À l’horizon de la Conférence des Mille

[LIBRE EXPRESSION]

Le 25 Mars 2022 les faiseurs de tables de La Conférence des Mille et leurs proches étaient invités à une réunion pour préciser l’esprit de La Conférence. Une autre réunion sera consacrée à la préparation de son organisation matérielle. Un des points importants de cet esprit, c’est d’arriver à ce que les faiseurs de tables se considèrent, et soient effectivement, co-organisateurs du mouvement. Quarante-cinq personnes étaient présentes et une quarantaine d’autres s’étaient excusées parce qu’ils avaient d’autres engagements en particulier professionnels ou parce qu’ils sont absents de l’île. Cent quatre personnes se sont inscrites comme faiseurs de tables à ce jour.

PREMIÈRE PARTIE : Le Peuple se réunit dans l’agora du département.

Dans les cités de la démocratie grecque, ancêtre de nos démocraties modernes, était aménagée une grande place entourée de boutiques, tribunaux, etc., où siégeait l’assemblée du Peuple.

Dans les villes, les départements, les régions, au plan national, la République Française a aménagé des lieux où siègent les élus du Peuple, tous les partis confondus, pour délibérer des affaires publiques : les mairies, les conseils, l’assemblée nationale, le sénat, etc.

Si les élus du Peuple délibèrent dans ces agoras de la République, a fortiori le Peuple Souverain et Souverain des élus, est-il habilité pour délibérer dans ces lieux, à l’image de ce qui se passait dans les agora grecques.

C’est dans cet esprit que les faiseurs de tables et leurs proches de La Conférence des Mille ont saisi l’opportunité de se réunir dans l’hémicycle du Conseil Départemental.

Les faiseurs de table et les participants de La Conférence des Milles ne sont pas un parti, mais le Peuple, une fraction du Peuple sans doute, mais le Peuple. A cet égard, ils

rassemblent les Réunionnaises et les Réunionnais de toutes origines, de toutes classes sociales, de toutes religions, de tous partis politiques, de toutes professions, de toutes associations : le Peuple Créole Réunionnais.

C’est dans cet esprit que les faiseurs de tables et les participants de La Conférence des Mille, souhaiteraient tenir la prochaine réunion préparatoire de La Conférence dans l’hémicycle du Conseil Régional.

Certains considèrent que la réunir dans un lieu de pouvoir (municipal, départemental, régional ou national), c’est, de fait, inféoder La Conférence au camp de la majorité politique du lieu.

Cette divergence doit donner lieu à un débat dans le respect mutuel mais ne pas empêcher de continuer le travail commun, même si certains, sur ce point particulier, refusent d’être présents à une réunion.

Il faudra veiller cependant à ce que, dans une agora de la République, le Peuple Souverain soit à sa place, c‘est-à-dire au-dessus des partis. Ce que les partis recrutent, ce sont des partisans et des électeurs, c’est leur rôle, ils ne « récupèrent » pas le Peuple. Le Peuple est au-dessus. C’est ce Peuple-là, dont certains disent qu’il n’existe pas, que La Conférence des Mille et les Etats Généraux, veulent retrouver.

DEUXIEME PARTIE : Des nouveautés dans la préparation de La Conférence des Mille, depuis la dernière réunion

Les nombreuses rencontres ont eu lieu dans plus d’une dizaine de communes depuis la dernière réunion de Saint-Benoît. Elles ont apporté de nouveaux éléments, de nouvelles propositions au « rêve » de La Conférence des Mille`. D’une façon générale il se dégage de ces réunions, une grande impatience des Etats Généraux, et se dessine l’idée d’une connexion entre les préconisations des Etats Généraux et les négociations de la Conférence territoriale élargie.

