Des milliers d’enfants ont perdu leur toit, leur accès à l’eau potable ou aux soins, basculant dans une précarité extrême.

Les associations locales – Croix-Rouge française, Mayotte A Soif, Fondation de France, World Central Kitchen – ont assuré l’essentiel de la réponse humanitaire. Mais l’UNICEF souligne une coordination institutionnelle insuffisante, et surtout, une préparation inexistante à un tel choc climatique. Au niveau de la réponse institutionnelle, on a surtout assisté à une multitude de textes législatifs qui ont principalement concerné les enjeux sécuritaires et migratoires ( « migrantisation » des problèmes de Mayotte déjà évoquée dans un article précédent). 

Enfants étrangers : l’insécurité juridique, un quotidien

Dans ce département français où 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, la crise humanitaire s’entremêle avec une crise migratoire et politique. De nombreux enfants nés à Mayotte de parents étrangers vivent sans statut clair, parfois privés d’accès aux droits fondamentaux.

Les nouvelles mesures législatives adoptées en 2025 renforcent ce flou juridique, durcissant les conditions d’accès à la nationalité et au séjour. L’UNICEF alerte sur un risque accru de marginalisation pour des milliers de mineurs.

Autre point noir : la persistance de l’enfermement administratif des enfants. En 2024, 1 860 mineurs ont été placés en rétention à Mayotte – quasiment la totalité des enfants enfermés en France. Une pratique « contraire à la CIDE » (Convention internationale des droits de l’enfant), rappelle l’organisation.

Éducation, santé, logement : les droits fondamentaux en crise

L’ONG terra psy intervient notamment auprès des mères et des enfants pour les aider à gérer les troubles post traumatiques liés au cyclone.
Des enfants vivant a l’intérieur de l’école revienne après être allé faire leur lessive a l’extérieur du camp près de la rivière.

Les destructions massives et la poursuite des opérations de démolition d’habitats informels ont laissé près de 50 000 personnes dont un nombre important d’enfants sans solution de relogement. Certains vivent désormais à la rue ou dans des abris temporaires saturés et inadaptés. L’UNICEF demande que le droit au relogement soit garanti sans condition. Nombreux sont ceux qui se sont retrouvés à devoir reconstruire des cases avec les tôles retrouvées dans les décombres après le passage du cyclone alors qu’un arrêté avait été pris seulement quelques semaines plus tard pour restreindre l’achat de tôles neuves aux professionnels et personnes munis d’un justificatif de domicile et d’identité.

Sur la question de la scolarité, le rapport rappelle que si avant Chido, entre 5 000 et 9 000 enfants n’étaient déjà pas scolarisés, le cyclone a endommagé près de 40 % des établissements scolaires, aggravant un retard éducatif déjà massif. Malgré un fonds d’amorçage de 100 millions d’euros, la reconstruction avance lentement. L’UNICEF réclame un observatoire de la non-scolarisation et la fin des refus d’inscription encore fréquents sur le territoire.

Le centre hospitalier de Mamoudzou, pilier du système de santé mahorais, a été submergé après Chido. Les risques épidémiques – gastro-entérites, typhoïde, chikungunya – ont explosé. Les équipes mobiles insuffisantes, la hausse des troubles psychologiques et l’augmentation des cas de malnutrition témoignent d’un système à bout de souffle. Des ONG comme Terra Psy sont intervenues sur l’archipel pour apporter un appui psy aux populations locales les plus isolées et notamment aux enfants. 

Des milliers d’enfants ont été privés d’eau pendant des semaines. Les bornes-fontaines monétiques, déjà insuffisantes, ont révélé leurs limites. Certaines distributions exigeant des papiers d’identité ont exclu des familles entières.  Sur ce volet là, on a assisté à une réponse d’urgence de la part de partenaires humanitaires tels que la Croix-Rouge et Solidarités internationale avec le déploiement de camions citernes et d’un dispositif de potabilisation de l’eau des rivières.  L’UNICEF appelle à doubler les points d’eau, à garantir leur libre accès et à assurer la gratuité de l’eau potable dans les écoles.

Les équipes de la Croix-rouge française forment les équipes locales avec pour ambition de permettre une continuité de la mission même après le départ des équipes d’urgence.
Les équipes de la Croix-rouge française forment les équipes locales avec pour ambition de permettre une continuité de la mission même après le départ des équipes d’urgence.
Le dispositif de potabilisation de l’eau a été fourni par la fondation Veolia. L’eau de la rivière arrive en premier dans les membranes (Tube blanc à gauche) qui vont arrêter les particules en suspension, bactéries et virus. Le filtre à charbon (en bleu à droite) permet ensuite de rendre l’eau claire, sans goût et sans odeur.
Le dispositif de potabilisation de l’eau a été fourni par la fondation Veolia. L’eau de la rivière arrive en premier dans les membranes (Tube blanc à gauche) qui vont arrêter les particules en suspension, bactéries et virus. Le filtre à charbon (en bleu à droite) permet ensuite de rendre l’eau claire, sans goût et sans odeur.

L’UNICEF appelle à une refondation des politiques publiques

Face à ces constats d’échec, l’ONG fait plusieurs recommandations : donner plus de place aux voix des enfants et donc adapter les politiques publiques à leurs besoins, renforcer la collecte de données sur l’enfance, abroger les textes discriminatoires sur les questions du logement et du droit des étrangers, garantir l’accès aux soins, à l’éducation et à l’eau. 

Alors que la date anniversaire des un an de Chido approche, UNICEF France recommande également d’avoir une meilleure politique d’anticipation et de prévention des risques liés au changement climatiques : inondations, cyclone, sécheresse. 

Le rapport se veut un signal d’alarme autant qu’un appel à agir. Pour UNICEF France, la reconstruction de Mayotte ne pourra être durable que si elle place l’intérêt supérieur de l’enfant en son cœur. « Mayotte ne peut se relever sans ses enfants. Les protéger, c’est garantir l’avenir du territoire », conclut l’organisation.

Texte et photos : Olivier Ceccaldi

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A propos de l'auteur

Olivier Ceccaldi

Reporter citoyen, Olivier a tout d'abord privilégié la photographie comme support pour informer notamment sur les réalités des personnes exilées face à la politique migratoire de l'Union européenne. Installé sur l'île de La Réunion depuis 2024, il travaille principalement sur les questions de société.

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