violences intra familiales

Combattre la maltraitance et la violence institutionnelles

LIBRE EXPRESSION

Dans un univers où le comportement est présenté comme inévitablement « résilient », le développement forcément « durable », le management évidemment « bienveillant » ou « inspirant » et l’écoute « empathique », il y a de quoi se méfier. Ah (!) si on pouvait y ajouter ici ou là de « l’éco-responsable », « de l’éthique », voire de « l’inclusif ». Ce galimatias à la mode —qu’on appelle également « éléments de langage »— n’illustre qu’exceptionnellement la réalité du fonctionnement institutionnel. La plupart du temps, hélas (!), il a pour fonction essentielle d’en masquer la brutalité, l’insensibilité ou l’arbitraire. De ce point de vue, la prise de connaissance d’une préoccupante actualité réunionnaise persistante apporte une consistance concrète à ce dossier. Mais par prudence, je laisserai les lecteurs avertis effectuer eux-mêmes les transcriptions qui s’imposent…

Dans le domaine des violences infligées par les organisations du travail et les institutions, il importe d’alerter et de dénoncer. Mais également, si possible, d’informer et de fortifier les résistances à l’injustice. Ce dossier, rédigé à partir de douloureuses expériences vécues, doit également beaucoup aux réflexions et à la pratique de Paul JUNOT, combattant pacifique, leader syndical à la CFTC. Les lecteurs s’y référeront pour leur plus grand profit, dans la perspective de ce qui peut leur arriver, à eux et à leurs amis.

Comment se protéger face aux violences institutionnelles de plus en plus insidieuses et quasi permanentes dans toutes les organisations sociales, politiques, professionnelles ? De quels moyens, de quelles ressources opérationnelles et concrètes peut-on disposer ?

Les sous-jacents du fonctionnement de ces institutions maltraitantes reposent le plus souvent sur des dirigeants dont les comportements sont animés par :

• Une quête maladive du pouvoir personnel (le reflet dissimulé avec peine de sa propre insécurité existentielle) ;

• L’amour sans limite de l’argent, ainsi que des avantages matériels et psychosociaux à engranger ;

• Un profil psychologique inquiétant ou même dangereux, clairement pathologique dans certains cas.

En se référant au traitement des risques psychosociaux et à leurs indicateurs les plus fréquents, on peut observer :

• les conceptions du management relevant du sadisme ordinaire et de la peur qu’il produit chez les employés ;

• l’absence de considérations humaines, justifiée par des arguments d’ordre de la productivité et de la rentabilité comme impératif catégorique ;

• des conflits de valeurs insolubles entre niveaux hiérarchiques (commandement et subordination) ;

• parmi d’autres…

Autant d’épisodes qui violent la justice et les droits humains élémentaires, portent atteinte à la dignité, à l’intégrité physique et psychique. Autant de situations qui ont tendance à se généraliser, avec le risque de voir se banaliser les violences sociales institutionnelles, inhérentes à toute société en déficit de spiritualité. 

Un essai de méthode d’action

Une première étape

1 • Analyse et diagnostic de la situation : comprendre le contexte de la maltraitance et les enjeux poursuivis par ses instigateurs. 

• En ce qui concerne le ou les maltraitant (violents) dans l’institution : qui fait quoi et pourquoi (motifs) et pour quoi (finalité) il le fait ainsi ?  (ambition démesurée et quête du pouvoir absolu – compensation névrotique – rivalité maladive…)

2 • Partage collectif : donner du sens à ce que vit la personne victime (écoute – Interviews – ressentis « subjectifs » bien sûr et accord du temps nécessaire à l’écoute).

3 • Protection personnelle de la personne victime. Que la personne ne reste jamais seule devant ce qui lui arrive.

Selon les circonstances et le contexte institutionnel, toutes les voies sont à promouvoir : 

• axe médical, 

• axe psychologique, 

• axe syndical,

• axe juridique …..

4 • Recueil et transcription des faits, des preuves, des indices… (par écrits circonstanciés, par enregistrements, par vidéos…)

• Recueil des témoignages caractérisant le climat de maltraitance  

• Analyse et mise en évidence de l’instauration et de l’évolution des situations factuelles d’acharnement psychologique telles que :

– Abus d’autorité ;

– Harcèlement verbal, relationnel, pression organisationnelle ;

– Mise au placard et sabotage ;

– Diffusion publique de propos relevant de la malveillance, du dénigrement, de la médisance, de la calomnie ;

• Importance de dresser un tableau synoptique : dates – description des faits – maltraitants et harceleurs concernés – victime(s) – énoncés des motifs de part et d’autre…