La Conférence des Mille

1. A l’origine de La Conférence des Mille, il y avait les trois proclamations des Fondamentaux : kisa noulé (l’identité réunionnaise), nous léla (la présence réunionnaise), sénou kifé (les responsabilités réunionnaises). A toutes les réunions, il faut, sans cesse, recentrer les débats sur ces trois points. Ce recentrage est nécessaire parce qu’à toutes les réunions, petites ou grandes, les préoccupations, les polémiques et les propositions particulières pour des problèmes immédiats reviennent sur le tapis sans que l’on ait approfondi les trois questions précédentes pourtant fondamentales.

A la longue, les participants et, au-delà des participants, le public commence à comprendre que le triptyque kisa noulé, non léla, sénou kifé est le préalable à tout le reste. L’absence de ce que représente ce préalable pour nous, Réunionnais, est l’explication de ce que nous

déplorons dans tous les domaines, depuis toujours. L’absence de ce triptyque est, tout simplement, notre inexistence et notre irresponsabilité. Comment pouvons-nous prétendre à quoique ce soit dans ces conditions ?

Le point faible de ce préalable, c’est l’unité du kisa noué. La diversité de nos origines (l’Afrique, l’Asie, l’Europe), le jacobinisme français, l’assimilation, la traite et le système colonial n’ont pas simplifié les choses. Le métissage a fait, en plus, que ces causes de fractures sont en chacun de nous. La tentation est de choisir l’Afrique, l’Asie ou l’Europe pour régler nos problèmes immédiats. Cela présente deux inconvénients : d’une part, nous mettre dans la dépendance des maîtres du choix que nous avons fait et de ne plus être nous ; d’autre part, exclure ceux d’entre nous qui n’arrivent pas à se retrouver dans ce choix. Notre Peuple ne pourra se retrouver que s’il retrouve son unité. Et l’unité réunionnaise c’est l’unité du tapis mendiant. Chacun de nous a en lui des losanges aux couleurs de l’Afrique, de l’Asie et de l’Europe. Il nous faut à tout prix coudre ensemble nos losanges pour notre propre unité personnelle et recoudre tous nos losanges réunionnais ensemble pour retrouver l’unité de notre Peuple, le retrouver, retrouver sa place et retrouver ses capacités, nous retrouver collectivement. C’est l’ambition de la Conférence des Mille. Si le tapis mendiant n’est pas cousu, il n’y a pas de tapis, nous ne sommes rien et tout se fait sans nous, forcément, à la longue, à notre détriment.

Mais si le problème du triptyque, kisa noulé, nou léla, sénou kifé, doit être réglé, les problèmes concrets actuels des Réunionnaises et des Réunionnais doivent néanmoins impérativement apparaître, eux aussi, dès La Conférence des Mille.

Les Etats Généraux

C’est pour cette raison qu’en plus des trois chapitres à l’origine, des Etats Généraux (1. Ethique et morale – 2. Un pouvoir local responsable – 3. Passage au vert des feux rouges du chômage, de l’illettrisme, du seuil de pauvreté, du mal logement), tous les participants de la Conférence des Mille pourront déposer, dès à présent, un document de deux pages maximums pour dire quel(s) sujet(s) leur apparaît (apparaissent) prioritaire(s), à soumettre aux Etats Généraux. Ces propositions seront rassemblées et classées dans un livre qui sera un ordre du jour des Etats Généraux. Cette démarche sera, concrètement, l’expression de la plus large participation des Réunionnaises et des Réunionnais à la construction d’une Réunion réunionnaise de demain. Elle sera aussi, l’expression du portage des préoccupations particulières par l’ensemble de la communauté. C’est ce portage de la communauté – ce portage du Peuple – qui donnera de la force et de la puissance aux initiatives particulières et assurera leur pérennité, leur durabilité comme on dit aujourd’hui. A presque toutes les réunions que nous avons tenues, en effet, les participants ont fait observer que les initiatives réunionnaises qui voyaient le jour, se développaient un temps et disparaissaient.

Les conclusions des Etats Généraux seront un cadre et un cap que donnera notre Peuple à notre île, aux acteurs de notre développement, à commencer par les politiques.

