[Chronique] L’art de la découpe

N’AYONS PAS PEUR DES MOTS

Lu ces derniers jours : « « En France, c’est deux à trois enfants par classe, à La Réunion, c’est beaucoup plus », déclare Jessy Yong-Peng. » (Imaz Press Réunion)

Prendrait-on nos bambins pour des demi-portions ou de pauvres êtres taillables et « découpables » à merci ? Au vu de l’extrait d’article ci-dessus, nous serions fondés à nous poser la question. La règle au menu du jour stipule en effet que l’on n’emploie la préposition « à » entre deux adjectifs numéraux que si l’écart qui sépare ces derniers peut être fractionné. Dans le cas contraire, c’est la conjonction « ou » qu’il convient d’utiliser. 
On écrira donc : 
— « La longueur du jardin est de dix à onze mètres. » (il peut mesurer 10,40 m, 10,50 m…)
— « Il y avait six ou sept personnes dans le magasin. » (il ne pouvait raisonnablement y en avoir six et demie)
— « Neuf à dix mois seront nécessaires pour réaliser les travaux. » (cela peut être neuf mois et un jour, deux jours… et je ne parle par des éventuels retards)
Selon le sens, les deux tournures sont possibles dans :
— « Cet écrivain écrit dix ou onze pages par jour. » (il y a hésitation sur le nombre)
— « Cet écrivain écrit dix à onze pages par jour. » (la dernière page peut ne pas être complète)
Mais on évitera d’écrire, comme je l’ai lu récemment sur la Toile : 
— « … un espace tout en longueur où deux banquettes latérales pour deux à trois personnes se font face. » (Voile & Moteur)
— « … les clients réservent deux à trois séances par semaine. » (Monaco-Matin)
— … elle n’hésite pas à faire 300 à 400 mètres deux à trois fois par jour pour aller s’abreuver. (réussir.fr)

Bon allez, j’arrête d’enfoncer le couteau dans la plaie. La critique est aisée mais l’art de la découpe est difficile. 

K. Pello

Pour poursuivre le voyage dans le labyrinthe de la langue française, consultez le blog : N’ayons pas peur des mots

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