LIBRE EXPRESSION
La 1ère partie de ce courrier paru la semaine dernière s’est intéressée aux données publiées par le Centre Sécurité Requin (CSR) sur les captures accessoires, dans le cadre du programme d’abattage des requins tigres et bouledogues à la Réunion : https://www.clicanoo.re/article/clicazot/2022/08/25/destruction-des-requins-que-sont-devenues-les-captures-accessoires-1ere-partie
Nous abordons aujourd’hui la question du devenir de ces captures accessoires après leur relâcher dans l’océan.
Le lecteur voudra bien nous pardonner si la lecture des travaux présentés est quelquefois un peu ardue : il n’est pas évident de vulgariser en quelques lignes des publications souvent très pointues d’un point de vue scientifique…..
Les abréviations PRM et PRP correspondent respectivement à la mortalité après relâcher (« post-release mortality ») et à la prédation après relâcher (« post-release predation »).
Le problème de la mortalité après relâcher comporte globalement les volets suivants :
- les blessures dues aux hameçons, aux engins de pêche et à la manipulation,
- les modifications physiologiques, très souvent mortifères, consécutives à l’exercice épuisant et au stressphysiologique lié à la capture,
- la mortalité par prédation.
1. Pour ce qui est des blessures
Raby et al. (2013)(1) rappellent :
« La rencontre d’un poisson avec un engin de pêche entraîne toujours des blessures physiques (Trumble et al. 2000 ; Baker et Schindler 2009) et un stress physiologique (Wood et al. 1983) ; en effet, il n’est pas possible de capturer un poisson, du moins avec un hameçon, sans causer les deux (Cooke et Sneddon 2007). Les blessures physiques courantes sont par exemple les plaies dues à l’hameçon, la perte de mucus protecteur, la perte d’écailles, la perte de peau ou la perte d’appendices (par exemple, nageoires, opercules), qui peuvent toutes entraîner des infections fongiques (Davis 2002 ; Baker et Schindler 2009). »
S’agissant de l’impact des blessures, Skomal (2007)(2) précise :
« Quel que soit l’engin de pêche, les poissons capturés sont exposés à divers degrés de stress, ce qui inclut les impacts cumulatifs des traumatismes physiques et du stress physiologique. L’ampleur de l’un ou l’autre des facteurs de stress dépend de la méthode de capture et de la manipulation. Par exemple, un poisson accroché à la mâchoire et exposé à une longue pêche à la ligne peut être aussi vulnérable au même niveau de stress cumulatif qu’un poisson accroché à l’estomac et pêché à la ligne pendant une courte période. [….] Une histopathologie complète a fourni des informations précieuses sur les effets chroniques des dommages causés par les hameçons. La pathologie post-mortem a indiqué que la rétention d’hameçons dans les estomacs de requins bleus provoquait une maladie systémique chronique (Borucinska, Martin & Skomal 2001 ; Borucinska, Kohler, Natanson & Skomal 2002). [….] Des dommages internes importants et des hémorragies sont supposés causer une mortalité aiguë après la remise à l’eau. »
« Domeier, Dewar & Nasby-Lucas (2003) ont déployé 80 balises PSAT [balises d’archivage satellite pop-up] pour en déduire un taux de mortalité post-relâcher de 26,2 % chez le makaire rayé. [….] le degré de traumatisme physique était un facteur prédictif de la mortalité, avec des taux de mortalité de 100 % pour les poissons présentant des hémorragies branchiales, de 63 % pour ceux ayant un hameçon profond et de seulement 9 % pour ceux en « bonne condition ». »
La consigne du CSR, lorsque l’hameçon est impossible à retirer, est simplement de couper l’hameçon (ou le bas de ligne en acier) avec un coupe-boulons. Que deviennent alors les poissons gratifiés d’un hameçon dans l’estomac ou dans les branchies ? Et les tortues ??
Par ailleurs le CSR avait bien tenté, dans le cahier des charges, d’imposer aux pêcheurs des hameçons en acier oxydable afin que, si l’hameçon était impossible à retirer, il puisse se dégrader assez vite au contact de l’eau de mer. Mais cette exigence n’a jamais été respectée par les pêcheurs et a été finalement abandonnée (synthèse n°4, rapports trimestriels d’observation n°1 à 4, site www.info-requin.re) !
