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(À propos des) Violences sociales – violences urbaines 3

LIBRE EXPRESSION

Certes, la violence n’est pas uniquement le fait des jeunes. Les configurations familiales désastreuses, la multiplication des actes d’incivilité jamais sanctionnés, la banalisation des incidents mineurs et de la petite délinquance impunie constituent le terreau sur lequel se développent les multiples menaces ponctuelles qui touchent les établissements scolaires, les quartiers, les équipements sportifs, la rue, le commerce, avec les gens qui vivent là.

À La Réunion, la dénonciation de l’insécurité, des comportements antisociaux et de la violence se propage invariablement et marque notre existence collective. La liste des violences s’allonge chaque jour dans les médias. Après une sensible tendance à la baisse due à la crise sanitaire, les actes de délinquance semblent recommencer à s’accroître. Selon les statistiques établies par l’INSEE, bien que demeure indistincte la signification précise des chiffres mentionnés, les actes de coups et blessure volontaires criminels ou correctionnels ont augmenté de 13% en 2022 – 625 cas de plus, les violences et mauvais traitements de 14% (plus de 5430 victimes en 2021) .

Autant dire qu’à mes yeux et selon mon expérience, s’imposent sans réserve toutes les stratégies de prévention et d’éducation portées par l’alliance confiante, lucide, active et résolue des collaborateurs les plus conscients et les plus responsables de l’éducation nationale avec toutes les familles, dans des établissements où passe obligatoirement tous les enfants et tous les adolescents du quartier. Et je parle bien des familles qui paraissent les plus inaptes et défaillantes, même celles qui ont recours aux services sociaux depuis 2 ou 3 générations…

Les pieuses pleurnicheries coutumières à propos de « nos enfants qui hériteront de notre terre… » pourraient trouver là un véritable enracinement dans l’action commune, concrète, cohérente et courageuse, loin « des intentions bien intentionnées et des paroles verbales »…

Après avoir traité, la semaine dernière, de cette alliance indispensable et difficile de l’école et des familles, j’aborde ici les liens avec l’environnement du quartier, cadre de vie (parfois incertain, c’est vrai aussi) dans lequel évoluent ressources sociales et partenaires à associer… Parce qu’il est exclu que les personnes les plus engagées du système scolaire puissent agir seules dans l’espace public…

4 • S’appuyer sur le quartier et ses instances : un environnement social solidaire

Vers l’extérieur, Il s’agit de renforcer et de systématiser la collaboration avec les divers intervenants et institutions du quartier ou de la localité, créer une cohérence des attitudes des adultes, entre l’établissement et son environnement socioculturel. 

La fragmentation des champs, des actions et des spécificités institutionnelles ne peut constituer un obstacle insurmontable à l’amélioration de la continuité des intervenants et des interventions dont enfants et adolescents sont les bénéficiaires… L’établissement scolaire (et le collège plus particulièrement) est le lieu « stratégique » d’où beaucoup d’actions pourraient naître et se développer dans le quartier. L’intensification de la collaboration paraît logique. Elle permet au personnel scolaire de sortir de l’isolement. Elle est extrêmement bénéfique pour l’apaisement de la mission d’enseignement, donc pour la prévention des risques et troubles psychosociaux qui peuvent affecter certains membres de la communauté éducative.

5 • Valorisation et décloisonnement des acteurs du système scolaire « Tout un village… », dans lequel leur rôle est éminent, dans une alliance éducative partagée avec les familles et les instances du quartier.

Pas de confusion sur les rôles et les responsabilités propres. Autonomie de chacun dans l’interdépendance responsable des fonctions.

On observera que dans le premier degré en tout cas, selon des informations parues récemment dans les médias, une telle conception semble être mise en œuvre à Saint-Denis, sous l’intitulé de « l’école du bonheur ».

La concertation « TOUT UN VILLAGE… »

Un exemple d’action :

La manifestation conviviale pour :

Approfondir dans l’apprentissage commun et dans l’action, la place, la fonction et les interactions entre professionnels, notamment équipes éducatives des autres établissements scolaires, d’une part et d’autre part parents de divers horizons : militants des associations familiales, des associations de parents d’élèves, etc. Ainsi qu’avec l’autorité publique – Mairie, la police, l’ensemble des intervenants sociaux, médico-sociaux, sportifs, juridiques et culturels du quartier

Projet de programme d’une journée de concertation avec tous les professionnels et associatifs du territoire pour :

Esquisser les moyens des diverses perspectives possibles d’une collaboration réellement participative : co-création, coproduction et cogestion de projets et de programmes (pouvant développer des articulations entre domaines scolaires, sociaux, médico-sociaux, juridiques, préventifs de la sécurité.)