Pour mener une analyse et un diagnostic de la situation

On peut entreprendre une analyse (un peu systématique) en considérant les indicateurs les plus fréquents en matière de risques de santé psychosociale, tels qu’ils sont courus par les salariés dans le cadre du travail en collectivité (institutions, administrations, équipes d’entreprises publiques ou privées). De façon générale, ces indicateurs reflètent différentes dimensions de ces risques qui peuvent avoir des conséquences néfastes sur la santé physique et psychique des travailleurs. Le management, certains intérêts privés et certains enjeux contextuels portent la responsabilité d’alléger ou d’aggraver les situations décrites, selon des stratégies volontaires pouvant relever de la violence institutionnelle caractérisée. 

• L’analyse proposée ici identifie six dimensions principales de ces risques, qui, toutes, peuvent faire l’objet de manipulations, d’abus et d’oppressions de la part d’une direction ou d’un management malveillant.

1 • Les exigences « objectives » d’ordre quantitatif du travail.

Cette notion recouvre 

• la quantité de travail ;

• la pression temporelle du travail (devoir travailler trop vite, de façon hachée, ou subir de nombreuses contraintes de rythme) ;

• la complexité du travail (penser à trop de choses à la fois) ;

• et parfois également, les difficultés à concilier vie professionnelle et vie familiale.

Dans un contexte de maltraitance institutionnelle, cette réalité peut s’exprimer par une intensification des exigences et de la « charge mentale » qui pèse sur le travail. 

On doit en analyser les sources, l’intervention des protagonistes, les variations possibles, les interactions développées entre les personnes concernées, les effets entraînés sur les « maltraités ».

2 • Les exigences émotionnelles

il s’agit de traiter et d’analyser tous les aspects émotionnels des relations aux autres (gestion des émotions : calme, colère, peur) dans un contexte professionnel, que ce soit avec les collègues, avec la hiérarchie ou également avec le public. 

Il faut reconnaître par exemple que le travail avec le public n’est pas nécessairement source de risque psychosocial. En France, néanmoins, 11 % au moins des actifs occupés dans les institutions publiques déclarent vivre « toujours » ou « souvent » des tensions avec les « usagers ».

Les relations entre niveaux hiérarchiques ou entre collègues sont, elles, toujours susceptibles d’être entachées de problèmes relationnels et émotionnels, de présenter des états de bien-être ou de mal-être, avec leurs variantes et leurs variations.

De ce fait, ces relations peuvent être l’objet d’influences multiples. Affinités, préférences, mise cynique en rivalité, aversion, exclusion ou mise au placard masquée, chronicisation des sentiments de rejet… échappent par principe à une approche objective. Ancrée jour après jour dans un quotidien hiérarchique malintentionné et arbitraire, la paralysie de toute action libératrice de la part de la personne victime (par évitement actif ou lutte) conduit tôt ou tard à des détériorations comportementales ou psychosomatiques graves.

a) L’analyse de la situation doit être entreprise de toute urgence, reposant sur des faits, des témoignages et des preuves…

b) Il importe que la personne victime puisse déjouer au plus tôt l’inhibition de l’action qui la menace, puisse être remise en action, puisse parler et agir avec un accompagnement attentif et stimulant (sans chercher immédiatement l’efficacité de son action, ce qui vient en second lieu lorsqu’elle a retrouvé « son niveau optimum d’énergie »)

3 • L’autonomie et les indispensables « marges de manœuvre » dans le travail

Le manque d’autonomie et de marges de manœuvre a souvent été mis en évidence dans la maltraitance institutionnelle. Cette dimension fait référence à toutes les situations professionnelles combinant une forte pression avec une faible latitude décisionnelle (qui provoque ce qu’on appelle dans le jargon psy le « job strain » ou « stress au travail »).

Par exemple, dans une crèche, on exige un engagement à toute épreuve sur un poste adapté, de la part d’une salariée étroitement surveillée avec hostilité, en lui organisant des horaires absolument déséquilibrés, proches de l’illégalité… Pas le moindre espace d’autonomie pour une profession qui en exige fondamentalement.

Un management malveillant peut ainsi user de cette contradiction pour obtenir une démission forcée « jusqu’à ce qu’il en ait marre et qu’il se tire… ! »

Là encore, la malveillance institutionnelle qui confine à l’humiliation du salarié doit faire l’objet d’une analyse fondamentale du « double bind » (double contrainte) auquel celui-ci est exposé.

