André Beton et Super Payet invité à manger 100% local chez Gabrielle Hoarau.

[Autonomie] Manger 100% local : le défi des 100 jours

CONSOMMATION

Pendant 100 jours, Gabrielle Hoarau, qui vit aux Avirons, a décidé de se lancer un défi : ne manger que des produits 100% réunionnais. De jour en jour, c’est une véritable enquête qu’elle a menée à la recherche des producteurs et de nouvelles façons de cuisiner.

« Tu penses que l’hydrolat de rose, ça pourrait se marier avec le cari poulet ? » Gabrielle farfouille dans sa cuisine. Elle cherche la touche originale qu’elle va pouvoir donner à son déjeuner « yab chouchou » qu’elle a imaginé pour le lendemain. Elle invite Superpayet, le super yab des réseaux sociaux, et André Béton, le caritologue, a venir découvrir sa cuisine 100% locale. Elle a prévu un cari sans tomates pour respecter les codes des hauts. « Maintenant, le challenge c’est d’apporter la touche originale et suffisamment subtile pour ne pas froisser le yab les hauts et ne pas gâcher le goût du cari poulet », lance-t-elle à moitié sérieuse, à moitié amusée.

  • André Beton et Super Payet invité à manger 100% local chez Gabrielle Hoarau.
  • André Beton et Super Payet invité à manger 100% local chez Gabrielle Hoarau.
  • André Beton et Super Payet invité à manger 100% local chez Gabrielle Hoarau.
  • André Beton et Super Payet invité à manger 100% local chez Gabrielle Hoarau.
  • André Beton et Super Payet invité à manger 100% local chez Gabrielle Hoarau.
  • André Beton et Super Payet invité à manger 100% local chez Gabrielle Hoarau.

Autonomie alimentaire : où on en est en 2024 ?

En novembre 2023, suite à un burnout, Gabrielle Hoarau décide de se lancer un défi : manger 100% local pendant 100 jours. Le défi s’est terminé début février mais se poursuit sur sa page Instagram. « J’ai commencé sans me poser de questions, je n’avais aucune intention de plus que de me nourrir et de me restaurer, d’avancer. J’avais besoin de retrouver du sens. L’objectif, c’était de voir en termes d’autonomie alimentaire où on est arrivé en 2024 et comment on ferait réellement si plus aucun bateau n’accostait. »

A travers ce projet, c’est un peu un retour aux sources. Gabrielle Hoarau connait la terre pour avoir assisté sa mère, plus jeune, quand celle-ci était devenue agricultrice. « Je sais ce que c’est qu’arroser une salade pendant 6 mois et la vendre 1 euro », raconte-t-elle. Sa démarche interpelle et fédère autour d’elle, ses amis, sa famille. Sollicitée, elle débute une page Instagram en décembre. Elle y retrace les 100 jours d’enquête qu’elle a menée dans les hauts, dans les bas, aux quatre coins de l’île, à la recherche des producteurs fidèles à leur terroir.

L’huile de coco, une alternative

Pour les fruits et légumes, mais aussi la viande, la mère de famille n’a rencontré aucune difficulté, prenant plaisir à arpenter les allées des marchés. Mais pour certains produits, la production locale est une denrée rare, un trésor à découvrir. Pour les huiles, par exemple. Gabrielle est habituée à consommer l’huile d’olive, mais ce n’est plus possible. Au début du défi, elle utilise donc la graisse animale. Mais rapidement, son corps lui signifie un certain écoeurement. Elle achète un air fryer pour pouvoir « frire » ses aliments avec un simple filet d’huile.

Gabrielle Hoarau a lancé le défi de manger 100% local pendant 100 jours, de novembre 2023 à février 2024.
Gabrielle Hoarau s’est lancé le défi de manger 100% local pendant 100 jours, de novembre 2023 à février 2024.

« A part de l’huile de coco, qu’on peut trouver à la Maison du coco par exemple, mais qui a un goût assez prononcé, il y a quasiment pas d’huile végétale à La Réunion ! J’ai trouvé une dame qui fait de l’huile d’avocat chez elle de façon non déclarée. Dernièrement, elle m’a fait de l’huile de pépins de citron que tu manges plutôt en salade ou alors que tu peux utiliser sur le visage. »

Sel, poivre, thym, combava, curcuma

Trouver des épices locales n’est pas non plus une mince affaire. Gabrielle découvre qu’en retirant les importations, la liste se réduit drastiquement : sel, poivre, thym, combava, curcuma. Elle fait une croix sur le massalé, le cumin… « Il y a très peu d’épices réellement réunionnaises et ce sont des petits amoureux de la nature qui font ça dans leur coin. J’ai trouvé des grains de moutarde à Cilaos par exemple. »

Impossible de se fier au label comme « Nou la fé » qui s’applique tout aussi bien à un produit qui est uniquement transformé à La Réunion même s’il n’y pousse pas. Un nouveau label en revanche, 100% La Réunion, lancé en 2023 par le Département, permet d’identifier les produits réunionnais issus de la terre réunionnaise. Mais il est encore trop peu connu et trop peu répandu. 