Mise en route de collaborations régulières avec une fréquence réelle…

B • Autour de la première participation des élèves à une citoyenneté active et responsabilisatrice

6 • Responsabilisation comportementale des élèves

… au travers d’actions concrètes et évaluables – Méthodes éprouvées ! 

Ici, dès cette rubrique, nous sommes directement confrontés aux problématiques des dérives comportementales des enfants et des adolescents, donc à la question de la prévention des éventuelles violences.

Il faut réaffirmer que l’on n’est nullement dans une propagande illusoire diffusant des « faut qu’on » et des « y a qu’à » – Les méthodologies et les outils existent pour intervenir directement auprès des élèves et susciter leur participation. Malheureusement ces outils sont parfois inusités. Dans les établissements où ils sont en en usage, ils peuvent contribuer à construire une conscience collective et des comportements personnels et relationnels admissibles et souhaités. Nous sommes à la lisière de l’apprentissage du civisme, non par les discours et les injonctions, mais bien dans le cadre d’appropriations actives généralisées.

Par exemple :

– L’usage pédagogique généralisé des « Heures de vie de classe » – Un espace de prévention comportementale et de régulation sociale à l’école et au collège…

(cf. dossier « Notes de méthode »)

– Enquête participative interactive (thématique à identifier…) – Elle peut être déclenchée par le point de vue des victimes potentielles des violences et des infractions de toute nature. Elle conduit à un travail collectif de tout l’établissement (adultes – élèves et parents) relatif à la résolution active et positive des problèmes évoqués.

(cf. dossier « Recherche sur l’école et la violence – Collège de Montgaillard – Rapport de synthèse • Réflexions finales » et sur son « Questionnaire »

– Journées de réflexion et d’action collective élèves – parents – acteurs de l’établissement – Elle peut être l’aboutissement d’une enquête participative préalable.

(cf. dossier « Ateliers thématiques »)

• Commentaire relatif aux intitulés 2 • et 3 • Une vaste enquête participative peut conduire à des décisions majeures de réorganisation de certaines activités ou même de certains modes d’action importants du collège, co-construits dans une collaboration responsabilisatrice et durable entre adultes et collégiens.

– Contribution des élèves à la rédaction de la réglementation interne à l’établissement – Travail de conscientisation, d’appropriation et de responsabilisation par l’ensemble de la communauté scolaire, du cadre des attitudes exigées et souhaitées ainsi que des conséquences claires de leur transgression

– Médiation par les pairs – Programme et formation des élèves à l’accompagnement des camarades en situation de conflits. 

– Tutorat des nouveaux par les anciens… – De façon encadrée et réaliste, les 3èmes – 4èmes assurent l’information et le soutien des 6èmes – 5èmes

On n’a là que quelques illustrations possibles. D’autres peuvent être repérées ou inventées…

C • Autour des sanctions et de la pédagogie des sanctions

(Conséquences logiques et acceptables des approches exposées précédemment.)

7 • Instauration de la « tolérance zéro » et stratégie de la « vitre brisée »

Dans le cadre d’une alliance profonde et contextualisée avec les parents, cette prise de position est cohérente… mais dans la mesure où l’intitulé 8 est attentivement traité !

La notion de « tolérance zéro » est comprise ici comme le refus de la complaisance – la permissivité – l’indulgence molle – l’accommodement – l’arrangement … Ne jamais tolérer l’intolérable ! Même si elle apparaît comme une sorte de « fac-similé » des pratiques américaines ! L’accent mis sur les mesures préventives ne doit pas être confondu avec une garantie tacite d’impunité. Le terrain doit d’abord être déminé pour que la prévention soit féconde. 

La tolérance strictement limitée exige une réactivité immédiate. Elle comprend les approches, les modes d’intervention et les compétences propres à inscrire dans le temps les mesures d’intervention diverses à l’égard des instigateurs du ou des actes de violence incriminés : sanctions, répression et rétablissement de la loi, protection de la ou des victimes éventuelles. 

