[COVID] Pourquoi meurt-on plus à La Réunion ?

DES CHIFFRES SANS ANALYSE

A la suite des chiffres de la mortalité en hausse sur notre île publiés par l’Insee, un lecteur attentif nous a communiqué son analyse de médecin. 

Le 25 juillet dernier, l’Insee publiait une étude mettant en évidence une augmentation de la mortalité de beaucoup supérieure à La Réunion que partout ailleurs en France (+ 35 % contre + 5,6 %), en comparant les chiffres de 2019 (avant l’épidémie de Covid) et 2022 (du 1ᵉʳ janvier au 11 juillet). « Sur cette période, toutes les régions de France métropolitaine enregistrent une hausse des décès. Elle est la plus prononcée en Corse (+ 12 %), en Occitanie (+ 8 %) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (+ 8 %). Elle est la plus faible en Ile-de-France (+ 3 %). Les départements d’outre-mer connaissent une hausse très importante des décès entre 2019 et 2022 sur la période allant du 1ᵉʳ janvier au 11 juillet (+ 24 %). La hausse des décès est particulièrement élevée à La Réunion (+ 35 %) et la moins marquée en Guyane (+ 9 %)», souligne l’Insee, sans jamais expliquer pourquoi. 

« Différence de moyens ? »

Plus d’accidents de voitures, la dengue, l’âge du capitaine ou le Covid, on ne sait pas et on se perd en conjectures. Sur la pandémie, plus de victimes sur notre île ou des décès décalés? Que s’est-il passé en 2020 et 2021 ? Notre confrère de Témoignage Manuel Marchal, dans nos colonnes la semaine dernière (lire ici), s’interrogeait qu’ « en France où la moyenne d’âge et donc les comorbidités sont plus élevées, des moyens ont permis de limiter le nombre de décès de manière plus importante qu’à La Réunion. La différence de surmortalité découle-t-elle d’autre chose que de cette différence de moyens ? » 

Une hypothèse, peut-être pas la seule. Un lecteur attentif, médecin hospitalier, nous a fait parvenir son analyse que nous publions ci-dessous. Si l’on avait fait la comparaison entre 2019 et 2021, les chiffres auraient été tout autres estime l’urgentiste resté anonyme.

« Je suis médecin réanimateur et je travaille dans les hôpitaux de La Réunion. J’étais donc en première ligne face aux patients atteint de la Covid 19 en ce début d’année 2022.
« A ce moment-là le variant majoritaire en circulation à La Réunion était principalement du variant delta, très agressif. La métropole quant à elle connaissait une vague épidémique en lien avec du variant Omicron, dont on connait la moindre létalité. Il est donc normal que les taux de décès soient différents sur ces deux zones.
« De plus, le taux de vaccination n’atteignait que les 63 % à La Réunion contre 77,9 % en métropole au 16 janvier 2022 (données ameli). Les données scientifiques stipulaient bien que la vaccination diminuait le risque de formes graves d’infection à Covid 19. Cela nous a été confirmé sur le terrain par le fait que la presque totalité des malades admis dans les services de réanimation ou d’urgences de l’île n’étaient pas vaccinées. Voilà une deuxième raison expliquant cette surmortalité sur la région.
« Il n’a alors jamais été question sur l’île de laisser diffuser le virus. A cette période je le rappelle, il y avait un couvre-feu, une interdiction de se réunir à plus de six et de pique-niquer, la fermeture des restaurants le soir (en pleine vacances d’été !).

« Mondialisation »

« Et, enfin, de nombreuses régions françaises (les Haut de France ou le grand-Est par exemple) avaient déjà fait face à deux vagues épidémiques, créant ainsi une certaine immunité au sein de la population et induisant donc un taux de décès très faible. Bien que certaines régions du Sud aient connu une hausse de mortalité en début d’année 2022, une fois toutes les régions de métropole prise en compte cela est lissé en terme de statistiques.
« Je trouve donc cela un peu dommage de partager un article dont les données sont erronées et les conclusions fallacieuses. La prise en charge de l’épidémie à La Réunion a été à l’aune de l’afflux des malades, les réanimations se sont organisées pour tripler leur capacité d’accueil. Triste fut de constater que 80 % des personnes qui consultaient pour une pneumopathie à Covid 19 n’étaient pas vaccinées. C’est malheureusement une vérité de terrain que j’ai pu observer à l’échelle de notre île.
« La problématique d’avoir laissé entrer le virus à La Réunion s’inscrit dans la problématique mondiale d’un virus qui a pu, depuis le fin fond de la Chine, se disséminer dans le monde entier. C’est la conséquence de flux de population et de matériel en lien avec la mondialisation. La Réunion ne peut hélas pas faire office d’exception face à ce rouleau-compresseur. »

PhN

A propos de l'auteur

Philippe Nanpon | Journaliste

Déménageur, béqueur d'clé dans le bâtiment, chauffeur de presse, pompiste, clown publicitaire à roller, après avoir suivi des études d’agriculture, puis journaliste depuis un tiers de siècle, Philippe Nanpon est également épris de culture, d’écologie et de bonne humeur. Il a rejoint l’équipe de Parallèle Sud pour partager à la fois son regard sur La Réunion et son engagement pour une société plus juste et équitable.