[Chronique dans le noir] Comment voter à l’aveugle

DEVOIR CITOYEN

Pour une démocratie inclusive : je vote ! Y aura-t-il dimanche 30 juin des personnes handicapées dans nos bureaux de vote ? Le droit de vote pour tous sans exception.

En France, le droit de vote est un pilier fondamental de la citoyenneté, garanti à tous. Cependant, pour les personnes déficientes visuelles, l’exercice de ce droit peut présenter des défis particuliers. Examinons les dispositions actuelles et les enjeux qui persistent.

Cadre légal et principes généraux

La loi française affirme le droit de vote pour tous les citoyens, y compris ceux en situation de handicap. Elle stipule que des mesures doivent être prises pour faciliter l’accès au vote universel pour toutes les personnes handicapées, quel que soit leur type de handicap. Cependant dans la pratique, les dispositions spécifiques pour les personnes déficientes visuelles restent limitées.

L’État a pourtant l’obligation de garantir l’accessibilité des bureaux de vote et de mettre en place des dispositifs d’assistance pour permettre à toutes les personnes handicapées de voter de manière autonome et secrète.

Votons à l’aveugle tout en étant connectés !

Voici une petite enquête que je me suis permis de réaliser à partir de faits réels vécus certains de mes amis non-voyants. Malgré leur handicap visuel, ils se disent être citoyens à part entière, prêts à accomplir le dimanche 30 juin leur devoir de citoyen. Et même si aujourd’hui ils sont conscients du manque d’accessibilité , ils disent quand même croire en la démocratie. L’important est de contribuer à l’avenir de notre pays, penser à la génération de demain.

À mon domicile je reçois la propagande électorale : je ne peux pas voir les candidats mais je peux les juger sur leurs propositions.

Pour chaque scrutin, la propagande électorale est envoyée au domicile de chaque électeur. Il s’agit de la profession de foi des candidats et des bulletins de vote. Cet envoi permet à toute personne handicapée de préparer son bulletin de vote à son domicile et, si besoin est, de se faire aider par un tiers. C’est plus pratique car il suffit de prendre l’enveloppe de scrutin et de passer par l’isoloir.

Idem pour les personnes qui ne savent pas lire ou écrire. Petite pensée aux personnes qui perdent la vue tardivement et qui ont besoin d’aide.

La technologie brise les barrières !

Pour celui ou celle qui en perdant la vue souhaite retrouver une certaine autonomie, des applications innovantes existent sur iPhone ou Android

Des applications telles que Seeing Eye, Be my Eyes ou Envision qui nous permettent de scanner et de lire par exemple le programme de chaque candidat. Je n’ai pas d’autre solution que celle-là pour pouvoir être libre de mon choix sans être influencé par mon entourage. Bulletin en main, je le plie soigneusement et finis par le ranger dans ma poche. Ni vu ni connu, je m’apprête à aller voter, faire mon devoir de citoyen.

En me présentant à mon bureau de vote dimanche, je me ferai connaître auprès du président lui indiquant ma cécité et que j’ai ce qu’il me faut dans la poche pour voter. Je récupère juste l’enveloppe. C’est la seule façon pour nous, personnes déficientes visuelles, d’être autonome dans notre vote car malheureusement de nos jours, les bulletins qu’on reçoit ne sont pas adaptés en braille, en audio ou en gros caractères. Malheureusement, tous les non-voyants ou malvoyants ne maîtrisent pas le braille ou l’informatique.

Aucune amélioration n’a été faite pour nous permettre de voter comme tout citoyen. Comment faire confiance à nos hommes politiques ? La solution technologique : rester connectés pour être libre de son vote !

Je dois reconnaître que, de nos jours, des applications existent sur nos téléphones portables car sans elles beaucoup de personnes non-voyantes et malvoyantes n’auraient pas osé voter, même si nous sommes très peu à le faire au final.

Il n’y a pas de bulletin en Braille, pas de code barre ou de bande électronique dans les bureaux de vote, pas d’accessibilité. Ça décourage les personnes aveugles.

En général, celui qui possède peu ou très peu d’acuité visuelle a beaucoup de mal à lire et utilise le téléagrandisseur, une loupe électronique ou des applications telles que celles des personnes aveugles. Mais beaucoup de personnes malvoyantes peuvent également lire en gros caractère un texte format Word. Une personne qui perd tardivement la vue, aura systématiquement besoin d’un accompagnement ou elle fera une procuration à quelqu’un de confiance.

Mais ou sont passées les promesses de nos élus !

Depuis plus de 60 ans, dans l’hexagone et en outre-mer, plusieurs générations de dirigeants politiques ont vu le jour. Des promesses ont été faites par beaucoup d’entre eux concernant le droit et l’accessibilité des personnes handicapées, y compris les déficients visuels. Grâce aux mesures comme les bulletins en Braille, la mise en place du vote électronique accessible, l’envoi de la propagande en Braille et en audio.

Des options qui n’ont jamais été mises en place, sans doute dû au surcoût et au manque de volonté de nos politiques. Que de belles paroles de nos élus, comment leur faire confiance !

Alors comment garantir le droit de vote des personnes aveugles ou malvoyantes, en s’assurant du secret et de l’autonomie du vote ?

Jean-Philippe Sévagamy

A propos de l'auteur

Jean-Philippe Sevagamy | Reporter citoyen

Jean-Philippe Sévagamy est non-voyant et membre actif de l'Association Valentin Haüy. Il surmonte son handicap en portant de multiples projets au profit des déficients visuels (DV). Il raconte comment « vivre dans le noir » pour les lecteurs de Parallèle Sud.