Confidence d'un confiseur libre, film de Nicolas Schaub sur la vie du Réunionnais Jules Furcy

[Chronique] Trêve de confiseries !

N’AYONS PAS PEUR DES MOTS

Selon une tradition vieille de presque 150 ans, la « trêve des confiseurs » débutera le jour de Noël pour se terminer une semaine plus tard, le 1er janvier prochain. Mais que voilà une expression trompeuse, tant la trêve en question n’en est pas une pour tout le monde, et surtout pas pour ceux que l’on croit !


La bougresse est entrée dans nos mœurs et notre langage en décembre 1874. Succédant à l’Empire de Napoléon III, la Troisième République venait de souffler sa quatrième bougie et était encore de Constitution fragile. Jour et nuit, la Chambre des députés était le théâtre d’échanges vitriolés entre monarchistes, bonapartistes et républicains. Épuisés par tant de joutes verbales, les élus se mirent enfin d’accord… pour s’accorder une pause bien méritée. « Le peuple doit pouvoir se concentrer sur les fêtes (…) On convint de laisser écouler le mois de décembre, pour ne pas troubler par nos débats la reprise d’affaires commerciales qui, à Paris et dans les grandes villes, précède toujours le Jour de l’An. On rit un peu de cet armistice, les mauvais plaisants l’appelèrent la trêve des confiseurs », raconte dans ses mémoires le duc de Broglie, l’un des chefs de la droite monarchiste.


L’initiative fut bien sûr accueillie avec soulagement par le peuple, lui aussi fatigué par une année agitée. « Nous croyons, comme tout le monde, que l’année 1874 a fourni son contingent d’émotions inutiles et de crises sans profit », écrivit le chroniqueur Francis Charmes dans Le Journal des débats


Si les querelles politiciennes furent reléguées au second plan, la période fut marquée par une intense activité commerciale. À l’époque, la tradition voulait encore que le 1er janvier, on allât rendre visite à sa famille pour présenter ses vœux mais également pour offrir des cadeaux, le plus souvent des friandises. C’était aussi le jour où, dans les campagnes, les enfants allaient de porte en porte en quête de gâteaux, de fruits ou de bonbons. Quant aux fabricants de gourmandises sucrées, ils ne chômaient évidemment pas, pour le plus grand plaisir de leur tiroir-caisse. Conclusion : dire qu’à l’instar des confiseurs, certaines corporations s’accordent une trêve de fin d’année relève donc d’un total contresens. Et comme souvent dans pareil cas, c’est la langue française qui en sort chocolat. 

K. Pello

Pour poursuivre le voyage dans le labyrinthe de la langue française, consultez le blog : N’ayons pas peur des mots

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Kozé libre

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