N’AYONS PAS PEUR DES MOTS
Parallèle Sud accueille dans ses colonnes les critiques d’un dévoreur de phrases qui peut passer pour un sacré pinailleur.
On ne va pas se mentir. Le monde du sport est un milieu « macho ». Si, si, je le confesse, profondément « macho ». Vous en doutiez ? Et encore aujourd’hui, quand les sportifs, je parle des seuls, des vrais, des durs, des costauds, des tatoués (quoiqu’il en existât aussi chez les femmes), observent les ébats athlétiques de ces dames et demoiselles qui courent moins vite, sautent moins haut, shootent moins fort qu’eux, c’est bien souvent avec un sourire en coin et un regard condescendant.
Aussi, quand samedi dernier, l’un des invités présents à la sympathique soirée anniversaire de Parallèle Sud formula le vœu sincère et légitime de pouvoir lire cette année des articles consacrés au foot féminin, je m’en suis réjoui tout en me disant que finalement, rien n’avait changé. Qu’y a-t-il en effet de plus sexiste que de parler de « football féminin » ? La remarque vaut d’ailleurs pour la plupart des disciplines sportives, exception faite de celles où hommes et femmes s’affrontent sur les mêmes épreuves : le tir, le trail ou encore l’équitation.
Voilà pourquoi l’appellation « football féminin » a toujours hérissé mon poil viril. Y aurait-il deux footballs : l’un, pur et référentiel, qui serait notre apanage, messieurs, et un autre adapté à nos charmantes moitiés ? À l’aube de la Coupe du monde 2019, certains observateurs s’en étaient émus. Nesrine Slaoui, journaliste à RMC, avait rappelé à juste titre que le football dit « féminin » n’existe pas. « C’est les mêmes règles, les mêmes postes et le même terrain que pour les garçons. C’est la Coupe du monde qui est féminine », s’était-elle agacée, reprise en écho par l’ancienne joueuse Mélissa Plaza, aujourd’hui psychologue. « C’est exactement les mêmes règles, la même taille de ballon, la même taille de terrain, la même taille de buts, le même nombre de minutes jouées par match et surtout, la même passion ».
Histoire de se donner bonne conscience, certains journaux, à commencer par le quotidien sportif L’Équipe, avaient saisi la balle offerte par ladite Coupe du monde pour mettre en place un guide de bonne conduite linguistique en introduisant — non sans quelques cafouillages — dans leurs mœurs langagières des termes tels que « défenseure » ou « défenseuse », selon les goûts, « sélectionneure » ou « sélectionneuse », « buteuse », « meneuse de jeu » ou encore « entraîneure », préféré à « entraîneuse » pour des raisons qu’il n’est nul besoin d’énoncer.
Près de quatre ans ont passé, la France n’a pas gagné son Mondial et l’on continue de parler de football féminin, « exemple de plus que le point de vue porté sur le monde est celui d’une classe sociale, celle qui détient le pouvoir dans la société : les hommes », analysait déjà à l’époque Alpheratz My, enseignante-chercheuse à la Sorbonne, ajoutant : « Cette hiérarchie se retrouve dans la langue française, faisant alors du genre masculin, un genre universel et générique. »
Nom d’un petit bonhomme, il y a décidément quelque chose qui ne tourne pas rond sur notre planète !
K.Pello
Pour poursuivre le voyage dans le labyrinthe de la langue française, consultez le blog : N’ayons pas peur des mots