2. Pour ce qui est des modifications physiologiques
Wilson et al. (2014)(3) ont procédé à une revue exhaustive à ce sujet :
« Nous avons examiné la littérature et trouvé 133 articles sur les prises accessoires marines qui incluaient des paramètres sublétaux tels que des perturbations physiologiques, des troubles du comportement, des blessures, des troubles réflexes, et des effets sur la reproduction, l’alimentation et la croissance pour les animaux qui ont survécu à une interaction de pêche. Sur les 133 articles identifiés, 22 ont documenté les effets sublétaux de la capture en utilisant des paramètres directement liés à la santé, au cycle biologique ou aux processus au niveau de la population. Les effets sublétaux ont été classés comme étant soit des effets à court terme (par exemple, la réponse au stress aigu), soit des effets à long terme ou retardés (par exemple, la croissance, la reproduction), qui sont directement liés à la santé et qui pourraient avoir eu des effets au niveau de la population. »
« Les animaux marins qui s’échappent ou sont rejetés par les pêcheries peuvent avoir un comportement altéré en raison d’un spectre de facteurs de stress sublétaux (Chopin et Arimoto, 1995 ; Ryer, 2004). En tant que tels, les individus rejetés peuvent être incapables de s’engager dans des comportements normaux de nage, d’alimentation et d’accouplement, imposant des coûts potentiels de santé. Du point de vue de la gestion, cela devrait être préoccupant car les individus rejetés qui survivent (ou sont supposés survivre) peuvent idéalement contribuer au recrutement et au rendement futurs (Halliday et Pinhorn, 2002). »
Skomal & Mandelman (2012)(4) font les remarques suivantes :
« Comme les téléostéens [poissons osseux], les requins présentent des réponses primaires et secondaires au stress qui se manifestent dans leur biochimie sanguine. La première est caractérisée par une augmentation immédiate et profonde des catécholamines et des corticostéroïdes circulants, qui sont censés mobiliser les réserves d’énergie et maintenir l’approvisionnement en oxygène et l’équilibre osmotique. Médiés par ces réactions primaires, les effets secondaires du stress chez les élasmobranches [requins et raies] comprennent l’hyperglycémie, l’acidémie résultant d’acidoses métaboliques et respiratoires, et de profondes perturbations de l’homéostasie ionique, osmotique et du volume des fluides. La nature et l’ampleur de ces effets secondaires sont spécifiques à chaque espèce et peuvent être étroitement liées à l’étendue métabolique et à la physiologie thermique, ainsi qu’au type et à la durée du facteur de stress. Chez les poissons, les stresseurs aigus et chroniques peuvent inciter une réponse tertiaire, qui implique des changements physiologiques au niveau de l’organisme, impactant ainsi les taux de croissance, les rendements ou investissements reproductifs, et la résistance aux maladies. [….] »
« En général, les poissons réagissent au stress de la capture, de l’exercice épuisant et de la manipulation avec des perturbations plus exagérées de leur physiologie et de leur biochimie que chez tous les autres vertébrés supérieurs (examiné par Pickering, 1981 ; Adams, 1990b ; Wood, 1991 ; Milligan, 1996 ; Wendelaar-Bonga, 1997 ; Kieffer, 2000 ; Skomal et Bernal, 2010), en partie à cause des défis inhérents normalement associés à la vie dans un environnement aquatique. »
« Hight et al. (2007) ont constaté que les niveaux de catécholamine ont augmenté de 100 à 1600 fois par rapport aux niveaux de base présumés chez les requins bleus et les requins mako (Isurus oxyrinchus) suite à leur capture par des engins de pêche pélagiques à la palangre. Dans ces cas extrêmes, des niveaux très élevés de catécholamines peuvent entraîner une vasoconstriction intense conduisant à une acidose métabolique [du fait notamment de l’accumulation d’acide lactique] ou à une anoxie et, potentiellement, à des lésions irréversibles des organes, des tissus et des cellules (Wendelaar-Bonga, 1997 ; Hight et al., 2007). Ainsi, chez les requins fortement stressés, la libération massive de catécholamines (surcharge) peut provoquer des conséquences physiologiques délétères dans le sang et les tissus. »
« [….] il existe des preuves de longue date que des niveaux élevés de cortisol [hormone libérée en réponse au stress] chez les téléostéens inhibent la synthèse du glycogène musculaire à la suite d’un stress (Pagnotta et al., 1994 ; Milligan, 2003) et que des concentrations chroniquement élevées de cortisol peuvent supprimer le système immunitaire, retarder les taux de croissance et compromettre la reproduction (par exemple, Pickering et Pottinger, 1985 ; Mommsen et al., 1999). »
