LIBRE EXPRESSION
« Quand la liberté tombe sa pelisse, j’ai froid ! » (Jean Tenenbaum)
En tant que référent local je me pose deux questions simples : Dans combien de pays sur cette planète faut-il un agrément pour agir et déposer plainte au nom de l’intérêt à agir pour lutter contre la corruption ? Sommes-nous entrés dans une « dictature administrative » ? Oté pou sak y koné pa, dan la not lé kom sa…. lu fé kri a lu « pays des droits de l’Homme et du citoyens ». Jordu moi néna in doutance !
L’agrément d’Anticor a été annulé le vendredi 23 juin 2023. L’indépendance de l’association Anticor semble être sa motivation principale.
Le tribunal administratif de Paris constate que le Premier ministre avait lui-même constaté des manquements de l’association puis lui avait donné un agrément : « Considérant toutefois que l’association a, dans le cadre de la procédure d’instruction de sa demande de renouvellement d’agrément, manifesté l’intention de recourir à un commissaire aux comptes pour accroitre la transparence de son fonctionnement financier, ainsi qu’une refonte de ses statuts et de son règlement intérieur ».
Aujourd’hui le TA considère que cet acte administratif est irrégulier, sa motivation est en contradiction avec sa conclusion. Il sanctionne une mauvaise rédaction de l’arrêté, mais pas un manque d’indépendance d’anticorps qui reste à prouver.
En avril 2021, nous avions constaté qu’il était mal rédigé, mais c’est une décision administrative favorable, elles est incontestable (c’est à une règle basique du droit administratif).
Nous apprenons en décembre 2022 la contestation de cette décision depuis juin 2021. Comme le précise notre présidente Élise VAN BENEDEN, « cette situation n’est pas anormale, car Anticor n’était pas attaqué. C’est le Premier ministre qui est défendeur dans ce procès. C’est anormal en revanche, car nous sommes les seuls pour qui l’issue de ce procès est important… »
L’arrêté est attaqué, pas Anticor. Le jour de l’audience du tribunal administratif, les services du Premier ministre sont absents ni représentés, ont-ils fourni un mémoire de défense ? le service rédacteur de cet arrêté pris en 2021 se tait.
Doit-on mettre cela sur le dos de la défiance vis-à-vis de la juridiction administrative ? Sur la honte de l’incompétence de son service qui ne sait pas rédiger un acte administratif correctement ? Ou sur la certitude d’avoir déjà trouvé « une, voire deux parades » pour contester son propre écrit ? Est-ce un problème d’incompétence ou de malveillance des services du Premier ministre ? Comme le dit notre Présidente. Les adhérents du GL974 sont en droit de se questionner.
Ce procès initié par M. Claude BIGEL, ancien vérificateur au compte d’Anticor. Il prétend que nous tenons mal nos comptes alors qu’il les a personnellement vérifiés. Il le confirme dans son mail en date du 16 février 2021. Il dit avoir discuté avec l’expert-comptable posé des questions et a obtenu toutes les réponses de la part de ce dernier.
Dans les différents rapports établis par les vérificateurs aux comptes, dont un, signé le 4 mars 2020 et rédigé par le plaignant en personne, il demande « quitus pour la trésorière » donc le vote d’approbation du rapport financier, aucun d’entre eux n’est entaché d’insincérité ni d’irrégularité. Que s’est-il donc passé entre le 16 février 2021 et juin 2021 ou M. BIGEL conteste l’arrêté ? Quelles ont été ses motivations réelles ? A-t-il découvert des choses irrégulières ? Non puisqu’aucun document n’abonde dans ce sens lors de la contestation.
Restons sur le factuel. Que nous reproche l’ex-Premier ministre, dans son arrêté :
1- De ne pas avoir de commissaire aux comptes : c’est faux, nous avions déjà un à l’époque parce que la loi l’impose quand on dépasse un seuil de dons du public – le rapport de notre CAC est en ligne sur notre site internet – Première erreur ;
2- De nous être engagés à modifier nos statuts pour améliorer la démocratie interne : c’est vrai, mais, nous avons obtenu, en 2018, un agrément sur la base de nos anciens statuts de 2017, qui étaient déjà très bien, nous avons juste cherché à les améliorer et du coup, nous les avons modifiés en 2022, ça ne veut pas dire que ceux de 2017 étaient un obstacle au renouvellement de notre agrément – c’est comme si notre aveu de pouvoir nous perfectionner nous inculpait… – Deuxième erreur ;
3- D’avoir des anciens administrateurs qui contestent la démocratie interne : c’est vrai. D’ailleurs ce n’est pas le premier litige que nous avons, nous avons déjà gagné en référé, en première instance et en appel contre d’anciens administrateurs qui contestaient des décisions. Anticor ne vit pas en dehors du monde. Le fait que l’on puisse exprimer des opinions divergentes est plutôt un signe de bonne santé démocratique. Dans ce litige, nous nous défendons de toute violation des statuts. Nous aurons probablement une décision à la rentrée, mais Anticor n’a pas d’inquiétude sur ce procès.
