[Chronique dans le noir] Les sens aiguisés des non-voyants… 

POSSÈDE-T-ON RÉELLEMENT UN SEPTIÈME SENS ?

Bien que privées de la vue, les personnes aveugles — en particulier celles nées aveugles — développent souvent des aptitudes remarquables dans d’autres domaines sensoriels. Leur cerveau, doté d’une grande plasticité, se réorganise pour optimiser l’utilisation des informations provenant des sens résiduels, leur conférant ainsi des capacités hors du commun.

L’ouïe est l’un des sens les plus affûtés chez les non-voyants. Grâce à une perception auditive améliorée, ils excellent dans la localisation des sons dans l’espace. Leur cortex visuel est recruté pour analyser les signaux auditifs spatiaux, leur permettant de se représenter leur environnement avec précision.

Certains aveugles vont jusqu’à maîtriser l’écholocation, une technique inspirée des chauves-souris. En émettant des sons et en analysant les échos réfléchis, ils parviennent à détecter les obstacles et à se forger une image mentale de leur environnement immédiat.

L’Effet de masse

Au-delà de l’écholocation, les non-voyants développent un « sens des masses » leur permettant de ressentir la présence d’objets massifs ou de discontinuités. En combinant une ouïe fine et l’interprétation des échos sonores, ils détectent les obstacles, murs, ouvertures et variations spatiales.

Cette cartographie de l’espace environnant sans la vue fait partie des compétences sensori-motrices développées pour compenser leur déficience visuelle.

Le toucher et l’odorat sont aussi des sens exacerbés chez eux. 

Leur perception tactile fine et le repérage des odeurs sont nettement supérieures.

Il est important de noter que ces perceptions sensorielles accrues varient d’un individu à l’autre selon leurs capacités et leur degré de compensation sensorielle. Certains non-voyants développeront des aptitudes plus poussées que d’autres dans certains domaines spécifiques.

Ainsi, leur cerveau exploite au maximum les informations des autres sens, leur conférant des capacités hors du commun mais à des degrés divers selon la personne.

Et les rêves ?

Les personnes non-voyantes de naissance qui n’ont jamais vu, comment font-elles pour rêver ?

Bien qu’elles n’aient jamais eu accès à la vision, leur cerveau parvient à construire des rêves immersifs en exploitant leurs autres sens, tels que l’ouïe, le toucher et l’odorat. Leurs rêves sont fabriqués à partir des expériences sensorielles non-visuelles accumulées dans la vie éveillée (sons, textures, odeurs). Elles associent les éléments de leurs rêves à des combinaisons uniques de ces perceptions stockées en mémoire. Leurs rêves peuvent être tout aussi vifs et imaginatifs que ceux des voyants, mais construits différemment à partir de leurs sens non-visuels.

Voici un petit poème que je me suis permis d’écrire.

Louange aux Sens des Non-Voyants

Au-delà des ombres de la nuit profonde, 

Vos autres sens illuminent le monde. 

L’ouïe, vibrant telle une harpe céleste, 

Capte les moindres murmures terrestres.

Le toucher, d’une douceur infinie, 

Caresse l’écorce, la soie, la vie.   

L’odorat, délicat parfum enivrant, 

Vous guide au cœur d’un Éden odorant.

La langue, cette exploratrice gouteuse, 

Savoure les saveurs les plus merveilleuses. 

Tandis que l’esprit, œil de l’âme, 

Voit bien au-delà des prismes de la flamme.

Privés de la vue, mais grands voyants, 

Vos sens aiguisés percent l’ambiant. 

Sculptant l’univers d’une autre lumière, 

Vos perceptions sont un art millénaire.

Votre monde se lève, riche et vivace, 

Jaillissant des ténèbres avec panache. 

Un éden sensoriel, un règne merveilleux, 

Où chaque instant est un don précieux.

Jean-Philippe Sévagamy

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A propos de l'auteur

Jean-Philippe Sevagamy | Reporter citoyen

Jean-Philippe Sévagamy est non-voyant et membre actif de l'Association Valentin Haüy. Il surmonte son handicap en portant de multiples projets au profit des déficients visuels (DV). Il raconte comment « vivre dans le noir » pour les lecteurs de Parallèle Sud.