CONSERVATOIRE BOTANIQUE NATIONAL DE MASCARIN
Identifier et répertorier des plantes à flanc de rempart, c’est difficile. Ramasser des graines au sommet des arbres, c’est dangereux. Pourtant, ces actions sont indispensables à la connaissance et la préservation de notre biodiversité. Un drone est à l’essai pour réaliser la cueillette.
Aux cordistes, la technologie moderne propose une alternative : les drones. On savait déjà les envoyer en observation (seulement depuis 2021 à La Réunion), mais on ne pouvait les utiliser pour prélever des échantillons. La société canadienne Outreach Robotic a mis au point un système capable de ramasser boutures, fleurs, graines, fruits et échantillons d’ADN (des morceaux de feuilles). Deux Québécois viennent de le démontrer après une semaine passée dans l’île avec les scientifiques du Conservatoire botanique national de Mascarin. Lundi 9 octobre, ils ont fait une démonstration de leur savoir-faire sur le site du conservatoire devant une quarantaine de personnes, des pépiniéristes, des agents du Parc national, de l’ONF, du Département…, pour les convaincre de l’intérêt du dispositif.
Un drone porteur s’élève à la verticale. Accroché quinze mètres plus bas, le Mamba est un autre drone, au déplacement vertical cette fois. Ce second drone est équipé d’une caméra ainsi que d’une pince pour prélever feuilles ou branches jusqu’à deux centimètres de diamètre ou d’un petit panier qui ramasse les plus petites récoltes, la coupe étant réalisée à l’aide d’une scie circulaire intégrée. Le tout est imprimé en 3D par Outreach Robotic, l’entreprise québécoise. Sur place, les Canadiens peuvent compter sur Drone Réunion, l’opérateur local choisi pour poursuivre l’expérience.
C’est seulement la deuxième fois que ce dispositif est expérimenté. La première, c’était à Hawaï et surtout sur des herbacées. La semaine dernière, une équipe d’une dizaine de personnes s’est déplacée dans les rivières des Galets et des Pluies, à la Grande-Chaloupe et à Petit Bras Piton, à la Plaine-des-Cafres. Il s’agissait de répertorier les besoins locaux et tester in situ l’appareil. L’île compte 962 espèces indigènes dont 24 % d’endémiques strictes. 41% sont menacées d’extinction.
« C’est en voyant l’expérience hawaïenne, au relief et à l’endémisme comparables à ceux de la Réunion, que nous avons eu l’idée d’inviter Outreach Robotic à venir expérimenter son Mamba sur l’île », expliquent Sarah Roussel et Arnaud Rhumeur, botaniste au CBNM. « Au cours de la semaine d’essais, nous avons effectué 106 récoltes, de 15 espèces différentes », poursuivent-ils.
Même si ces prélèvements étaient destinés à tester en toutes conditions la machine et ses limites techniques, ils ont permis de répertorier quatre stations d’une des espèces les plus rares de l’île, l’Heterochaenia fragans, de prélever des fruits de bois puant et de constater qu’ils étaient consommés par des rats, ce qu’on ne savait pas, ou encore d’identifier un très très rare palmiste rouge des Bas – visible mais inaccessible – que l’on croyait être un palmiste blanc.
Les limites du système sont un emport de seulement 500 grammes, trop peu pour les plus gros fruits charnus, et le besoin de voler à vue, les obstacles perturbant le retour vidéo avec le drone.
Avec cette démonstration, le CBNM espère convaincre d’autres structures de s’associer à lui pour acquérir un exemplaire du Mamba, au coût d’environ 50 000 euros, ses besoins propres étant trop limités pour l’amortir.
Philippe Nanpon