En 2021, nous nous sommes fait attaquer. Les mesures sont prises pour perfectionner le fonctionnement d’Anticor, d’où la réforme statutaire.
Mars 2022 un travail pour un encadrement strict de nos financements et de leur transparence finalise les nouveaux (dans le même temps que nous menions une bataille externe sur le renouvellement de notre agrément)
La transparence sur l’identité des gros donateurs est désormais la règle à Anticor. Nous publions leurs noms dans le rapport financier. Nous ne pourrions pas le faire sans leur accord. Personne n’a plus fait de dons importants depuis.
Il est évident qu’Anticor porte plainte contre le ou les pouvoirs en place. Comment pourrait-il en être autrement, la corruption est un abus de pouvoir.
Pour ceux qui seraient tentés de donner une connotation, voire une couleur politique à Anticor. Rappel : l’association a porté plainte contre M. Mélenchon (comptes de campagne), Mme Saal (frais de taxi), M. Passi (embauche de sa sœur à la mairie de Givors), M. Giacobbi (affaire des gites ruraux de corse), Mme Hidalgo (Concession du parc des expositions de Paris)…
Localement des signalements ont été faits aux Parquets avec constitution de partie civile sur des agissements concernant les gestionnaires des collectivités de gauche sur des agissements qui nous semblaient entrer dans l’objet de l’association, (Saint-Joseph, la région Réunion, Sainte-Suzanne, Saint-Benoît) à l’instar de nos actions sur les procédures instruites à l’encontre des collectivités de droite où nous nous sommes constitués partie civile (Le Tampon, Saint-Philippe, Saint-Louis, Sainte-Marie, Saint-André).
Il en va de même pour les responsables d’établissements publics et d’autres institutions, mais aussi des fonctionnaires qui pensent s’autoriser à « s’amuser » avec l’argent public comme Le SDIS, l’AURAR, la SODEGIS le CCAS de Sainte-Marie, Saint-Louis (dossier DORVAL/Hamilcaro)…
Nous agissons aussi sur Mayotte. Nous nous sommes constitués partie civile sur 2 affaires dont la dernière concerne l’IREPS qui a été reportée en septembre dernièrement.
Il est donc faux de dire que nous agissons selon « la gueule du client ». Il est nécessaire de demander des comptes à ceux qui exercent effectivement le pouvoir. Il est nécessaire également de contester les classements sans suite qui ne sont pas légitimes. Comme il est nécessaire de lutter contre le temps que mettent les procédures pour aboutir.
A ce jour :
- Anticor a déposé une nouvelle demande d’agrément auprès de Mme Borne vendredi dernier en LRAR et par mail. Elle a quatre mois pour statuer, mais peut demander un délai supplémentaire de deux mois, ce qui nous mènerait à la toute fin de l’année. Nous n’avons pas encore reçu le récépissé qui fait partir ce délai, mais nous y veillons attentivement.
- Anticor fait appel de la décision ainsi qu’une demande de sursis à exécution pour éviter que toutes les personnes mises en cause dans nos dossiers ne soulèvent des exceptions de nullité, ce qui ne tardera pas à arriver.
- Anticor continuera de porter plainte et les groupes locaux transmettent toujours des signalements aux parquets, mais nous n’aurons plus la maîtrise de ces procédures.
- Le GL 974 a envoyé un courrier à tous les députés de la Réunion pour les alerter sur ce problème d’agrément et de prendre position sur la lutte contre la corruption, les prises illégales d’intérêts, les détournements de fonds, bref sur toutes les infractions qui touchent à la probité.
- Le GL 974 rencontre toujours les lanceurs d’alerte et les conseille.
- Le GL974 demande aux citoyens qui luttent pour les valeurs que nous défendons de nous soutenir par leurs adhésions à Anticor. Nous avons encore plus besoin de vous.
Jean Emile de Bollivier
Chaque contribution publiée sur le média nous semble répondre aux critères élémentaires de respect des personnes et des communautés. Elle reflète l’opinion de son ou ses signataires, pas forcément celle du comité de lecture de Parallèle Sud.