BOB MARLEY ET HALIE SELASSIE S’AFFICHENT SUR LES MURS
A Fleurimont, le hip hop n’a pas la cote. Au lieu des lettrages des graffs, on y voit la peinture figurative rasta de Daniel Trivy. Qui expose jusqu’à fin novembre à La Table d’Emma à Saint-Gilles-les-Hauts.
Pour qui se promène dans les hauts de Saint-Paul, Fleurimont est décidément un quartier rasta. En cause, plusieurs fresques sur le bord de la route, devant la boutique Cadivel ou un peu plus bas face à la pharmacie, représentent toute l’iconographie de la religion rastafari. Portraits d’Hailé Sélassié ou de Bob Marley, cascades verdoyantes du Zion (paradis des rastas), lion de Juda…, tout y est. Avec en prime un « Ange du maloya », sorte de déesse ailée à plusieurs bras qui portent les instruments de la musique pays. Depuis le 5 septembre et pour trois mois, des petits formats sont exposés sur les murs du restaurant La table d’Emma, à Saint-Gilles-les-Hauts.
Jaune rouge et vert
« Même quand on me demande un autre thème, il y a toujours un peu de jaune rouge et vert », sourit Daniel Trivy, un enfant du quartier, Tidanyel-fonnker de son nom d’artiste. A 52 ans, le peintre a à coeur d’embellir les clôtures de tôle ondulée, d’élargir l’horizon stoppé par les constructions. « Je fais ça pour les copains », se réjouit l’homme aux longues dreadlocks blanchies par les ans. Y compris, en clin d’oeil à la mairie, des urinoirs peints sur le mur du boulodrome. L’artiste travaille aussi à façon, et vend des tableaux que l’on peut ramener chez soi.
Treize tableaux sont accrochés dans le restaurant. Treize tableaux signés Tidanyel. « C’est ma première exposition seul, la quatrième au total, trois collectives, sans compter un festival international en Thaïlande où j’avais été invité grâce à Charlie Lesquelin », indique Daniel Trivy. On y trouve des portraits – Bob Marley ou Danyel Waro -, des paysages, ou d’étranges personnages, surtout féminins, Minotaures ou mi-félins mi-humains, puissants et dominateurs, devant lesquels on se sent étrangement tout petit. « Mes personnages, ils existent ou sont d’inspiration fantastique, viennent de la mythologie, reflètent l’ombre et la lumière. » Mais toujours ils s’inspire de la réalité, a besoin de ressentir une athmosphère, de vivre une histoire avant de tremper ses pinceaux.
Hexagone
C’est tout jeune lycéen, alors scolarisé en lycée professionnel au Port, qu’Alain Séraphine (à l’origine de l’école supérieure d’arts du Port) repère son coup de crayon et l’invite à ses ateliers, au départ en plein air. Daniel suivra les prémices de l’école d’arts du Port, puis partira pour Toulouse aux Beaux Arts avant de rejoindre l’école des Gobelins à Paris.
L’inspiration rasta viendra plus tard. « Au départ, c’était Mickael Jackson, puis des graffs hip-hop avant Marley », se souvient-il. Daniel Trivy passera vingt-cinq ans dans l’Hexagone. L’art nourrit rarement son homme, c’est dans le bâtiment qu’il fera carrière. « J’aurais attendu trente ans avant de revenir à ma première passion », raconte l’artiste.
On le retrouve très souvent devant la Balance Fleurimont, avec ses camarades. Lui ne boit pas. « Devant la boutique, c’est un peu mon Pole Emploi à moi », rigole le peintre. La vie de quartier, les bons plans, les demandes pour peindre un mur ou une clôture, c’est là que ça se négocie. Et souvent, c’est juste pour faire plaisir aux copains.
Philippe Nanpon