« De plus, des études moléculaires récentes sur la réponse des téléostéens au stress aigu suggèrent que les dommages cellulaires peuvent entraîner un stress chronique, qui affecte la santé à long terme et réduit la survie (Currie et Tufts, 1997 ; Currie et al., 1999 ; McDonough et al., 1999 ; Currie et al., 2000 ; Iwama et al., 2006). [….] »
3. La mortalité par prédation après le relâcher (PRP)
Elle a fait l’objet d’une étude approfondie de Raby et al. (2013)(1) :
« [….] la prédation après le relâcher n’a pas souvent été sérieusement considérée comme une source de mortalité pour la diversité des taxons animaux qui sont capturés et relâchés, et en tant que telle a rarement été étudiée [….]. La raison de ce manque apparent d’attention est peut-être la difficulté inhérente à son étude : la PRP est cryptique et peut se produire des heures ou des jours après le lâcher(Coggins et al. 2007). Bien que la prédation soit un phénomène naturel et un médiateur important des interactions communautaires dans les écosystèmes aquatiques (Kerfoot et Sih 1987), les animaux relâchés dans un état affaibli sont exposés à un risque élevé de prédation jusqu’à ce qu’ils se remettent de l’épuisement causé par la capture. »
« On pense que la prédation après la libération se produit en partie en raison d’une déficience physiologique et comportementale des poissons relâchés qui les rend incapables d’échapper aux prédateurs. »
« Les blessures graves peuvent augmenter le risque de prédation si elles modifient la morphologie du poisson de manière suffisamment significative pour nuire à la performance de nage (Brouwer et al. 2006), entraver les capacités défensives (Parsons et Eggleston 2005), ou si elles augmentent la visibilité de l’animal (Mesa et al. 1994). De même, une perte de sang importante ou l’exposition des tissus de subsurface peut entraîner une baisse de performance à court terme et attirer l’attention des prédateurs par des signaux chimiosensoriels (Parsons et Eggleston 2005). [….] En plus des blessures, la capture par les pêcheries implique généralement un exercice anaérobie épuisant (causé par la lutte dans un filet ou sur une ligne) et une exposition à l’air (pendant le débarquement, le décrochage ou le tri). Pendant la récupération après ces perturbations physiologiques, les possibilités d’activité des poissons sont souvent très réduites (Jain et Farrell 2003). Il en résulte souvent des poissons relâchés avec une perte d’équilibre (c’est-à-dire sans capacité de nage), un état de vulnérabilité évidente à la prédation (Danylchuk et al. 2007a). Outre les performances de nage, le stress lié à l’épuisement peut affaiblir suffisamment les poissons pour qu’ils n’adoptent pas de comportement d’évitement des prédateurs, notamment la formation de bancs, l’utilisation de refuges ou d’autres processus décisionnels associés à la réduction du risque de prédation (Mesa et al. 1994 ; Ryer 2004). [….] À long terme, l’effet immunodépresseur d’une réponse au stress induite par la capture pourrait interagir avec les blessures physiques, entraînant des infections et des maladies (Lupes et al. 2006) qui pourraient nuire au comportement d’échappement des prédateurs pendant que la maladie est surmontée (ou cela pourrait conduire directement à la mortalité en l’absence de prédateurs). »
« Le nombre et le type de prédateurs présents dans la zone de largage des engins de pêche peuvent [également] influer sur la probabilité de survenue d’une PRP, en plus de l’existence ou non d’un refuge disponible à proximité. Cooke et Philipp (2004) ont examiné l’effet de la densité des prédateurs sur la PRP des tarpons. Ils ont relâché des poissons pêchés à la ligne dans des environnements à haute et à basse densité et ont déterminé que près de 40% des tarpons relâchés dans les zones à haute densité de prédateurs ont succombé à la prédation, malgré le fait qu’ils avaient été manipulés avec plus de précautions que les tarpons dans les zones à basse densité de prédateurs, alors que dans la zone à basse densité de prédateurs, tous les tarpons relâchés ont survécu. [….] En général, l’abondance des prédateurs sur un site de remise à l’eau n’a pas été quantifiée ou prise en compte dans les études sur la PRM, et pourrait être une cause majeure de la variation des taux de mortalité en fonction du contexte. »
