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[Agriculture] Un autre modèle pour les Dom

ASSEMBLÉE NATIONALE

La politique agricole commune et comment en faire un levier de la production d’agro écologie et alimentaire dans les outre-mer (DOM)? C’est la question qu’a posée la délégation aux outre-mer de l’assemblée nationale le 28 février dernier aux membres de l’académie d’agriculture

En 2023, la Cours des comptes pointait une répartition inégale des subventions en outre-mer au bénéfice des grandes cultures. « Quelle société voulons-nous pour demain et après demain », s’interroge Jean-Pierre Bastié, membre correspondant d’Agriculture de France. Avec ses collègues de l’académie d’agriculture, il a présenté à la délégation aux outre-mer de l’assemblée nationale un projet de valorisation de la petite agriculture familiale dans les départements ultramarins. 

Avec les membres du groupe de travail agriculture ultramarine de l’Académie de France, le rapport fait la part belle à l’agriculture familiale gardienne de 75% des ressources mondiales et primordiale pour la sécurité alimentaire et la diminution des importations. Pour ce faire, ces membres ont développé le concept d’Apeba, ou agriculture de petite échelle bioéconomique et agroécologique, comprendre petite agriculture familiale, présenté comme un enjeu central pour la sécurité alimentaire mondiale.

«Démotivation et frustrations»

Jean-Pierre Bastié, de l’académie, travaille sur ce sujet depuis dix ans. « Loin d’être un handicap, c’est un atout agronomique écologique social et culturel pour ces territoires », assure-t-il. « On a fait des propositions pour la nouvelle Pac (politique agricole commune), qui n’ont pas été entendues. Il en va de l’avenir de ces territoires, quelle société pour demain et après demain? »

« Le constat, c’est un taux de chômage, un taux de pauvreté, un ratio import/export de même pas dix pour cent. Si les aides publiques versées depuis des années marchaient, ça se verrait », poursuit Jean-Pierre Bastié. 

Dans les Dom, l’agriculture est essentiellement constituée de micro exploitations dont le produit brut  est de moins de 25 000 euros, qui représentent 93% des exploitations contre 54% en métropole.

Le directeur de la chambre d’agriculture de Martinique, Nicaise Monrose, raconte l’expérience menée sur son territoire. Là où la chlordécone a laissé des marques tant dans les esprits que dans les sols. « Nous ne visons pas l’autosuffisance alimentaire, nous voulons permettre que les consommateurs locaux puissent trouver les produits locaux sur les marchés à des prix raisonnables. » Une expérience est menée en Martinique pour accompagner les agriculteurs dans leur conversion. « Deux tiers des agriculteurs martiniquais se sentent exclus du soutien apporté par la Pac ; il faut faire évoluer ces politiques publiques qui génèrent démotivation et frustrations », estime-t-il. 

Et d’expliquer que ce n’est pas parce que ces exploitants agricoles « se tiennent volontairement en dehors des critères qu’ils n’ont pas droit aux aides, c’est parce que ces mesures ne correspondent pas à leur situation, ni à leurs objectifs de production et d’organisation ». Dénonçant ainsi un système qui ne profite qu’aux monocultures d’exportation de canne à sucre et de banane.

Le système d’aide imaginé est forfaitaire et payé à l’hectare exploité. Deux mille euros par an pour moins d’un hectare, mille huit cents euros par ha entre un et cinq hectares et mille six cents euros au delà de cinq hectares avec un maximum de 15 000 euros. On est très très loin des aides à la production de la Pac. « On a budgétisé le système, pour la première année il en coûterait deux millions d’euros, quatre la deuxième année, etc. Contre cent vingt cinq octroyés aujourd’hui par le Posei (programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité).  Ce n’est pas un blocage financier, c’est un blocage dans la tête », souligne pour sa part Jean-Pierre Bastié. 

Philippe Nanpon

ACADÉMIE D’AGRICULTURE :

 M. Jean-Pierre Bastié, membre correspondant de l’académie d’agriculture de France ;

– M. Gilles Bazin, professeur émérite de politique agricole à AgroParisTech, membre de l’académie d’agriculture ;

-M. Michel Rieu, agroéconomiste, membre de l’académie d’agriculture de France, secrétaire de la section Élevage ;

– M. Harry Oziera-Lafontaine, directeur de recherche à l’institut national de recherche agricole (INRAE), membre correspondant de l’académie d’agriculture de France, membre du groupe de travail sur les agricultures ultramarines ;

-M. Nicaise Monrose, conseiller exécutif à la Collectivité territoriale de Martinique, maire de Sainte Luce, directeur de la Chambre d’agriculture de Martinique ;

-M.Franck Souprayen, exploitant agricole en Guadeloupe promoteur des pratiques agroécologiques

DÉLÉGATION AUX OUTRE-MER

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Johnny Hajjar, Mme Karine Lebon, Mme Béatrice Piron, M. Davy Rimane, Mme Sandrine Rousseau, M. Guillaume Vuilletet.

Excusés. – M. Stéphane Lenormand, Mme Laetitia Saint-Paul.

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A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.