BONNE NOUVELLE POUR LA BIODIVERSITÉ, PHELSUMA INEXPECTATA A ÉTÉ VU À SAINT-PIERRE
Le lézard vert de Manapany serait-il en train de reconquérir les territoires perdus. Deux sites à Saint-Pierre accueillent une population de cette espèce endémique et menacée.
Des lézards verts de Manapany à Saint-Pierre ? « Phelsuma inexpectata, nom d’espèce qui veut dire inattendu en latin, a été vu sur deux sites saint-pierrois », indique Nicole Crestey, membre de l’académie de l’île de La Réunion. L’animal est connu pour habiter une mince bande de littoral entre Petite-Île et Saint-Joseph et pour être menacé, après la perte d’une grande part de son habitat, par toutes sortes de prédateurs exotiques, comme les Phelsuma grandis et laticauda, le chat, le merle de Maurice, l’agame des colons, etc. On le pensait inféodé à un périmètre restreint, mais deux populations ont été observées à Saint-Pierre, l’une à Pierrefonds dans le Domaine du café grillé, l’autre du côté de Terre-Rouge, au bassin Dix-huit, sur la rive droite de la ravine des Cafres.
Et la conférencière de faire un rapide historique de ce petit lézard emblématique de notre île et en danger critique d’extinction.
Phelsuma inexpectata a d’abord, en 1966, été décrit comme un Phelsuma, nom de genre qui désigne les geckos verts présent dans l’océan Indien. En 1989, les scientifiques le classent comme sous-espèce de P. ornata, l’espèce mauricienne. Des mesures de protection ont été décrétées par l’Etat français, mais le nom n’y a jamais été rectifié. « Aujourd’hui encore, P. ornata est protégé par ce texte, pas P. Inexpectata », remarque, amusée, Nicole Crestey. « Heureusement, l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) l’a classé sur sa liste rouge », ajoute la Saint-Pierroise.
Nicole Crestey est retournée souvent au Domaine du café grillé pour observer le lézard endémique. A la question de savoir comment il est arrivé là, la réponse est la même que celle qui explique la dispersion rapide du P. laticauda, espèce invasive venue de Madagascar : en voiture, ces lézards aiment se chauffer sur la tôle des véhicules, et parfois partent avec. Par ailleurs, alors que l’on pensait que les deux espèces (P. inexpectata et laticauda) ne pouvaient pas cohabiter, ou alors au détriment de notre endémique, le Domaine du café grillé accueille les deux, rendant le site intéressant pour observer l’évolution des deux populations. De même, alors que l’on pensait le lézard endémique inféodé aux plantes endémiques, on le retrouve à Pierrefonds également sur des exotiques, y compris pour se nourir.
« Chaque individu a des dessins différents sur la tête, j’ai donc entrepris une séries de photos-identifications », explique encore Nicole Crestey. Elle a aussi tenté d’estimer la population sur la base de fréquence de réobservation, les P. inexpectata pourraient être au nombre de 650 individus.
De l’autre côté de la ville, près du Bassin-18, les lézards endémiques profitent d’une plantation presqu’exclusivement indigène. A cet endroit, on ne trouve que très peu de P. laticauda. Est-ce qu’ils ne sont pas encore arrivés ? Ou bien le biotope ne leur convient pas suffisamment ? On ne le sait pas encore. Et pour savoir d’où viennent ces lézards, et surtout si l’espèce a une chance de survie, l’université a entrepris des études ADN sur dix-huit sites différents.
Le lézard vert de Manapany serait-il en expansion ? Il est encore bien trop tôt pour le dire. Il faut raison garder mais ces découvertes sont une bien bonne nouvelle tout de même pour les amoureux de la nature réunionnaise.
Philippe Nanpon
Photos : Gaëtan Hoarau et Nicole Crestey