« En général, l’étendue de l’épuisement physiologique, via une surcharge des voies anaérobies, est probablement le plus souvent le facteur déterminant pour savoir si un poisson sera capable d’échapper aux prédateurs lors de sa remise en liberté. En particulier, l’exposition à l’air est probablement un précurseur commun de la PRP chez les poissons car elle exacerbe les perturbations physiologiques déjà causées par un exercice épuisant – un état caractérisé par l’épuisement des réserves d’énergie tissulaire, l’acidose métabolique et l’hypoxémie (Ferguson et Tufts 1992). [….] Lorsqu’un poisson est sorti de l’eau, ses lamelles branchiales s’effondrent et les échanges gazeux sont empêchés. Il en résulte une accumulation de métabolites anaérobies dans les tissus corporels qui doivent être éliminés après la remise à l’eau avant que la pleine capacité d’exercice du poisson ne soit restaurée, une période pendant laquelle il peut être vulnérable (par exemple Davie et Kopf 2006 ; Gingerich et al. 2007 ; Arlinghaus et al. 2009). Ces effets peuvent être apparents avec seulement quelques minutes d’exposition à l’air (Danylchuk et al. 2007a). [….] Cooke et Philipp (2004) et Danylchuk et al. (2007a) ont montré que les tarpons avec des temps de manipulation plus longs et une plus grande exposition à l’air étaient plus sensibles à la prédation par les requins en raison d’une incapacité à maintenir l’équilibre lors de la remise à l’eau. »
« La récupération physiologique complète après l’exercice et l’exposition à l’air peut prendre des minutes, des heures ou des jours et peut même entraîner une mortalité directe en l’absence de prédateurs (Wood et al. 1983 ; Ferguson et Tufts 1992 ; Davis 2002). »
Par ailleurs, « la profondeur à laquelle les poissons sont capturés peut influencer leur susceptibilité à la PRP en cas de barotraumatisme. Un barotraumatisme se produit lorsque des poissons rencontrent un engin de pêche à une certaine profondeur (généralement > 20 m) et sont rapidement ramenés à la surface, ce qui se caractérise le plus souvent par une vessie natatoire distendue (Davie et Kopf 2006 ; Gravel et Cooke 2008). Il est important de noter qu’une vessie natatoire distendue peut empêcher les poissons de retourner en profondeur, où ils sont à l’abri des prédateurs. Les poissons dont la vessie natatoire est distendue ou rompue et qui flottent à la surface après la capture sont extrêmement vulnérables à la prédation par les prédateurs aquatiques et aviaires (Ross et Hokenson 1997 ; Jarvis et Lowe 2008 ; Nguyen et al. 2009). Gitschlag et Renaud (1994) ont conclu que la survie des vivaneaux rouges (L. campechanus, Lutjanidae) après leur remise à l’eau était inversement proportionnelle à la profondeur à laquelle le poisson avait été capturé. [….] »
Et les auteurs de conclure : La non-prise en compte de la PRP dans les estimations de la mortalité non observée est une préoccupation à laquelle il a été fait allusion dans des articles précédents (Ryer 2004 ; Alos 2009) car elle pourrait conduire à des sous-estimations importantes de la mortalité induite par la pêche (Coggins et al. 2007). [….] »
Wilson et al. (2014)(3) insistent sur le délai de récupération, qui peut être très important :
« Plusieurs études sur les poissons (Olla et al., 1997 ; Morgan et al., 1999 ; Davis et Parker, 2004 ; Ryer, 2004) et les invertébrés (Vermeer, 1987 ; Haupt et al., 2006) ont montré qu’un épuisement physiologique sévère est probablement la cause de l’altération de la performance de nage et du comportement de fuite face aux prédateurs. La récupération de l’altération du comportement chez les poissons à nageoires dépend probablement de l’intensité et de la durée du facteur de stress de la capture et peut contribuer à la variabilité des temps de récupération rapportés (i.e. 90 min – Olla et al., 1992 ; des jours ou des semaines – Olla et al., 1995, 1997 ; Morgan et al., 1999 ; Ryer et al.) »
En cas de barotraumatisme (poissons osseux vivant près du fond : mérous, vivaneaux, etc….), on notera que la seule consigne imposée aux pêcheurs du CSR est de remonter le poisson sur le pont, et de crever sa vessie natatoire pour la dégonfler en transperçant le poisson avec un outil pointu (en l’occurrence un applicateur spaghetti), avant de le relâcher dans l’eau.
Sans se soucier évidemment de savoir ce qu’il adviendra finalement du poisson du fait de cette pratique (déséquilibre ? déchirures ? lésions internes ? infections ?)….
