Récupérer l'eau de pluie pour être autonome. Chez Ibrahim Moullan, décembre 2023.

[Ecologie] Réutiliser l’eau de pluie pour être autonome

REPORTAGE

Et si, à l’avenir, nous concevions des immeubles, des quartiers, qui fonctionnent avec la récupération d’eau de pluie ? Ibrahim Moullan, agriculteur des hauts de Saint-Joseph, montre qu’il n’est pas si compliqué de devenir autonome dans notre consommation d’eau. Depuis 2008, la réglementation autorise d’ailleurs l’utilisation de l’eau de pluie en intérieur pour les toilettes, le nettoyage des sols, l’arrosage des plantes et le lavage du linge.

« La quantité d’eau est la même sur Terre aujourd’hui qu’il y a 2 000 ans », s’exclame l’agriculteur qui vit à Jacques Payet, dans les hauts de Saint-Joseph. Ibrahim Moullan est autonome vis à vis de sa consommation d’eau. « Faire croire qu’on va manquer d’eau et qu’elle va être de plus en plus chère c’est une aberration. »

Comme il n’est pas raccordé au réseau public de distribution, Ibrahim Moullan a du s’adapter, rechercher des solutions alternatives. Il s’est documenté, notamment sur le site www.eautarcie.org et a installé deux citernes sur son terrain. La première, de 3 000 L, est raccordée à son habitation, la seconde, de 5 000 L, à un bungalow situé un peu plus bas sur le terrain.

Comme il le montre dans la vidéo, l’eau glisse le long de gouttières jusque dans une cuve, puis elle s’écoule via un tuyau de 200 mètres de long jusqu’à la maison en aval. « Avec dix mètres d’altitude on gagne un barre de pression, là j’ai 2 à 3 barres de pression », explique-t-il. Si ce n’est pas envisageable d’installer la citerne en hauteur, il est toujours possible de brancher une pompe électrique pour renvoyer l’eau dans le réseau.

Filtrée trois fois

Lorsque l’eau de pluie rejoint le circuit de la maison, elle est filtrée trois fois. Ibrahim avait même un quatrième filtre, un filtre UV, qu’il a fini par débrancher car il fonctionnait sur l’électricité. « Ca me coûte 100 euros tous les six mois. Les filtres laissent passer les particules plus ou moins grandes. Après ça, l’eau est beaucoup plus claire que dans plein de villes. Le problème du réseau public, c’est que les canalisations sont souvent sales et il y a des pertes d’eau de source dans la terre à plusieurs endroits. »

  • Récupérer l'eau de pluie pour être autonome. Chez Ibrahim Moullan, décembre 2023.
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Avec 3 000 L, il a de l’eau en abondance, d’ailleurs sa citerne est toujours pleine ou presque. Il faut dire que la pluie est elle aussi abondante à Jacques Payet. Accoudé à la fenêtre, il observe les nuages évoluer juste en dessous de son terrain. Lorsqu’ils s’écartent, on aperçoit la côte. « Il fait beau à Vincendo ! » lance-t-il.

Mais peu importe le temps, il est tout à fait possible selon lui de reproduire une installation à l’identique ailleurs sur l’île, même dans l’ouest où il fait sec. Il suffit d’adapter la taille du toit qui va récupérer l’eau ainsi que la capacité de stockage de la cuve. « Il faut que la citerne soit enterrée pour éviter les variations de température et la prolifération de bactéries et l’idéal est qu’elle soit en béton pour stabiliser le PH de l’eau. »

Interdite à la consommation

Même si les bâtiments ne sont jamais construits en prenant en compte cette problématique, la réglementation française autorise depuis l’arrêté du 21 août 2008 l’usage de l’eau de pluie en intérieur pour les WC, le nettoyage du sol et l’arrosage des plantes. A l’heure actuelle, il est interdit d’utiliser cette eau pour la consommation et la cuisine ainsi que pour la douche ou la vaisselle. Elle est autorisée pour le lavage des vêtements. La loi encadre l’utilisation de l’eau de pluie, mais, sans doute en raison des sécheresses récentes, le cadre législatif est en cours d’évolution.

On pourrait ainsi envisager dès aujourd’hui des immeubles entiers construits avec une citerne sur le toit ou enterrée au pied, desservant l’ensemble des appartements. En attendant ce changement collectif, il est possible d’installer sa propre citerne. Le site eaureunion.fr permet d’évaluer sa consommation annuelle d’eau et de calculer le dimensionnement de la cuve d’eau de pluie dont on aurait besoin. A travers un schéma explicatif, il donne les éléments d’équipements nécessaires pour installer sa citerne.

Evaluer la qualité de l’eau de pluie

Le site du Ministère de la Santé estime que « l’eau de pluie est une eau non potable, car contaminée microbiologiquement (principalement lors du ruissellement de l’eau sur le toit et dans la cuve de stockage) et chimiquement (pesticides dans la pluie, métaux par ruissellement sur le toit, etc). Elle ne respecte pas les limites de qualité fixées par le code de la santé publique pour les eaux destinées à la consommation humaine (dites « eaux potables »). » A l’inverse des réglementations des Etats qui se protègent de tout problème d’hygiène, le site eautarcie.org, qui souhaite préserver les ressources, estime que l’eau de pluie, non traitée par le chlore, est naturellement douce et de meilleure qualité pour la consommation. « C’est au moment où l’eau tombe du ciel qu’elle est (et de loin) la plus propre. Et cela, en dépit de la pollution atmosphérique. »

Avant toute chose, il est important d’évaluer la qualité de l’eau de pluie où l’on se trouve, ainsi que notre capacité à la prélever et à la stocker. En fonction de ces éléments, on va adapter la filtration de l’eau ainsi que son usage. Il va peut-être falloir opérer des choix s’il n’est pas possible de répondre à l’ensemble des besoins.

Le propriétaire d’une citerne doit respecter plusieurs règles légales : entretenir régulièrement la cuve (vidange, désinfection de la cuve, nettoyage des filtres), empêcher l’accès des insectes et moustiques, signaler à l’aide de panneaux que l’eau n’est pas potable à chaque point d’eau… Il ne doit pas raccorder le réseau d’eau de pluie au réseau d’eau potable pour éviter la contamination du second, il doit ainsi mettre en place entre les deux un système de disconnexion.

Finalement, avec un peu d’imagination et de volonté, la ville du futur, capable d’utiliser raisonnablement les ressources en eau, ne semble pas si éloignée de nous…

Jéromine Santo-Gammaire

A propos de l'auteur

Jéromine Santo Gammaire | Journaliste

En quête d’un journalisme plus humain et plus inspirant, Jéromine Santo-Gammaire décide en 2020 de créer un média indépendant, Parallèle Sud. Auparavant, elle a travaillé comme journaliste dans différentes publications en ligne puis pendant près de quatre ans au Quotidien de La Réunion. Elle entend désormais mettre en avant les actions de Réunionnais pour un monde résilient, respectueux de tous les écosystèmes. Elle voit le journalisme comme un outil collectif pour aider à construire la société de demain et à trouver des solutions durables.

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