Elle s’inscrit entièrement dans la logique de la stratégie dite de la « vitre brisée ». Par analogie, on observe que les petites détériorations que subit l’espace public suscitent habituellement un délabrement plus général des cadres de vie et des situations humaines qui en relèvent. Principe fondé sur l’exemple d’un édifice dont une vitre brisée n’est pas immédiatement remplacée. Partant de là, toutes les autres seront cassées peu de temps après, parce que la non réparation de la première laisse entendre que le bâtiment est abandonné, ce qui constitue l’amorce d’un cercle vicieux.

Fondement de la pratique de la « tolérance zéro », cette analogie justifie l’intervention immédiate à l’égard de tous les actes d’incivilité, même les plus anodins en apparence, tant qu’ils sont peu nombreux et avant qu’ils ne s’accumulent…

L’attention exigeante que suggère le principe de la « tolérance zéro » doit absolument être relayée par une démarche pédagogique, préventive et réparatrice.

8 • Pédagogie de la sanction : 

Intelligente et réparatrice, elle associe l’encadrement scolaire interne directement concerné par l’infraction, ainsi que les parents d’une part, et les intervenants et partenaires externes appropriés provenant du quartier (cf. 4)

Dans toute situation problématique, il importe de tenir compte de deux finalités qui peuvent sembler parfois contradictoires :

1 – Sanctionner le coupable

2 – Protéger la classe et assurer son enseignement en toute sécurité et dans la tranquillité.

Les sanctions prises et appliquées doivent être assorties de véritables mesures d’accompagnement éducatif pour inciter à l’intégration de nouveaux comportements. Le milieu socio-familial, qui est souvent à l’origine « subconsciente » du délit, peut apparaître lui-même d’abord victime. Puis il peut se manifester pour le moins instigateur passif. Il doit être aidé. « L’alliance positive confiante des adultes » autour des enfants se révèle en ces circonstances à la fois précieuse et opérationnelle.

Un exemple d’action autour de la sanction :

• Carton jaune … carton rouge

Une procédure de traitement collectif des sanctions disciplinaires

Elle est susceptible de contribuer à développer la confiance réciproque de tous les adultes concernés par les questions de régulations comportementales des élèves perturbateurs. Toutes les demandes de tous les acteurs peuvent être entendues et produire des transformations utiles pour résoudre les problèmes et détecter à temps les situations de crise.

Résumé

• C’est un dispositif de réprimande qui s’adresse aux élèves auteurs de « comportement inadmissible » à répétition.

• Comme en football, le carton jaune avertit, avant que le carton rouge ne sanctionne.

• Le carton jaune se donne lors d’une réunion disciplinaire qui regroupe : l’élève – un ou deux membres de sa famille (parents) – le professeur concerné – (ou/et son professeur principal) – (si nécessaire : d’autres membres de l’équipe éducative – l’assistante sociale – le CPE – un membre de la Direction – un intervenant extérieur (dispositif ou association du quartier).

• L’élève est écouté. On essaie de comprendre les causes de la transgression, de l’agression, de la dérive… On analyse. Ensuite on lui explique clairement et fermement pourquoi et comment sa conduite est à changer. 

• On lui montre quelle voie il doit prendre avec l’aide de l’équipe du Carton jaune. On le sanctionne s’il le mérite et on le prévient que la prochaine fois ce sera le Carton rouge (Conseil de discipline…)

• C’est une manière de donner une seconde chance à un élève.

(cf. le dossier « Carton jaune… carton rouge… Une procédure de traitement collectif des sanctions disciplinaires »)

• Mesure de responsabilisation

Dans l’inventaire des sanctions scolaires, cette mesure est créée par décret paru au JO du 28 juin 2011. Selon le texte, elle « consiste à participer, en dehors des heures d’enseignement, à des activités de solidarité, culturelles ou de formation à des fins éducatives ». « Ces activités peuvent être réalisées au sein de l’établissement ou au sein d’une association, d’une collectivité territoriale, d’un groupement rassemblant des personnes publiques ou d’une administration de l’Etat ». Cette « mesure de responsabilisation » ne pourra excéder vingt heures, devra « respecter la dignité de l’élève » et « ne pas l’exposer à un danger pour sa santé »