Label 100% La Réunion
Label 100% La Réunion

Je rêve de la farine de songe, kambar

Pour les farines, Gabrielle Hoarau doit remplacer le blé par autre chose. « Avant, à La Réunion, on faisait beaucoup de farine de manioc, maïs, blé, mais on a perdu beaucoup dans la production. Moi j’ai trouvé qu’un seul petit monsieur. Il faisait farine de manioc, carotte, courgettes, patate douce, je rêve qu’il me fasse de la farine de songe, kambar… » Mais certaines farines artisanales coutent chères alors elle les mélange, trouve des solutions de substitution. 

Gabrielle découvre qu’il est possible de réaliser des pâtes et donc des tartes en pilant certains légumes utilisés traditionnellement comme la banane verte, le manioc, le fruit à pain ou même la carotte. « Si tu piles dans un pilon, comme font les malgaches ou les africains, il y a une utilité, ça va lâcher l’amidon du légume, du fruit et il va devenir plus compact, il va créer une boule. Il n’y a plus besoin d’ajouter de la farine. »

De nouvelles manières de cuisiner

Passionnée par l’aventure, Gabrielle s’intéresse à de nouvelles manières de cuisiner les légumes réunionnais. Pour trouver de nouvelles idées de recettes, elle se renseigne sur la cuisine africaine, indonésienne, taïtienne, « là où poussent les mêmes fruits et légumes ». Elle redécouvre le « foufou », à base de bananes vertes, et ça lui donne de nouvelles idées.

« Les légumes racines c’était vraiment l’expérimentation pour moi », reconnaît Gabrielle Hoarau, intarissable d’anecdotes. A Noël, l’association Riz Réunion lui envoie du riz blanc et du riz complet pour qu’elle teste. Un plaisir pour ses papilles, elle qui ne pouvait plus consommer de riz depuis le début du défi. Il faut le trier avec le vanne pour enlever les petites graines et deux ou trois cailloux qui restent.

A Noël 2024, l'association Riz Réunion a envoyé à Gabrielle Hoarau du riz made in Réunion.
A Noël 2024, l’association Riz Réunion a envoyé à Gabrielle Hoarau du riz made in Réunion.

Retrouver la joie

Elle a même été jusqu’à fabriquer son propre beurre, en allant chercher son lait directement au pis de la vache, à la Plaine des Cafres. Au supermarché, le lait réunionnais est bien souvent mélangé à du lait en poudre importé et il est difficile d’être sûr de ce qu’on consomme.

Au fur et à mesure des semaines, Gabrielle se rend compte qu’elle retrouve une excitation, une joie dans ce qu’elle fait. « Je me levais le matin et au lieu de déprimer je cherchais une recette pour manger. Tu vas au marché et en fait y a plein de couleurs, c’est le paradis, ton état d’esprit change. » Même si les 100 jours sont passés, elle continue d’approfondir ses recherches et ses expériences. Elle réalise qu’il n’existe aucune liste des magasins qui commercialisent les produits 100% locaux. Et qu’autour d’elle, la demande existe.

Jéromine Santo-Gammaire

Recette du bonbon la rouroute

  • Le secret de Gabrielle Hoarau pour des bonbons la rouroute fondant : n'utiliser que de la farine arrow-root, ne pas mélanger avec de la farine de manioc.
  • Le secret de Gabrielle Hoarau pour des bonbons la rouroute fondant : n'utiliser que de la farine arrow-root, ne pas mélanger avec de la farine de manioc.
  • Le secret de Gabrielle Hoarau pour des bonbons la rouroute fondant : n'utiliser que de la farine arrow-root, ne pas mélanger avec de la farine de manioc.
  • Les bonbons la rouroute au chocolat de Gabrielle Hoarau.
  • Les bonbons la rouroute au chocolat de Gabrielle Hoarau.
  • Gabrielle Hoarau fabrique son propre sucre glace 100% local en mixant du sucre roux de La Réunion.
  • Gabrielle réalise de petits napolitains à partir des bonbons la rouroute.

« Le secret c’est surtout de n’utiliser que de la farine d’arrow-root et de ne pas mélanger avec de la farine de manioc comme les bonbons que l’on trouve au supermarché », explique Gabrielle Hoarau. « Le biscuit fond dans la bouche. »

Les ingrédients :

200g de farine d’arrow-root
60g d’huile de coco
1 oeuf
50g sucre roux
Vanille
Une pincée de sel

Mettre la farine, le sucre, la vanille, le sel dans un bol. Ajouter l’huile progressivement en touillant. A la moitié, incorporer l’oeuf, la consistance reste friable en raison de la farine d’arrow-root, ça ressemble à la consistance du crumble. Faire une boule avec la pâte dans les mains, si ça ne tient pas, on rajoute encore un peu d’huile jusqu’à ce que la boule se tienne bien.

Etaler à l’aide d’un rouleau à patisserie sur un papier cuisson et utiliser un emporte pièce. Il est aussi possible de réaliser les petites boules directement à la main.

Placer au four pendant 15 minutes à 180 degrés.

A propos de l'auteur

Jéromine Santo Gammaire | Journaliste

En quête d’un journalisme plus humain et plus inspirant, Jéromine Santo-Gammaire décide en 2020 de créer un média indépendant, Parallèle Sud. Auparavant, elle a travaillé comme journaliste dans différentes publications en ligne puis pendant près de quatre ans au Quotidien de La Réunion. Elle entend désormais mettre en avant les actions de Réunionnais pour un monde résilient, respectueux de tous les écosystèmes. Elle voit le journalisme comme un outil collectif pour aider à construire la société de demain et à trouver des solutions durables.