Chronique

[Chronique] Mes meilleurs vieux 2023 !

N’AYONS PAS PEUR DES MOTS

Parallèle Sud accueille dans ses colonnes les critiques d’un dévoreur de phrases qui peut passer pour un sacré pinailleur.

« Meilleurs vœux à tous les Français ! » « Meilleurs vœux à tous les Réunionnais ! » Et en filigranes, « Meilleurs vœux à vous tous, mes futurs électeurs ». Je vais vous faire un a…vœu, je n’aime pas cette période post-festive où hommes et femmes politiques donnent de la voix pour nous souhaiter tout plein de bonnes choses, bonheur, réussite et santé, surtout la santé, sachant que nous allons encore en baver des ronds de chapeau pendant douze mois. Je l’aime d’autant moins que si la démarche peut sembler louable aux yeux de certains, la forme est autrement discutable. Consacrée par l’usage depuis des siècles, l’expression « Meilleurs vœux  ! » n’en est pas moins grammaticalement impropre. 

« Meilleurs vœux », c’est bien joli, mais par rapport à qui, par rapport à quoi ? À ceux de l’année passée ? À ceux de l’année prochaine ? À tous les vœux qu’il vous a été donné d’émettre et de recevoir depuis votre naissance ? Absurde, vous en conviendrez. Voilà pourquoi les puristes nous rappellent qu’il conviendrait en toute logique de chasser de notre langage la formule comparative « Meilleurs vœux » au profit de la locution superlative « Mes meilleurs vœux » (les meilleurs vœux que je sois en mesure de vous présenter), dont elle n’est finalement qu’une maladroite version elliptique.

Vœu pieux, dites-vous ? J’en ai bien peur. De guerre lasse, hélas !, nombre de linguistes ont plié sous le poids de l’usage. Disciple de Maurice Grevisse (Le Bon Usage), Michèle Lenoble-Pinson (Le Français correct) observe ainsi que « les formules sans déterminant sont si fréquentes, à la fin de l’année, pendant les vacances, qu’il serait difficile de les chasser de l’usage et que malgré leur brièveté peu courtoise, elles sont admises comme des formules figées, stéréotypées ». 

Joseph Hanse l’avait devancée sur cette voie : « L’expression « meilleurs vœux », devenue autonome passe-partout, imprimée sur des cartes de vœux, n’a pas été sentie comme un comparatif s’opposant à un superlatif : l’économie du déterminant possessif n’y semblait pas plus anormale que dans « bons baisers », hommages respectueux, sincères remerciements, amitiés. Cet emploi est donc répandu dans le bon usage lui-même. » 

Je ne vais donc pas jouer les trouble-fête en condamnant ce qui n’a visiblement plus lieu de l’être. En revanche, je vais me permettre un conseil à l’attention de tous ceux (et celles, il paraît que c’est de bon ton de le préciser) qui auraient pris du retard dans l’accomplissement de cette tradition ancestrale : présentez vos vœux, adressez-les, offrez-les, exprimez-les, énoncez-les, formez-les, éventuellement formulez-les, ce ne sont pas les tournures correctes qui manquent, mais ne les souhaitez pas. Vous commettriez un vilain pléonasme. Pourquoi ? Parce que souhaiter n’est rien d’autre qu’émettre un vœu, pardi ! 

Pour terminer ce premier billet de l’année, une pensée particulière en direction de nos néo-sexagénaires (caste à laquelle j’appartiens hélas !) qui se croyaient aux portes d’un repos bien mérité mais qui, nouvelle réforme des retraites oblige, vont devoir se résigner à jouer les prolongations. À tous, mes meilleurs vieux 2023 !

K.Pello

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