Ce dimanche 6 avril, une centaine de Mahorais dont quelques figures locales du RN se sont rassemblés à Chirongui pour soutenir Marine Le Pen suite à sa condamnation judiciaire.
« Tout Mayotte soutient Marine! » voilà les mots prononcés lors du rassemblement organisé ce dimanche au carrefour de Ngwezi sur la commune de Chirongui. C’est ici que Marine Le Pen et le Rassemblement National ont réalisé leurs meilleurs scores sur les dernières élections, c’est aussi là qu’elle a été accueillie avec ferveur en avril 2024 alors qu’elle était habillée de la tenue traditionnelle.
C’est donc cet endroit qui a été choisi ce dimanche par les sympathisants de la cheffe de file du RN pour lui apporter son soutien alors qu’elle a été condamnée la semaine dernière à 4 ans de prison dont deux fermes (elle devrait porter un bracelet électronique) ainsi qu’une inéligibilité de cinq ans avec exécution provisoire. Une peine à laquelle elle a fait appel.
Une réthorique bien rodée
Depuis l’annonce du jugement, les politiques affiliés RN ou qui lui sont proches ont immédiatement emboité le pas de Marine Le Pen pour remettre en cause le jugement et dénoncer « une dictature des juges ». Dès le lendemain, le député RN de la Somme, Jean-Philippe Tanguy a dénoncé de manière virulente une « vendetta du système » contre la candidate RN aux dernières élections présidentielles avant qu’Eric Ciotti, député UDR, ne compare l’exécution provisoire à « une peine de mort politique ».
Ce dernier en a même profité pour annoncer le dépôt prochain d’une proposition de loi pour mettre fin à l’exécution provisoire pour toutes les peines qui concerne l’inéligibilité. Une annonce qui laisse perplexe surtout lorsque le premier ministre François Bayrou lui rappelle que « c’est le Parlement qui a voté la loi permettant l’exécution provisoire » de la peine d’inéligibilité de la député RN.
Un soutien qui dépasse les frontières
Dans cette attaque contre le pouvoir judiciaire, les sympathisants et politiques nationales ont reçu le soutien de figures européennes et internationales de l’extrême droite avec par exemple le tweet « Je suis Marine » de Victor Orban et surtout celui de Donald Trump. Le nouveau locataire de la Maison Blanche a dénoncé une « chasse aux sorcières » avant d’écrire en majuscules « Libérez Marine Le Pen ! » Sur son réseau social Truth Social. Un soutien de poids mais qui laisse circonspect quand on se rappelle les événements de l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 auquel avait pris part l’actuel Président.
A Chirongui, le RN se serre les coudes
Au carrefour Ngwezi, l’ambiance est plus festive que dans l’hexagone avec un rassemblement beaucoup plus intime composé seulement d’une centaine de sympathisants. Parmi les personnalités présentes, Anchya Bamana, députée de la 2nde circonscription de l’archipel rappelle le lien fort entre Mayotte et Marine Le Pen et déclare que « Tout Mayotte la soutient ! » dénonçant une décision de justice « qui l’empêche de se présenter aux prochaines élections » tout en occultant les faits qui lui sont reprochés.
Safina Soula, présidente du Collectif des citoyens de Mayotte 2018, compare les condamnations de Marine Le Pen et de Nicolas Sarkozy, alors que l’ancien président a été condamné fin 2024 a un an de prison et attend toujours la fin de son procès concernant les financements libyens. Pour elle, leurs condamnations sont uniquement des attaques des juges envers deux personnalités qui aiment Mayotte. « Le seul point commun entre eux, c’est Mayotte ». Il faut rappeler que ce collectif a toujours soutenu la politique migratoire des derniers gouvernements et a participé à la stigmatisation des étrangers avec de nombreux blocages de la préfecture dont le dernier en date a eu lieu ce lundi 7 avril.
Les faits condamnés qui sombrent dans l’oubli
Dans toute cette rhétorique qui vise à défendre Marine Le Pen, le mécanisme est simple mais efficace : saturer le discours ambiant en ne parlant que de la peine et de l’inéligibilité pour faire oublier l’élément principal et les faits qui ont mené à la condamnation en première instance.
Dans un article, Lauréline Fontaine, juriste et professeure de droit public et constitutionnel, revient sur l’usage de l’expression « gouvernement des juges » et sur ses effets directs sur le respect de la séparation des pouvoirs. Elle démontre que cette formule, souvent brandie pour dénoncer une prétendue emprise des juges sur la vie politique, sert en réalité à délégitimer leurs décisions — alors même que celles-ci se fondent sur des lois adoptées par les représentants élus.
Parmi les soutiens présents ce dimanche, on entendra d’ailleurs certains minimiser les faits voire complètement les dénaturer. Le président du CODIM (Comité pour la défense des intérêts de Mayotte), Soufiane Moutoin, semble ne pas comprendre les faits reprochés à MLP lorsqu’il déclare « Qui n’a pas détourné de l’argent? La plupart des parlementaires ont toujours employé des assistants alors je ne vois pas pourquoi on l’accuse ». On en oublierait presque qu’il s’agit d’un détournement de plus de 4 millions d’euros de fonds européen qui ont servi à payer des dizaines d’assistants pour les faire travailler exclusivement pour le Rassemblement National dans le but d’alléger les dépenses du parti.
Mayotte, place forte du RN
Mais comme pour le « meeting » du RN à Paris, l’objectif de ce rassemblement à Mayotte, un territoire qui a voté à 59% pour Marine Le Pen aux dernières élections présidentielles, était moins de démontrer la véracité des accusations à l’encontre des juges mais surtout de montrer un front uni et rappeler que l’extrême droite est présente. Présent ce dimanche et interrogé au micro de Mayotte la 1ère, l’eurodéputé RN Rody Tolassy l’a parfaitement démontré.
Lorsque la présentatrice lui rappelle les faits pour lesquels ont été condamné Marine Le Pen et ses co-accusés, l’eurodéputé lui reproche de reprendre « le narratif de leurs adversaires » arguant que « ce n’est pas la réalité ». Face à une « déclaration de guerre » sous la forme d’un « jugement politique », il met en garde car « tel le phénix, nous renaîtrons pour arriver en tête en 2027 ». Prenez acte, les troupes sont en marche!
Olivier Ceccaldi
Photo de couverture : photo d’archive du blocage du collège de Kwalé en février dernier par un collectif anti migrants.
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