Or la technique est largement battue en brèche par des chercheurs québécois dans une étude récente. Les auteurs, Larouche et al. (2019)(5), y précisent notamment :
« Pour améliorer la survie des poissons relâchés, certains pêcheurs pratiquent la perforation de la vessie natatoire (ou fizzing) pour en relâcher les gaz et ensuite permettre au poisson de regagner le fond. [….] l’intervention s’avère fréquemment inefficace pour soulager les symptômes de barotraumatisme et peut engendrer des dommages et des lésions létales à moyen terme. Il est donc recommandé de ne pas pratiquer la perforation de la vessie natatoire, et ce, peu importe les circonstances. »
« Les études menées par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs sur l’achigan confirment ce constat : le taux de mortalité des poissons ayant subi une perforation de la vessie natatoire n’était pas différent de celui des poissons témoins ou des poissons présentant des symptômes de barotraumatisme. D’autre part, les nécropsies vétérinaires menées sur les achigans ont mis en évidence des complications potentiellement létales (déchirures et infections), probablement dues à la perforation de la vessie natatoire. [….] Une petite erreur lorsque la perforation est pratiquée peut également rendre l’intervention inefficace, causer des dommages internes graves ainsi que la mort du poisson. De plus, les blessures associées à l’exophtalmie, à la formation d’embolies et aux hémorragies [provoquées par le barotraumatisme] peuvent causer la mort du poisson, même si la perforation de la vessie natatoire a été pratiquée. […] Même en utilisant de l’équipement et des repères anatomiques adéquats, l’intervention peut quand même être inefficace pour soulager les symptômes de choc barométrique. De plus, les repères anatomiques idéaux sont différents d’une espèce à l’autre (Nguyen et coll. 2009), ce qui complique la formulation d’une recommandation à grande échelle. »
Et ils recommandent, pour les poissons d’eau de mer, la recompression qui « consiste à redescendre le poisson à sa profondeur de capture pour inverser les conséquences de la décompression. Plusieurs appareils sont recommandés pour pratiquer cette technique, consistant principalement en des cages à fond ouvert, des hameçons plombés ou des pinces qui s’accrochent à la mâchoire des poissons et sont relâchées en profondeur [….]. »
On notera également :
- Que les deux techniques de pêche employées par le CSR sont susceptibles de provoquer des barotraumatismes : palangre verticale (PAVAC) utilisée entre 15m et 35m ; mais surtout palangre horizontale de fond (PHF) jusqu’à 70m de profondeur.
- Que les PHF sont notoirement meurtrières pour les captures accessoires : cf. par exemple cette remarque sur la synthèse n°41 : « La grande majorité de la mortalité constatée au cours du mois l’a encore été au cours des opérations de PHF, menées sur des fonds plus profonds afin d’y évaluer la présence potentielle de requins ciblés. »
- Que l’emploi des PHF est totalement illégal : il viole ouvertement l’interdiction formelle d’utilisation édictée par…..l’arrêté préfectoral n°3702 du 16 décembre 1996. Bien entendu, le CSR (donc l’Etat, sic) n’a jamais obtenu, ni même sollicité, de dérogation à cette interdiction. Le préfet viole donc ses propres arrêtés !!
Inutile de préciser qu’aucun des effets décrits ci-dessus, obstacles majeurs à la survie des poissons après le relâcher, n’a fait l’objet de la moindre étude scientifique de la part du CSR depuis près de 5 ans qu’il existe !
Non : on se contente d’affirmer en gros que, puisque le poisson est « vivant » au moment du relâcher, il restera en vie (CQFD).
Et tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles…..
Didier Dérand
Collectif « Requins en Danger à la Réunion »
(1) Raby G.D., Packer J.R., Danylchuk A.J., Cooke S.J. (2013) – The understudied and underappreciated role of predation in the mortality of fish released from fishing gears. Fish and Fisheries. 15. http://doi.wiley.com/10.1111/faf.12033
(2) Skomal GB. (2007) – Evaluating the physiological and physical consequences of capture on post-release survivorship in large pelagic fishes. Fish Manage Ecol.; 14(2):81–9. https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1365-2400.2007.00528.x
(3) Wilson S.M., Raby G.D., Burnett N.J., Hich S.G. & Cooke S.J. (2014) – Looking beyond the mortality of bycatch: sublethal effects of incidental capture on marine animals. Biological Conservation, 171, 61-72. https://doi.org/10.1016/j.biocon.2014.01.020
(4) Skomal G.B., Mandelman J.W. (2012) – The physiological response to anthropogenic stressors in marine elasmobranch fishes: A review with a focus on the secondary response. Comparative Biochemistry and Physiology Part A: Molecular & Integrative Physiology, Volume 162, Issue 2, Pages 146-155, ISSN 1095-6433, https://doi.org/10.1016/j.cbpa.2011.10.002
(5) Larouche M., Paradis Y., Hatin D., Brodeur P., Sirois P. (2019) – Barotraumatisme chez les poissons d’eau douce et impact de la perforation de la vessie natatoire pour en réduire les effets, ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, 40 p. et 3 annexes.
Chaque contribution publiée sur le média nous semble répondre aux critères élémentaires de respect des personnes et des communautés. Elle reflète l’opinion de son ou ses signataires, pas forcément celle du comité de lecture de Parallèle Sud.