4 • Les rapports sociaux et les relations de travail

Cette rubrique fait référence à l’ensemble complexe des rapports sociaux au travail, indépendamment de leurs aspects simplement administratifs : soutien social et coopération, violence au travail (agression, mépris, isolement…), reconnaissance et sentiment d’utilité du travail, et la clarté du management (ordres contradictoires…).

Elle rappelle que pour s’attacher avec loyauté et continuité à leur organisation, les salariés ont constamment besoin de soutien et de reconnaissance.

La maltraitance professionnelle peut provenir des conditions dans lesquelles se déroulent les relations de travail. Sous cet intitulé, on trouve un inventaire concret de difficultés éprouvées :

– détérioration générale de la relation sociale,

– isolement social ou physique,

– manque de soutien de la part de la hiérarchie,

– système de reconnaissance et de valorisation insuffisant,

– manque de soutien de la part des collègues,

– disparition du collectif de travail.

Ainsi que pour chacune des autres rubriques présentées, l’accentuation de ces difficultés peut faire l’objet d’une stratégie intentionnelle, destructrice de toute confiance et créatrice de graves perturbations psychologiques et somatiques.

L’analyse de la situation met en général en évidence sans hésitation ce type de maltraitance. Mon sentiment est qu’il ne faut pas s’en contenter. Derrière elle, se dissimulent souvent d’autres dimensions, dont elle est la manifestation la plus apparente…

5 • Les conflits de valeur

Il s’agit de l’état de mal-être ressenti par le travailleur lorsque ce qu’on lui demande de faire s’inscrit en contradiction avec ses normes professionnelles, sociales ou subjectives, compte tenu de la nature du travail à accomplir ou encore du temps et des moyens à sa disposition.

Il est toujours plus aisé de pousser à la faute un collaborateur ou une collaboratrice mis ou mise en situation de contradiction « réglementaire » ou de tension morale, qui finira toujours par le ou la fragiliser face à une direction mal intentionnée, dont « la raison » est généralement la plus forte..

Là encore, en dehors d’un épisode isolé qui peut être considéré comme accidentel, et en plus des précautions anticipatrices indispensables à la protection du salarié, il semble essentiel de pouvoir décrire précisément les situations incriminées, avec preuves et témoignages indiscutables, et d’en effectuer une analyse claire et la plus objective possible.

6 • Et enfin l’insécurité socio-économique

Ce facteur de risque se développe dans tous les contextes de crise économique, réelle ou simulée, ainsi que face aux incertitudes et aux changements répétés et non préparés dans l’organisation de l’institution employeuse, avec pour conséquences de réduire le sentiment de maîtrise de la situation, ainsi que d’accroître la perte de l’estime de soi. 

La menace de licenciement, plus ou moins soft ou hard, peut peser sur les plus fragiles, pour une multitude de raisons faciles à inventer et à invoquer… Quelle que soit l’issue matérielle de la situation, la fragilisation et la souffrance psychologique sont plus fréquentes que la mobilisation combative des personnes concernées.

Bref récapitulatif

Il convient (hélas) de considérer que la dénonciation à l’intérieur même de l’institution n’est guère possible lorsque elle se heurte à un corporatisme hiérarchique qui bloque, décourage et neutralise toute démarche. Il est clair cependant que celle-ci devrait être entreprise en premier lieu dans toute situation saine…

Au bout de cet inventaire, je renvoie donc aux étapes indispensables auxquelles recourir, mentionnées en début de cet article. Il n’y a pas forcément de hiérarchisation chronologique. Ces étapes, qui concernent les interactions entre la personne victime et la situation en cause, peuvent ou doivent être menées simultanément :

1 • Analyse et diagnostic de la situation : comprendre le contexte de la maltraitance et les enjeux poursuivis par ses instigateurs. 

Il convient d’analyser de façon approfondie le comportement du ou des maltraitants de l’institution à partir de faits établis, de preuves accumulées, de témoignages vérifiables. (cf. 4). Ne pas reculer devant le partage des hypothèses de leurs motifs et de leurs objectifs. Mais le faire avec prudence (risque d’accusation de diffamation).

2 • Partage collectif : donner du sens à ce que vit la personne victime et sur lequel elle peut parler en abondance (Le pire est toujours de devoir refouler ce qui arrive…) (écoute – interviews – ressentis « subjectifs » bien sûr et accord du temps nécessaire à l’écoute).

Avant toute chose, peut-on dire, on doit s’occuper de la victime et de son propre vécu, même s’il ne peut être objectif. Elle doit être écoutée, son expression, même répétitive, fera l’objet des reformulations nécessaires (écoute active). On mettra l’évocation de son expérience en relation avec l’analyse à laquelle opèrent les témoins et les militants non directement mêlés aux faits de maltraitance en question.

