LE TAMPON
Tôt ce mercredi 5 octobre 2022, les tractopelles sont venus détruire le boukan, les cabanes en palettes, le poulailler, des pié d’bwa du Jardin d’Abord situé dans la Rivière d’Abord au Tampon. Depuis juin 2019, les activistes du rond-point des Azalées un peu plus haut avaient investi les lieux, retiré des tonnes des déchets, replanté fruits, légumes et endémiques. Le terrain situé en zone rouge était alors abandonné depuis le passage du cyclone Firinga en 1989. Un certain M. Jimmy Lepinay, avec qui existe un conflit antérieur avec les personnes installées sur le rond-point, aurait racheté ce terrain. L’expulsion des militants et la destruction des lieux (que l’on peut constater sur cette vidéo) fait suite aux démarches judiciaires engagées par celui qui se présente comme le nouveau propriétaire.
La Réunion située au milieu de l’océan est entièrement dépendante des apports extérieurs. C’est le pétrole bon marché qui a permis de se vêtir avec un tee-shirt qui a fait 2 ou 3 fois le tour de la planète avant d’arriver dans notre tiroir. N’importe quel individu sensé trouvera cela aberrant. Cette débauche de transport et de moyens de production à bas coût, en plus de générer un taux de CO2 inacceptable pour notre pauvre Terre, ne crée que des injustices sociales sur le plan planétaire.
Comment se satisfaire de voir une région plombée par la fermeture de son usine fermée parce que jugée pas assez rentable pour le portefeuille d’actionnaires situés on ne sait où? Plus proche de nous, qui achète le cœur en joie son kilo de « zoignons », indispensable à notre traditionnel cary, sachant qu’il est gavé d’engrais de Chine alors que notre agriculteur pays ne peut pas rivaliser quant au prix?
Croissance infinie, monde fini
Seulement voilà, le pétrole, même s’il en reste, est de plus en plus difficile à extraire. Nous avons atteint le maximum extractible, pic pétrolier en 2008. Il faut donc s’attendre à une énergie plus chère. Bien plus chère. Et il faut s’y préparer. D’aucuns prétendent que la solution viendra d’une nouvelle révolution technologique pour s’affranchir d’une baisse de croissance toujours contraignante.
Soyons sérieux : peut-on vivre avec une croissance infinie dans un monde fini?
Vivre autrement
Assurément non. Les tenants du contraire prendront par exemple le niveau de croissance en évolution quasi exponentielle depuis les 30 glorieuses. Ils nous vendront le confort acquis par le plus grand nombre, occultant qu’une minorité détient la plupart des richesses. Et pourtant, durant le temps de confinement, nous avons appris à nous passer de plein de choses non essentielles. Nous avons dans le même temps, retrouvé la valeur de la solidarité réunionnaise qui, si elle était dans nos esprits, était noyée dans la turpitude du quotidien.
Et si on choisissait de vivre autrement? Et si on continuait d’acheter local, non par obligation mais par choix citoyen? Et si on cessait de remplir le coffre de nos voitures d’objets à l’obsolescence programmée? C’est en partie ça la décroissance.
C’est le choix qu’ont fait un certain nombre de personnes qui ont choisi. Et ce choix est courageux, d’offrir un modèle résilient et solidaire d’une autre société. En cas d’effondrement, ce sera ce type de structure, entre autres, qui permettra de trouver localement les ressources pour passer un cap qui sera douloureux. Et si cette chute drastique de nos moyens de consommation n’arrive pas, tant mieux. Ils auront au moins le mérite d’avoir attiré notre attention sur notre société qui est malade. Tel est le choix du QG zazalés.
Vidéo et texte : Eric Ismaël
Photos du QG Zazalé le 5 octobre 2022 : Eric Ismaël
Photos du Jardin d’Abord en janvier 2021 : Jéromine Santo-Gammaire