Arbre tombé sur une maison en tôle dans le quartier de Labattoir sur Petite-terre.

Face à la fin du visa territorialisé, la gauche réunionnaise préfère l’égalité sociale 

Le mardi 24 juin dernier, l’Assemblée Nationale a finalement adopté de manière définitive la fin des visas territorialisés à Mayotte à l’horizon 2030. Une décision contestée par les députés de la gauche réunionnaise et des débats qui révèlent une position particulière de leur part sur la question de l’immigration illégale dans l’archipel. 

Panser Mayotte après Chido

Ce lundi 23 juin, l’Assemblée nationale entamait une semaine décisive en inscrivant à son ordre du jour l’examen du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte. À travers ce texte stratégique, le gouvernement entend engager une transformation profonde de l’archipel à l’horizon 2031, dans le cadre de la seconde phase du plan « Mayotte Debout », lancé au lendemain du passage du cyclone Chido, en décembre 2024. Ce dernier avait mis en lumière l’extrême vulnérabilité du territoire, tant sur le plan des infrastructures que des services publics ou de la cohésion sociale.

Adopté en première lecture par le Sénat le 27 mai dernier, le texte a depuis été amendé en commission des lois à l’Assemblée. Il prévoit près de 4 milliards d’euros d’investissements sur la période de 2025 à 2031, et aborde des chantiers majeurs : convergence sociale, urbanisme, infrastructures, sécurité, gouvernance locale… Mais c’est surtout son versant migratoire et institutionnel qui suscite les réactions les plus vives dans l’hémicycle.

Un projet de loi qui fait débat 

Déjà objet de vifs débats au Palais du Luxembourg, la version actuelle du texte est critiquée à gauche pour son accent mis sur le durcissement des conditions de séjour, la répression de l’habitat informel et l’extension du recours aux ordonnances. Le projet comporte notamment une disposition très controversée : la disparition progressive des titres de séjour territorialisés à l’horizon 2030, une mesure qui cristallise les tensions entre exigence de souveraineté, pression migratoire et respect des droits fondamentaux. Une nécessité « pour que la devise Liberté, Egalité, fraternité soit vraie » selon les mots d’Estelle Youssouffa, députée mahoraise. 

Depuis La Réunion, cette disposition spécifique suscite de vives inquiétudes et soulève plusieurs questions. Lors des précédents débats au sujet de l’archipel et notamment en commission des lois, la députée Émeline K/Bidi, s’était opposée de manière forte contre la proposition d’une fin de la territorialisation des visas (obtenant le report de cette disposition à 2030 au lieu de 2026) qui empêche aujourd’hui toute personne disposant d’un titre de séjour obtenu sur l’archipel de se rendre sur les autres territoires français. 

Lors des débats précédant le vote des députés, le gouvernement, par la voix du ministre des outre-mer, Manuel Valls, a rappelé son souhait de ne « pas revenir sur le principe de validité territoriale limitée des titres de séjour » considérant que le risque de voir ensuite le problème migratoire se déplacer sur l’île de La Réunion ou le continent européen. Une position partagée par le Rassemblement national et Marine Le Pen qui restent sur une position de « fermeté totale » qui consisterait à renvoyer les Comoriens chez eux. 

La gauche réunionnaise contre la fin du visa territorialisé

Cette disposition est portée depuis longtemps par les représentants de Mayotte comme la députée Estelle Youssouffa ainsi que le sénateur Saïd Omar Oili qui avait qualifié cette exception comme tant « un héritage de la législation coloniale » lors du vote de la loi sur le renforcement des conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte. Le sénateur avait d’ailleurs lui-même déposé une proposition de loi pour mettre fin à ce qu’il qualifiait « d’aberration ». 

Lors du passage du texte en commission de loi, début juin, la députée de Mayotte s’est d’ailleurs exprimée pour dénoncer le double discours de certains élus de la gauche réunionnaise sur la question migratoire : une gauche qui d’un côté s’oppose au durcissement des politiques migratoires et de l’autre, s’élève contre la fin d’une disposition considérée comme discriminatoire à l’encontre des Mahorais.

Lors de l’ouverture des débats en assemblée plénière, le député LFI Jean-Hugues Ratenon exprime parfaitement cette dualité dans la position de la gauche locale affirmant que si « la fin du tire de séjour territorialisé constitue une mesure de justice en faveur des jeunes en situation régulière », l’hexagone devra pour autant être pleinement solidaire de l’archipel mahorais sans « privilégier celle du territoire le plus proche, La Réunion ». Une déclaration qui lui a d’ailleurs valu une petite pique de la part d’Estelle Youssouffa en plein hémicycle.

L’égalité sociale comme priorité pour Mayotte

Dans un communiqué à l’issue des débats en commission des lois, la députée Émeline K/Bidi soulignait que « l’île est déjà confrontée à une pénurie de logements, au chômage de masse et à un taux de pauvreté élevé » et qu’elle ne peut supporter seule les conséquences d’un réajustement migratoire décidé à Paris sans véritable concertation locale. 

Majoritairement, la gauche réunionnaise, qui reconnait le sous-développement de l’archipel et la nécessité de proposer avec cette loi de refondation, une véritable restructuration des infrastructures, dénonce la « migrantisation » des problèmes rencontrés par Mayotte depuis le passage de Chido. Lors de sa prise de parole, Philippe Naillet reconnait que « si personne ne sous-estime la question de l’immigration irrégulière », la multiplication des opérations de lutte contre celle-ci sur les dernières années ont surtout servi « la communication des ministres en recherche de lumière » plutôt qu’elles n’ont permis une lutte efficace. 

Naillet, Ratenon et K/Bidi s’alignent tous sur la nécessité d’apporter de réelles solutions à la population de Mayotte notamment en matière d’égalité sociale. Une position qui pour une fois rejoint celle de leur consoeur, Estelle Youssouffa, qui a d’ailleurs proposé un amendement pour un alignement du SMIC à Mayotte dès 2027. 

Olivier Ceccaldi

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Olivier Ceccaldi

Photoreporter.

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