INTERVIEW DE THIERRY MARCHAL DORSEUIL, EXPERT EN ÉNERGIE
Il suffit d’un cyclone ou d’une grève pour couper l’électricité à tous les Réunionnais. Thierry Marchal Dorseuil, expert en système électrique explique les enjeux d’une crise électrique invisible… et comment en sortir.
Si vous avez une heure de disponible, prenez le temps d’écouter l’intégralité de son entretien. On en ressort mieux informé, à défaut d’être rassuré.
Thierry Marchal Dorseuil peut être considéré comme un expert du système électrique réunionnais. De 2002 à 2008, il a dirigé le Sydélec, autorité organisatrice de la distribution d’électricité. Il est toujours cadre territorial spécialisé dans la transition énergétique.
Dans cette interview, il explique les grands enjeux qui pèsent sur l’alimentation électrique à La Réunion : une fée invisible dont on ne mesure l’importance que lorsqu’elle cesse d’alimenter nos prises domestiques.
Tous les Réunionnais savent qu’un cyclone — voire une tempête modérée — peut mettre à terre les réseaux de distribution et priver d’électricité des milliers de foyers. Même une grève, comme on l’a constaté récemment chez Albioma, oblige EDF à pratiquer des délestages. La crise est déjà latente.
Productions individuelles et grosses centrales
Or il va falloir construire 50 000 logements, remplacer les moteurs à essence par des moteurs électriques… Thierry Marchal Dorseuil s’interroge sur les moyens à mettre en place pour couvrir ces besoins colossaux. Il prédit un nouveau modèle concernant la production, le transport et la distribution d’électricité.
Considérant que l’énergie sera de plus en plus chère, il préconise un modèle tarifaire « acceptable » basé sur différents niveaux de consommation.
Il s’inspire de Marcel Boiteux, dirigeant d’EDF dans les années 1960-70, pour insister sur la notion d’équilibre entre les moyens de production à l’échelle individuelle, comme les centrales photovoltaïques tournées vers l’autoconsommation, et à l’échelle collective, comme les grosses centrales.
Une petite centrale nucléaire
L’avènement annoncé des voitures électriques pourrait bousculer cet équilibre précaire. Sans anticipation, il faudrait envisager la construction d’une centrale nucléaire à l’échelle insulaire comme la technologie des SMR (Small modular reactor) le permet désormais. Thierry Marchal Dorseuil ne le souhaite pas mais il prévient que le tout-voiture électrique relève de l’utopie en l’état du réseau actuel de distribution et de production d’électricité.
Les citoyens doivent être conscients de la fragilité de leur approvisionnement en électricité. La menace est immédiate et il est urgent d’accélérer l’enterrement des lignes électriques en prévision du passage d’un cyclone de grande puissance.
Comment ensuite faire face à l’explosion des besoins sans avoir recours au pétrole et au gaz ? L’investissement vers de nouvelles énergies et leur distribution décentralisée va coûter plus cher. Pour maintenir un tarif « acceptable », il faudra des financements nationaux et européens. Et surtout être capable de proposer une solution complexe pour éviter la solution nucléaire…
Ce sont autant de pistes de réflexions qui s’imposent aux citoyens…
Franck Cellier
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