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[Agriculture] L’abattoir pour les laitières

L’INTERDICTION DE VENDRE LES VACHES S’ÉTEND

Il n’en reste plus qu’une cinquantaine sur l’île, et d’autres veulent arrêter. Les producteurs de lait sont soumis à une nouvelle contrainte: ils ne peuvent plus vendre leurs vaches si l’élevage est atteint de leucose.

Les vaches laitières de la Réunion produisent entre 16 et 18 millions de litres de lait par ans. (Photo Philippe Nanpon)
Pour passer de la production de lait à celle de viande, l’insémination d’embryons est une solution. (Photo d’illustration Philippe Nanpon)

Les producteurs laitiers, soumis au diktat de leur coopérative, la Sicalait, veulent parfois aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte; encore leur faut-il pouvoir vendre leur cheptel afin de rebondir. Mais, depuis quelques semaines, la règlementation qui vise à éradiquer la leucose de l’île  interdit à nombre d’entre-eux de vendre leurs vaches à un autre éleveur. Ne reste que l’abattoir comme débouché, avec un prix de vente nettement inférieur. Pour se lancer dans l’élevage à viande, il existe pourtant une alternative, l’implantation d’embryons.

« Exception réunionnaise »

Le plan d’éradication de la leucose bovine date de 2021 et fait suite à la volonté d’Emmanuel Macron en 2020 de mettre fin à l’ « exception réunionnaise » en matière de gestion de la maladie, afin de permettre son éradication comme partout ailleurs sur le territoire national. Dans un premier temps, les élevages qui comportaient moins de 50% d’animaux ayant déclaré une infection ne pouvaient plus vendre leurs bêtes, sauf à l’abattoir. Depuis quelques semaines, on est passé à une étape supérieure puisque cette interdiction a été étendue aux élevages présentant moins de 80% d’animaux contaminés. Seule issue pour ces éleveurs: assainir totalement le troupeau.

Certes, des aides existent pour aider ces éleveurs, mais il leur faut passer par la Sicalait (voir ici). Difficile quand leur volonté de quitter le système coopératif est motivé par leurs mauvais rapports avec la Sica qui mettrait de la mauvaise volonté à aider ces agriculteurs.

A une aide à l’abattage de 260 euros s’ajoutent une autre subvention de 1 800 euros pour racheter une bête saine et, évidemment, le prix de la viande, entre 300 et 800 euros selon la conformité de la vache de réforme, sachant que la race laitière présente sur l’île, la prim’holstein, est particulièrement mauvaise race à viande. Mais des éleveurs dénoncent une sorte de forfait appliqué par la Sicalait, avec au bout du compte un prix bien inférieur. Une vache productive vaut environ 3 000 euros.

Réticence de la Sicalait

La Sica traîne-t-elle des pieds pour verser les aides auxquelles les agriculteurs ont droit ? La question mérite d’être posée tant on sait que la production de notre département est en baisse et que l’on veut éviter de tomber sous les quinze millions de litres de lait annuels, alors qu’on est déjà sous la barre des dix-sept millions de litres. En tout cas, dans le monde des éleveurs laitiers, on en est sûr. Est-ce qu’à moins de quinze millions de litres, La Réunion perdrait ses aides européennes? On entend aussi que ce chiffre de quinze millions serait celui d’un accord contractuel entre la Sicalait et la Cilam, entreprise qui produit le fromage local. Il ne faut de toute façon pas descendre en dessous et, pour cela, tous les moyens semblent bons pour la coopérative.

Pour qui voudrait migrer vers la SicaRevia, la coopérative qui gère la production de viande bovine, il existe pourtant une solution. Au lieu de vendre tout le troupeau, d’appliquer un vide sanitaire puis de racheter un nouveau troupeau de race à viande – vaches qui plus est indisponibles sur le marché -, il suffit de faire naitre des veaux de race à viande de mères porteuses laitières. C’est la technique de l’implantation d’embryons, plus coûteuse que les inséminations artificielles classiques, mais qui permettent de tourner la page en quelques mois, ou quelques années. Car il n’y a pas de contamination de mère à veau pendant la gestation si on enlève le veau à sa naissance, c’est par le colostrum, le liquide qui vient avant le lait, que la leucose se transmet au petit.

Philippe Nanpon

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.