[Chronique dans le noir] Quel regard porte la société sur le handicap ?

ENQUÊTE SUR LE RESSENTI DES HANDICAPÉS

Parlons aujourd’hui de la réalité vécue par la plupart des personnes handicapées chaque jour. Comment les personnes déficientes visuelles ressentent-elles les réactions diverses que leur présence suscite au sein de la population ?

Tandis que certains font preuve d’indifférence, voire de mépris, d’autres font preuve d’empathie et de bienveillance envers les personnes aveugles ou malvoyantes. Ces attitudes sont influencées par la perception du handicap, les stéréotypes, la méconnaissance et les traits de personnalité de chacun.

Étant moi-même non-voyant, je suis bien placé pour vous le dire. Que ce soit dans la rue, en prenant le bus ou même autour de chez moi, je perçois le regard insistant et curieux des gens. Face à moi, certains restent bien souvent immobiles, hésitants, ils ne savent pas comment m’aborder comment me parler.        

Mais vu l’importance de ma cécité, quand je suis seul à marcher sur mon trottoir, pour mieux me déplacer, j’ai besoin d’entendre la voix de la personne qui se trouve en face de moi surtout quand le trottoir est étroit.

Qui pro quo et plaisanteries

Petite anecdote qui date de deux ans. Brigitte ma kiné au tout début avait peur de me laisser entrer ou sortir de son cabinet tout seul. Elle envoyait, sans que je le sache, Laurence, la secrétaire, pour m’accompagner jusqu’à l’arrivée du chauffeur. J’ai commencé à me poser des questions sur les intentions de cette belle et charmante dame célibataire qui était toujours prête à me suivre. Deux mois plus tard, elle s’est sentie tellement gênée par mes questions qu’elle a fini par m’avouer que c’était sa patronne qui lui en avait donné l’ordre.

Jean philippe Sevagamy canne blanche
La plupart reste la main dans le vide pour me saluer. Oups, mince il est aveugle, se disent-ils.

Aussi dans la salle de sport de la Rivière Saint-Louis, je sentais au tout début une hésitation de certains de mes coachs sur certains appareils de musculation. Ils avaient peur que je me blesse. En m’observant, avec le temps, ils se sont adaptés à moi. Ils m’ont montré comment changer le poids des appareils tout seul.

Actuellement ceux qui me connaissent ne sont plus gênés de me voir. Ils savent comment je me prénomme et prennent le temps de me saluer. Certains se sont habitués à moi et me surnomment Jean-Jean ou JP ou Louloute. Le plus jeune coach, pour plaisanter, me surnomme Jean-Désiré, car d’après lui, je me fais désirer par la plupart des femmes de la salle. Et pour les autres adhérents, qui ne me connaissent pas, la plupart reste la main dans le vide pour me saluer. Oups, mince il est aveugle, se disent-ils.

Je dois reconnaître qu’il faut être fort dans sa tête et accepter les choses telles qu’elles sont. Il faut que les gens prennent conscience des facultés que peuvent avoir une personne handicapée. Ceci étant dit quel que soit le handicap que nous possédons, le ressenti est identique. 

Perceptions erronées dans le milieu professionnel

Dans le milieu professionnel, les dirigeants perçoivent souvent le handicap visuel comme un obstacle majeur. Cette vision biaisée peut mener à des stéréotypes et une méconnaissance des réelles capacités des personnes déficientes visuelles. Par crainte qu’elles ne puissent répondre aux exigences du poste, les employeurs renoncent parfois à les recruter.

Mais, concrètement, ce qu’il faut savoir c’est qu’il existe depuis le 26 avril 1924 en France une loi qui donne les véritables bases de la réinsertion professionnelle des personnes handicapées. 

Les deux visages de l’indifférence

Lors des premières rencontres, 44% des personnes handicapées ressentent de la gêne chez leur interlocuteur, un chiffre qui grimpe à 56% en cas de troubles moteurs. Ce malaise entre personnes valides et handicapées peut s’accentuer selon le type de déficience.

L’indifférence peut être perçue comme une faiblesse lorsqu’elle se traduit par un désintérêt ou une froideur nuisible aux échanges sociaux. Cependant, elle peut aussi être vue comme une force permettant de rester neutre face à certaines situations.

L’égoïsme, frein à l’inclusion et au recrutement

L’égoïsme, souvent lié au narcissisme, peut mener à une indifférence envers autrui et un manque de considération pour les personnes handicapées. Il est toutefois important de distinguer l’égoïsme sain, qui consiste à prendre soin de soi tout en restant disponible pour les autres, de l’égoïsme nuisible causant indifférence et mépris.

Nicolas M’Tima est l’un des rares non-voyant à avoir un travail de standardiste.

Cette indifférence générale constitue un obstacle majeur à l’emploi des personnes handicapées. La majorité d’entre elles connaissent des parcours professionnels instables ou se retirent du marché du travail. Il faut à tout prix lutter contre ce fléau.

Sensibilisation, clé de l’inclusion

Pour favoriser l’intégration des personnes déficientes visuelles, il est essentiel de sensibiliser les professionnels au handicap visuel. Des actions permettant de mieux comprendre leur quotidien et de favoriser une meilleure intégration en considérant le rythme de chacun.

En conclusion, l’indifférence et le regard porté sur le handicap sont des problématiques complexes nécessitants une prise de conscience collective. La sensibilisation, l’éducation et des politiques inclusives sont des étapes clés vers une société plus accueillante et empathique envers les personnes en situation de handicap.

Jean-Philippe Sévagamy 

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Handicap

Déficients visuels, handicap.

Un regard de la société sur le handicap

A propos de l'auteur

Jean-Philippe Sevagamy | Reporter citoyen

Jean-Philippe Sévagamy est non-voyant et membre actif de l'Association Valentin Haüy. Il surmonte son handicap en portant de multiples projets au profit des déficients visuels (DV). Il raconte comment « vivre dans le noir » pour les lecteurs de Parallèle Sud.