Anaïs, artiste : « J’y suis allée comme à l’abattoir »

[LA PAROLE DES RÉSISTANTS PACIFIQUES : 4]

A l’antipode du schéma où le résistant représente inévitablement le non-vacciné, la jeune artiste de la troupe BARDZOURD’FAMN, Anaïs, elle, est vaccinée et résistante. Être passée par la case vaccination ne l’a pas fait changer d’opinion, elle assume franchement son opposition à cette mesure injonctive. Dans ce cas, s’est-elle fait vaccinée par confiance ? Non. Alors, par envie ? Non plus. Par nécessité. Dans une conversation au téléphone, elle nous raconte ce cheminement qui ranime en elle des émotions fortes.

Au début, elle doutait de l’aspect médical sans savoir que son plus gros combat allait être contre sa propre personne. « C’est un travail sur soi, il a fallu que je mette ma fierté de côté. Au départ, on se dit qu’on vivra sans, qu’on arrêtera de travailler un an s’il le faut. Puis du jour au lendemain, on en a besoin. J’ai longtemps hésité, changé plusieurs fois d’avis. Mais petit à petit, l’espoir de trouver une solution s’amenuisait. C’est le système mis en place qui veut accentuer cette ségrégation» livre-t-elle.

Une troisième puis une quatrième dose, il n’y a pas de limite

Anaïs tient à continuer ses représentations, parce qu’elle a « envie de bosser, d’échanger, de rencontrer des gens, de socialiser ». Ses craintes se confirment alors. Pour une tournée d’une dizaine de jours, elle doit s’envoler vers la Métropole. Ce ne sont donc pas une mais deux doses qui lui ont été nécessaires pour sauter la mer : « J’ai résisté jusqu’au bout, jusqu’à mon billet d’avion pris. Malheureusement, c’est devenu une nécessité à cet instant, pour travailler, me produire. J’ai dû faire un choix et je l’ai fait » assume-t-elle.

A notre question sur les prochaines doses, la mère de famille est catégorique, elle ne continuera pas : « J’ai réfléchi pour la troisième. Mais si je mets celle-ci, il faudra que je fasse la quatrième, ainsi de suite. Il n’y a pas de limites. Vous savez, ça me fait penser à mes chiens à qui je donne un cachet pour les puces tous les mois. » Elle évoque être contrainte par une obligation mise en place pour cacher un défaut d’arguments de la part du gouvernement : « J’ai l’impression qu’il nous propose la mort social ou la mort tout court. Ce n’est pas le vaccin en soi qui me pose problème mais plus on m’oblige, moins j’aurais envie de le faire. »

« J’ai eu l’impression de me trahir »

Au-delà de cette bataille personnelle contre ses convictions, la Tamponnaise est en proie à des angoisses et souffre psychologiquement. Elle se remémore cette étape avec difficulté : « J’ai eu l’impression de me trahir, faillir à mon intégrité. Les trois jours entre la prise de rendez-vous et l’injection ont été une réelle épreuve pour moi. Je n’en dormais plus la nuit, j’ai souffert de psychosomatique, de palpitations… » Anaïs s’ouvre sur son expérience éprouvante, en employant des termes avec minutie pour nous raconter pas à pas le jour de sa vaccination : « J’avais une peur panique de me faire injecter. Je me suis retrouvée à y aller comme à l’abattoir. Pour moi, ça représente un viol. Sans caractère sexuel, certes, mais c’est une pénétration dans mon corps sans mon consentement. »

« Pour moi, ça représente un viol»

Elle dénonce ensuite l’hypocrisie rencontrée lors de l’arrivée au centre.« Ils nous fournissent une fiche avec écrit « Voulez-vous vous faire vacciner ». Si vous choisissez non, vous faites face à un STOP indiqué juste après. Bien sûr que je n’ai pas envie de me faire vacciner mais vous croyez qu’on a le choix ? On est obligé. Alors, on répond oui et on signe. Le docteur nous reçoit à la chaîne, c’est fait machinalement. » La jeune comédienne s’effondre en larmes à la sortie du cabinet de son médecin, un samedi du mois d’octobre, ce qui n’attire pas pour autant de regard sympathique ou compréhensif des autres.

Elle garde en mémoire cette scène affligeante : « Les personnes autour, dans la salle d’attente, me voyaient pleurer mais ne comprenaient pas ma réaction. Elles trouvaient ça tout à fait normal de se faire vacciner, de passer par là. » Meurtrie par ces souvenirs encore frais, elle raconte son déboire : « J’étais fâchée, terriblement en colère contre ce qu’on venait de m’imposer, furieuse de ce qu’on m’avait fait faire à mon corps. Après quoi, je me suis plongée dans mon travail, intensément, pour me concentrer sur autre chose. Mais par la suite, ça revient. » Elle nuance alors l’acte : « Ce n’est pas forcément le geste que je regrette mais c’est le fait de ne pas avoir tenu cet engagement envers moi-même. Parce que le plus difficile c’est d’aller à l’encontre de sa propre idéologie. »

« Je ne suis ni une criminelle, ni une irresponsable »

Elle confie éprouver du mal à assumer d’être vaccinée, en public. Pour l’artiste de 32 ans, le terme exacte est « injection » et relève de l’ordre de l’intime : « Si je décide de me mettre en danger en me faisant vacciner, ça ne regarde que moi. Ça ne veut pas dire que je vais mettre en danger les autres mais c’est ma vie privée. Je ne suis ni une criminelle, ni une irresponsable. Choisir de ne pas le faire, c’est déjà prendre ses responsabilités. » Il est, selon elle, important de comprendre qu’il ne faut pas incriminer les personnes vaccinées, qui doivent être respectées pour leur choix légitime.

La jeune femme dit préférer l’expression artistique à la manifestation et n’y participe donc pas : « Il y a de nombreux vaccinés parmi les manifestants mais pour ma part, j’ai l’impression que ça ne sert à rien. Plus on crie, moins il y a de résultats. C’est décourageant, il n’y aucune réponse en face. Mais ces rassemblements sont le signe concret de la tolérance, on n’est pas seul. » Elle souligne qu’il est positif d’encourager les personnes à exprimer leur mécontentement.

« Être vacciné n’est pas synonyme d’être pro-vaccin »

Du côté de son entourage, Anaïs avoue pudiquement avoir pris un chemin différent de celui d’une partie de ses amis, naturellement séparés par des divergences d’opinion : « Le sujet est évité, on ne s’invite plus, on s’éloigne. Il a indirectement changé nos relations. » En revanche, elle connaît une certaine pression familiale même si elle peut toutefois compter sur le soutien de son petit-ami : « C’est ma mère qui m’a emmené me faire vacciner. Mon petit-ami ne m’aurait jamais accompagné dans cet endroit, faire une chose pareille. On partage la même réflexion. »

Elle rappelle qu’être vacciné n’est pas synonyme d’être un « pro-vaccin » : « Le but n’est certainement pas de persuader l’autre mais d’affirmer sa position. Ok, tu as le droit d’avoir ton opinion et tu ne changeras pas d’avis mais moi non plus. Il est essentiel d’accepter le choix des autres » continue-t-elle. Pour conclure, elle précise que la majorité des artistes du milieu culturel sont vaccinés et respectent mutuellement leur position.

Hawa Locate

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