[Chronique] Un temps qui nous dépasse

N’AYONS PAS PEUR DES MOTS

Lu en début de semaine : « Naguère riche en milliards grâce à l’exploitation des phosphates, le micro-Etat de Nauru, qui a annoncé lundi rompre ses liens diplomatiques avec Taïwan au profit de la Chine…. » (Outre-mer la 1ère)

Voilà qui me donne l’occasion de vous parler d’un temps que les moins de 20 ans peuvent très bien connaître. En effet, contraction de la locution « il n’y a guère » (de temps), l’adverbe « naguère » fait référence à un passé récent et non à des temps immémoriaux comme on le croit souvent à tort. Il ne doit donc pas être confondu avec « autrefois » (une autre fois) et « jadis », de l’ancien français « ja a dis » (il y a des jours), qui renvoient à une époque lointaine.

Reste à définir la frontière entre un passé récent et une époque lointaine, me direz-vous. La mission relève davantage de la subjectivité que des sciences exactes. Car si les 40 années qui nous séparent de l’âge d’or du Nauru peuvent paraître une éternité aux plus jeunes d’entre nous, elles ne représentent qu’une goutte d’eau dans l’histoire de ce petit État de 21 km2  à la recherche de son lustre d’antan.  

Tiens, d’antan ! J’allais l’oublier celui-là. Et pourtant, le bougre présente une particularité qui mérite d’être signalée, celle d’avoir changé de dimension temporelle au fil des siècles. Issu de la locution adverbiale ante annum, « il y a un an », il est apparu au XIIe siècle au sens de « l’an passé ». Ce n’est que bien plus tard qu’il est abusivement devenu synonyme d’ « autrefois », acception attestée de nos jours par l’Académie et par tous les dictionnaires usuels. Encore un mot victime du temps qui passe !

K. Pello

Pour poursuivre le voyage dans le labyrinthe de la langue française, consultez le blog : N’ayons pas peur des mots

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