La Conférence territoriale élargie

La nouveauté la plus récente dans l’évolution de la réflexion collective sur ce retour du Peuple, c’est une connexion entre une Conférence Territoriale Elargie à créer, et les Etats-Généraux. L’idée est que La Conférence Territoriale Elargie qui est l’instance politique

d’élus qui négociera, notamment avec le Gouvernement, négocie ce qui sortira des Etats Généraux. Dans nos institutions politiques il n’y a pas de mandat impératif, il est vrai, mais rien n’empêche que s’instaure un accord entre le Peuple des Etats Généraux et ses élus.

La Conférence Territoriale Elargie, serait composée des élus des majorités et des oppositions des assemblées locales et des parlementaires de tous les partis politiques. Elle disposerait, dans l’esprit de cette dernière proposition, d’une référence populaire réunionnaise, qui aura donné un cadre et fixé un cap.

Une chaîne de l’unité réunionnaise se dessine : La Conférence des Mille (kisa noulé, nou léla, sénou kifé) ; les Etats-Généraux (kosa noufé) ; La Conférence Territoriale Elargie (kosa nou débat).

Plus que jamais se précise « le rêve » d’une expression réunionnaise identifiée, présente, responsables plus saine. Elle devra être massive :

1. le Peuple réunionnais, toutes origines, toutes classes sociales, toutes religions, tous partis politiques, toutes organisations associatives, professionnelles, toutes professions confondues, à égalité, fraternellement et libres, remplissant, bord à bord, la rue de Paris et l’avenue de La Victoire de Saint-Denis, pour dire, d’un commun accord, kisa noulé, non léla, sénou kifé, kosa noufé, nou débat, serait une expression massive ;

2. une participation des Réunionnaises et des Réunionnais qui auront retrouvé la confiance, aux élections ou aux référendums, serait une autre forme d’expression massive.

La vie politique pluraliste des partis serait plus authentique et plus féconde dans la mesure où, disposant de références provenant du Peuple, elle aura un sens parce qu’elle aura des objectifs. Dans une société normale, le rôle d’un parti n’est pas de proposer un modèle de société, mais de montrer qu’il est le meilleur pour réaliser le modèle que le Peuple s’est donné aux Etats-Généraux.

La construction de cette Réunion est de notre responsabilité. C’est cette Réunion-là qui est française. Et il ne s’agit pas de demander au pouvoir central de nous la concéder en totalité ou en partie selon sa volonté, mais de la négocier avec lui en fonction des exigences de notre appartenance à la République, mais aussi en fonction des exigences de notre propre existence et de notre développement.

TROISIEME PARTIE : Questions pratiques d’intendance

Les grandes idées ont besoin d’hommes et de femmes compétents pour les réaliser. La Conférence des Mille, les Etats Généraux, n’échappent pas à la règle. Il faut des organisateurs pour ces manifestations. Ces organisateurs sont à trouver parmi nous.

Komkilé

La Conférence des Mille n’est pas un parti. Elle est une fraction – minime – de notre Peuple. Fraction certes, mais Peuple. Le Peuple ne peut pas être une association. L’organisation de base du Peuple, c’est l’état-civil et son organisation politique de base, c’est le corps

électoral., c’est aussi l’agora c’est-à-dire tous les lieux publics où il peut se réunir pour s’exprimer : depuis la rue jusqu’aux enceintes des assemblées.

Tout cela pour dire qu’on ne peut pas enfermer le Peuple dans une association parmi d’autres, en concurrence avec d’autres (cette pluralité, ce sont les partis). Le Peuple, c’est tout le monde, l’unité dans la diversité, il est le Souverain qui s’exprime dans les manifestations de toutes sortes, aux élections et aux référendums, le Souverain qui donne le cadre et fixe le cap. La petite fraction du Peuple que nous sommes est ouverte. Il sera difficile de réunir près du million de personnes que compte notre Peuple, mais le Peuple, c’est ce million de personne

S’il n’est pas pensable d’enfermer le Peuple dans une association pour toutes ces raison, l’action des manifestations que sont La Conférence des Mille et les Etats Généraux, dans le cadre des lois de la République, ne peut être menée qu’à certaines conditions. C’est pour cela que cette action est « hébergée » par l’association komkilé, qui offre l’hospitalité, un secrétariat, un téléphone, a ouvert un compte au Crédit Agricole, au nom de La Conférence des Mille, etc.