3 • Protection personnelle de la personne victime. Que la personne ne reste jamais seule devant ce qui lui arrive est une nécessité fondamentale. Mais cette protection doit être organisée !

La victime dispose d’au moins quatre voies de secours et / ou de réhabilitation. Selon les circonstances et le contexte institutionnel, elles sont toutes les quatre à promouvoir : 

• L’axe médical : consultations du médecin du travail ou du médecin personnel et mesures médicales appropriées.

• L’axe psychologique : consultation et soutien d’un professionnel digne de confiance.

• L’axe « syndical » : intervention auprès de la représentation du personnel (uniquement si la confiance est établie) ou auprès du (ou d’un) syndicat dont l’action doit être nécessairement combative.

• L’axe juridique : appel à un avocat  sympathisant et non arnaqueur.

4 • Recueil et transcription des faits, des preuves, des indices… (par écrits circonstanciés, par enregistrements, par vidéos…)

• La collecte des faits incriminés, ainsi que le recueil des témoignages caractérisant le climat de maltraitance et sa permanence ont plusieurs fonctions :

– démontrer la bonne foi de la victime et sa crédibilité face à son entourage et dans ses interactions sociales (médecin, psychologue, avocat, syndicat).

– renforcer son estime d’elle-même.

– contribuer de façon majeure à la dénonciation du comportement malveillant.

Modalités:

Il ne s’agit pas tant de « comprendre » les problèmes ou d’en faire le diagnostic que de repérer les signaux d’alarme concrets exprimés par les victimes maltraitées.

On recueille auprès des sujets concernés les événements, actions et attitudes qui déclenchent les prises de conscience et les positionnements… Ils sont à repérer comme des analyseurs ou des indicateurs de dysfonctionnement répondant aux questions : Quels faits, comportements, manifestations concrètes… observez-vous qui vous semblent incompatibles avec le fonctionnement souhaitable dans la pratique quotidienne ? Qu’avez-vous vu…? Qu’avez-vous entendu…? Que ressentez-vous ?

Partout, la communication externe sera toujours plus crédible lorsqu’elle repose, non seulement sur des ressentis, mais surtout sur des faits et des témoignages indiscutables.

La maltraitance comme analyseur du fonctionnement  et des dysfonctionnements institutionnels

Les faits de maltraitance sont rarement des « accidents exceptionnels » dans la vie d’une organisation. Ils peuvent être traités comme les révélateurs, les analyseurs des rapports de force internes à toute institution et à toute collectivité. En tant que tels, ils sont capables d’illustrer la qualité de nos prises de conscience en ce qui concerne les relations de travail…

L’analyseur se présente comme un événement qui provoque des débats, dérange, montre ainsi les contradictions à l’œuvre dans une situation apparente. 

Je pose l’hypothèse banale selon laquelle la microsociologie de la maltraitance fonctionne dans notre société, comme un analyseur de l’ensemble des rapports sociaux relatifs au statut accordé aux employés… La maltraitance dans les organisations représente un sorte d’analyseur naturel. Ce pourrait être un événement qui se transforme en un champ d’analyse et d’intervention, sans qu’on s’y attende au départ, et dont l’effet est de provoquer le débat. Et c’est le phénomène de cette violence qui éclaire le sens de l’ensemble du fonctionnement de l’institution considérée.

À partir d’une réflexion menée collectivement (en interne à l’unité de travail si c’est possible, ou à l’externe dans un groupe de réflexion), l’effet analyseur fonctionne comme un travail de déconstruction des rapports institués, une révélation des rapports de pouvoir cachés sous le consensus apparent. Sa répercussion, c’est aussi de contraindre chacun à prendre position. 

Une illustration (suggérée par Paul Junot) :

Une banque nationale disposant d’une importante agence locale affiche ostensiblement ses valeurs, et claironne notamment son soutien aux Objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU. 

Parmi ces objectifs de « développement durable » portés par l’ONU, l’ODD 16 concerne les droits de l’homme et le développement du syndicalisme… Ils sont nobles et font l’objet de déclarations convaincantes de la part des dirigeants ou de certains d’entre eux, au plan national en tout cas ! Voilà pour son côté « humanitaire ». Cette orientation « stratégique » de la présidence nationale est exhibée partout !