L’ensemble des approches énoncées dans cet article s’appuie sur des réalisations effectives. Nous savons que tout ça est compliqué. Nous savons qu’il faut être très attentif au contexte personnel, culturel et social de chaque situation. Et, il faut le reconnaître, ça ne marche pas toujours…

Pour les professionnels du primaire comme du collège, changer l’approche du traitement des manières d’agir dans l’environnement scolaire nécessite l’appropriation et l’usage de méthodologies et d’outils appropriés. Ils existent ou on les invente, même à tâtons ! Les exemples d’action esquissés ici ne sont jamais des recettes qu’ « on applique et ça se fait tout seul… » !

Je le répète : nous sommes dans la prévention rigoureuse de ces violences sociales qui inquiètent notre époque contemporaine. Si tous les exemples évoqués ne peuvent pas être présentés ici de façon détaillée, on peut en tout cas se référer aux quelques esquisses mentionnées dans ce dossier, et en inventer ensemble d’autres, qui portent toutes sur :

A • Des outils pour associer les familles à la vie scolaire de leurs enfants

B • Des outils pour améliorer la collaboration de tous les adultes de l’établissement, quel que soit leur métier, à l’éducation des élèves.

C • Des outils pour renforcer la collaboration entre l’établissement et son environnement socioculturel (quartier – institution – animateurs et travailleurs sociaux et socio-éducatifs)

D • Des outils pour intervenir directement auprès des élèves.

Leur découverte et leur usage peuvent aider à améliorer le climat du collège, prévenir les déviances comportementales, et donc à atténuer les formes violentes et inadmissibles des relations interpersonnelles, comme de toutes les incivilités et les transgressions, dans le milieu scolaire.

Agir préventivement sur l’environnement et avec lui, particulièrement au cours de l’âge de la scolarisation, demeure fondamental en ce qui concerne la question des violences sociales. Aujourd’hui, hélas, le sentiment prédomine que l’on n’intervient toujours qu’après coup, même judicieusement, qu’on ne supprime pas la violence, qu’on ne fait que la déplacer ailleurs, en d’autres lieux, auprès d’autres groupes sociaux ou pour d’autres raisons ! Autorités et médias seraient bien inspirés de provoquer de vastes débats publics sur ce problème de société qui affecte tant de catégories sociales, à commencer par les femmes, les seniors et les jeunes. Beaucoup de citoyens pourraient y contribuer. Hélas, il n’y a pas de débat public. Les débats publics n’intéressent que les appétits électoraux et certainement pas les courants dominants de la consommation d’apparences et de loisir.

Dans les articles qui pourraient suivre, je souhaite poursuivre ma réflexion dans ce sens…

Arnold Jaccoud

Chaque contribution publiée sur le média nous semble répondre aux critères élémentaires de respect des personnes et des communautés. Elle reflète l’opinion de son ou ses signataires, pas forcément celle du comité de lecture de Parallèle Sud.

A propos de l'auteur

Arnold Jaccoud | Reporter citoyen

« J’agis généralement dans le domaine de la psychologie sociale. Chercheur, intervenant de terrain, , formateur en matière de communication sociale, de ressources humaines et de processus collectifs, conférencier, j’ai toujours tenté de privilégier une approche systémique et transdisciplinaire du développement humain.

J’écris également des chroniques et des romans dédiés à l’observation des fonctionnements de notre société.

Conscient des frustrations éprouvées, pendant 3 dizaines d’années, dans mes tentatives de collaborer à de réelles transformations sociales, j’ai été contraint d’en prendre mon parti. « Lorsqu’on a la certitude de pouvoir changer les choses par l’engagement et l’action, on agit. Quand vient le moment de la prise de conscience et qu’on s’aperçoit de la vanité de tout ça, alors… on écrit des romans ».

Ce que je fais est évidemment dépourvu de toute prétention ! Les vers de Rostand me guident : » N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît – Et modeste d’ailleurs, se dire : mon petit – Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles – Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles ! » … « Bref, dédaignant d’être le lierre parasite – Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul – Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul ! » (Cyrano de Bergerac – Acte II – scène VIII) »
Arnold Jaccoud