Des réunions diverses dans toute l’île, ont été organisées, une base de données recensant les personnes qui veulent monter des tables à La Conférence des Mille est en cours de réalisation, une équipe pour préparer l’organisation de La Conférence, a été mise en place.

Mais, précisément, en l’état actuel de la situation, il faut :

1. Un responsable de la communication pour entretenir la flamme avec les faiseurs de tables, les participants, le public, les journalistes, etc. (Donner les informations, répondre aux questions, inviter aux manifestations, etc.)

2. Un comptable pour suivre les comptes, pour informer les faiseurs de tables et les participants, pour participer aux campagnes d’appels de fonds.

La Conférence des Mille

Une équipe a déjà été constituée pour l’organisation matérielle de La Conférence des Mille. Elle avait mis au point un certain nombre d’éléments pour la réunion qui devait avoir lieu au mois de Novembre de l’année dernière. Vois serez tenus au courant. Dans l’immédiat, elle devra préparer la prochaine réunion des faiseurs de tables qui sera consacrée à l’organisation matérielle de La Conférence.

Les Etats Généraux

Compte tenu de l’évolution que nous avons enregistrée, il faut, dès maintenant, préparer l’organisation des Etats-Généraux. Nous avons besoin de femmes et d’hommes à cet effet. Les Etats Généraux supposent une énorme organisation : débats, synthèses, rédaction, communication, etc. Dès à présent, les contributions peuvent être déposées, il faut les recevoir, les classer, les diffuser. Les propositions devraient sortir des entre-soi des institutions, des organisations, des chapelles, des partis, des associations ; Comme elles, les propositions personnelles de spécialistes, de praticiens, de citoyens devraient être versées dans le pot commun des Etats-Généraux. Il s’agit de montrer que le Peuple existe pour donner un cadre et fixer un cap aux politiques, aux professionnels, aux associatifs, un cadre et un cap partagés par toutes les Réunionnaises et tous les Réunionnais conscients de leur communauté de destin et de leurs responsabilités.

L’entreprise suppose des hommes et des femmes de toutes les origines, de toutes les classes sociales, de toutes les religions, de tous les partis politiques, de tous les milieux professionnels, à la hauteur de l’ambition, une ambition réunionnaise collective, à La Réunion même d’abord, mais aussi, dans l’ensemble national, européen, indian-océanien, mondial, l’ambition d’une Réunion identifiée, présente est responsable.

Qui a dit que le Peuple Réunionnais n’existait pas ? C’est de le retrouver qu’il s’agit.

Multiplier les petites réunions locales

La meilleure préparation des grands événements se fait dans les petites réunions locales de huit à dix personnes au maximum, des réunions de « tables ». Les gens se connaissent, sont plus libres pour s’exprimer, pour interroger, pour proposer. C’est de ces réunions locales que sont sorties les propositions nouvelles qui ont enrichi la préparation de La Conférence des Mille. Au cours de ces réunions locales les portions du Peuple qu’elles représentent s’identifient. Il s’agira, ensuite qu’elles se regroupent et se connectent. C’est à partir de la base, en effet, que notre Peuple se retrouvera dans sa globalité, de la base au sommet.

Les archipels de la varangue, de la cour et de l’agora doivent se retrouver et dialoguer pour faire ensemble La Réunion.

Paul Hoarau

Chaque contribution publiée sur le média nous semble répondre aux critères élémentaires de respect des personnes et des communautés. Elle reflète l’opinion de son ou ses signataires, pas forcément celle du comité de lecture de Parallèle Sud.

A propos de l'auteur