Dans le même temps à La Réunion, au sein de la direction locale,  on assiste, depuis septembre 2020, à une répression syndicale et un management reposant nettement sur la peur et la culture de la soumission. Foisonnement de la délation et des dénonciations calomnieuses, multiplications des procédures judiciaires, déstabilisation du CSE, et manœuvres intimidantes sur la personne du secrétaire du CSE… Tout ce qui peut caractériser le paradoxe entre le comportement pratiqué et la communication affichée…

Pour le cas où elle n’aurait pas été déjà déclenchée, ces points d’appui pourraient ainsi venir nourrir la réflexion fondamentale des personnes les plus lucides. Des pistes : 

1 • La maltraitance comme symptôme, conséquence et effet dont on doit constamment rechercher les chaines de causalité.

2 • La maltraitance comme analyseur de l’ensemble du fonctionnement de l’institution et de l’administration d’une collectivité au travail. 

3 • Les faits de maltraitance interrogent notamment la relation à l’autorité hiérarchique et ses divers aspects : confiance – collaboration – respect réciproque ou mépris mutuel – revendications haineuses et invectives – dénigrement, etc.

Un aspect particulier peut se présenter dans toute collectivité : 

• celui de la contestation de l’autorité

• ou pire, celui de la déviance (qui peut concerner des mécanismes, des individus ou des groupes, considérés sous cette perception)

4 • Déviance et contestation – Les déviants maltraités dans les organisations sont les analyseurs d’une société dans l’impasse et dans la décomposition. Ils sont les analyseurs des systèmes institutionnels à bout de souffle (la plupart du temps, leurs messages sont marginalisés ou récupérés pour mieux être étouffés !). 

5 • Il est utile d’observer les dysfonctionnements des grands systèmes institutionnels qui fabriquent eux-mêmes leurs déviances, tant ils sécrètent suspicion, frustration, transgression et révolte. 

La maltraitance vue sous l’angle de la fabrication du bouc émissaire

Dans certaines circonstances, les institutions sont tentées de devenir des « élevages de boucs émissaires ». Quand quelque chose ne marche pas, il faut trouver une personne qui va devoir « porter les péchés », les défaillances de toute l’organisation et assumer ses dysfonctionnements. 

Il est presque normal que leurs responsables cherchent à le nier. Et à tout centrer sur un conflit de personnes et des comportements récurrents inadmissibles. Et à se présenter comme les juges suprêmes empreints de neutralité rationnelle, alors qu’ils sont pourtant plongés jusqu’au cou dans les incroyables conflits qu’ils ont généralement déclenchés. 

Le mécanisme du bouc émissaire est la plupart du temps tributaire d’un conflit mal ou non résolu, résultat de rivalités, de luttes d’influences ou d’intérêts, de recherche de pouvoir, etc. C’est ce type de situation qui peut mettre toute une unité de travail en difficulté, ou en crise. La tentation s’impose souvent de chercher et d’identifier un responsable. La pression s’installe et s’accroît sur la cible, dans un rapport de force qui vise à l’éliminer en tant que coupable. 

La cause principale des conflits qui dégénèrent en maltraitance et harcèlement provient de la réticence qu’éprouve la hiérarchie supérieure à intervenir, ou même de sa volonté de ne pas s’en mêler. Lâcheté et irresponsabilité sont main dans la main. En laissant pourrir la situation, on se trouve face à une victime considérablement affaiblie.

Constamment sur la défensive, celle-ci peut adopter une attitude vindicative et acerbe, susceptible d’abolir sa capacité à agir avec discernement, jusqu’à indisposer ceux qui voudraient la tirer d’affaire. Ils seront agacés et peuvent même lui devenir hostiles.

L’exclusion du monde du travail est alors rendue possible par la conjonction de l’attitude des protagonistes, aussi bien que par la non-intervention de la hiérarchie responsable. Tous finissent par tomber d’accord pour constater que la victime est une personne caractérielle et asociale, avec laquelle on ne peut plus travailler, et dont l’attitude défensive à outrance les conforte dans cette vision des choses. La victime deviendra ainsi l’agresseur. Elle sera définitivement stigmatisée et on la déclarera seule responsable de tout ce qui lui arrive. On tient le coupable ! La fabrique du bouc émissaire est en marche !

Ainsi qu’on peut l’observer si souvent, aucune réelle démarche d’analyse n’est mise en œuvre pour éclairer les sources des dysfonctionnements manifestés. On se contente d’utiliser la « stratégie du bouc émissaire », cette victime expiatoire désignée pour être la cible de l’exclusion, condition d’’une restauration (même illusoire) d’un « vivre ensemble » chimérique, favorable à la dissimulation de l’inavouable qui ne doit pas être donné à connaître par le « vulgum pecus », la multitude ignorante… priée instamment de rester dans son ignorance…

Voilà qui peut être répété sans retenue :

La victime, c’est le coupable !

George Orwell  « 2023 »

Arnold Jaccoud

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Kozé libre

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